Philippe Lespinard, Schroders
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Les investisseurs doivent savoir anticiper convenablement les changements de politique des banques centrales. C’est ce qu’ont déclaré trois gestionnaires de patrimoine internationaux lors de leur Investment Forum annuel commun qui s’est tenu à Bruxelles. Les stratèges de Schroders, Invesco et Franklin Templeton prédisent de grands changements, tant au niveau des obligations que des actions.

« Au bout de dix ans, l’assouplissement monétaire touche véritablement à sa fin », affirme Philippe Lespinard, responsable stratégique des produits à rendement fixe chez Schroders. « La BCE a déjà réduit de moitié les achats d’actifs, à concurrence de 30 milliards d’euros par mois. La Banque du Japon a elle aussi revu ses achats à la baisse. » Philippe Lespinard s’attend à ce que la Réserve fédérale américaine se mette à vendre des obligations. « Cette fin de l’assouplissement monétaire va peser sur l’évaluation des obligations. »

Selon le stratège, la grande majorité des pays européens se trouvent dans un cycle robuste, à l’exception de la Grande-Bretagne, que le Brexit a plongée dans une phase d’incertitude.  

Les évolutions politiques attendues ne sont pas non plus sans conséquences pour les marchés boursiers, estime Philippe Lespinard. « Les banques centrales du monde entier agissaient partout à l’identique, mais cela va changer. Les flux financiers n’étant désormais plus gérés par les banques centrales, le fossé entre les performances des bonnes et des mauvaises entreprises va se creuser. »

L’ascension des pays émergents

Les marchés boursiers émergents (ME) sortent en revanche des eaux troubles en 2018, si l’on en croit les prévisions du portfolio manager de Franklin Templeton Carlos von Harderberg, qui emboîte le pas au gourou des placements Mark Mobius. 

« La dégringolade des devises, les nombreux conflits, l’incertitude politique et la baisse des prix des matières premières entraîne un repli de la plupart des investisseurs sur les ME. Nous entrons à présent dans une phase de normalisation. Citons à titre d’exemple les élections au Chili, en Afrique du Sud et en Inde, annonciatrices d’une période beaucoup plus stable. »

Il estime que ces dernières années, de gigantesques pas en avant ont même été franchis : « les pouvoirs publics et les entreprises ont réduit leurs dettes. Les entreprises des marchés émergents sont par ailleurs devenues bien moins tributaires du dollar américain parce qu’elles peuvent dorénavant se tourner davantage vers les investisseurs locaux grâce à un marché des capitaux local sain. » 

Carlos von Harderberg souligne également le fait que les ME comptent de nombreuses entreprises innovantes. Ces pays misent selon lui pleinement sur la recherche et le développement : « Les ME misent gros sur l’innovation. Il n’y a qu’à considérer l’industrie automobile, actuellement en pleine révolution du développement, pour s’en convaincre. N’oublions pas que la moitié des demandes de brevets mondiaux émanent des pays émergents, contre moins de 20 % il y a dix ans. »

L’évaluation des ME reste au demeurant, avec 25 %, bien inférieure à celle des pays développés, ce qui les rend attrayants selon le gestionnaire. Carlos Von Harderberg : « Une déstabilisation massive et imprévue au Moyen-Orient pourrait constituer un risque pour les ME. Mais de manière globale, les perspectives sont bonnes. »

Des incidents avec la dette à taux fixe

Gareth Isaac,  CIO EMEA d’Invesco, pense qu’une sélection rigoureuse et une gestion active feront la différence en 2018. Il prévoit des « incidents » avec les dettes à taux fixe. La raison en est qu’il n’existe plus de rémunération appropriée pour les risques encourus.

Gareth Isaac : « Un nombre important d’investisseurs n’évoluent pour l’instant pas dans leur habitat naturel. L’exemple des fonds de pension et des assureurs, poussés à accepter davantage de risques lorsque les taux étaient bas, le démontre. »

Selon l’investisseur, leur retrait des high yield va s’avérer problématique : « Nos marchés locaux n’y sont pas suffisamment préparés. » Il est d’ailleurs loin d’être sûr que ces 180 milliards qui retournent sur le marché seront achetés par des investisseurs privés : « Quand on peut à nouveau obtenir 2 ou 3 % sur une obligation d’État américaine à 10 ans, pourquoi continuer à investir son argent dans des high yield ? »

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