AG Insurance est l’un des plus importants détenteurs d’actifs en Belgique, avec un portefeuille de 75 milliards d’euros. Entretien avec Wim Vermeir (CIO) et Filip Corten (Senior Investment Strategist).
IO : Quelle est la composition actuelle du portefeuille d’AG Insurance ?
W. Vermeir : « Nous sommes le plus important investisseur institutionnel de Belgique. Nous devons garantir les pensions de nos clients et sommes donc soumis à une obligation de résultat. Nous nous distinguons en cela des fonds de pension, qui n’ont qu’une obligation de moyens. Notre actif sous gestion s’élève à 75 milliards d’euros, immobilier compris. Après l’Église et l’État, nous sommes le plus grand investisseur immobilier du pays et possédons surtout des bureaux, des parkings, des infrastructures logistiques et des centres commerciaux. À la différence des autres acteurs, nous avons opté pour une intégration verticale et assurons l’ensemble du processus : achat, exploitation, location et vente. Dans l’immobilier aussi, notre approche est défensive ; nous ne bâtissons que lorsque nous avons déjà un locataire, voire un acheteur. »
IO : Quid du reste du portefeuille ?
W. Vermeir : « Nous devons tenir compte des taux extrêmement bas – un contexte difficile, mais dont nous parvenons à nous accommoder. Notre portefeuille est investi pour 53 % en emprunts d’État, 18 % en obligations d’entreprises, 16 % en prêts directs, 3 % en actions et 10 % en immobilier. »
IO : C’est donc un portefeuille très défensif ?
F. Corten : « Oui Sur le segment obligataire, nos titres souverains (principalement belges, mais aussi français ou néerlandais) sont pour la plupart notés AA à A. Nous ne prenons aucun risque de change, car la couverture est difficile et onéreuse. En termes de duration, nous nous positionnons plutôt sur l’extrémité longue de la courbe, où l’on trouve encore un peu de rendement. Pour le crédit, nous privilégions les titres investment grade, notés BBB surtout. Nous considérons le haut rendement comme un investissement tactique. »
IO : Adoptez-vous aussi une approche active ?
W. Vermeir : « Bien sûr. Lorsque nous avons constaté, fin 2018, que les spreads des obligations d’entreprises avaient atteint des niveaux attrayants en raison des turbulences de marché, nous avons procédé à des achats massifs. C’était une décision judicieuse. Aujourd’hui, notre positionnement est plutôt neutre. Nous adoptons donc une approche anticyclique si l’occasion se présente. Nous étudions soigneusement le marché pour profiter sans hésiter de telles situations. Notre taille est plutôt un avantage. Les émetteurs peuvent placer chez AG des tranches de 50 millions d’euros, voire plus. La liquidité n’est pas un problème, car nos engagements sont à très long terme. 25 % de notre portefeuille est assez peu liquide. »
IO : À 3 %, le volet actions semble vraiment modeste
F. Corten : « Nous nous intéressons surtout aux actions de la zone euro et adoptons en premier lieu une perspective sectorielle. Ensuite, nous sélectionnons les entreprises, sans exclure les petites capitalisations boursières. Cette approche, associée à un biais sur la solidité des dividendes, permet d’obtenir un rendement attrayant. Nos placements en actions sont suivis par nos gérants internes. »
IO : La directive Solvabilité II vous impose-t-elle beaucoup de restrictions ?
W. Vermeir : « Le coût du capital fixé par la directive Solvabilité II est assez élevé pour les actions. J’ai lu que l’Europe avait formulé des propositions pour le réduire. Ce serait une bonne chose. Les normes IFRS9 nous obligent aussi à procéder à des dépréciations sur les actions du fait de la volatilité. Cela peut avoir un impact fort sur notre compte de résultat. »
Investissements durables
AG Insurance se profile de plus en plus comme un acteur durable. Entretien avec Bernadette Migisha, gérante de portefeuille et spécialiste ESG.
IO : Que signifie la durabilité pour AG Insurance ?
B. Migisha : « La durabilité est inscrite dans notre ADN depuis 2007, mais nous communiquons davantage dessus depuis peu seulement. Nous avons déjà parcouru un chemin considérable, mais ces efforts ne sont pas toujours visibles. Nous sommes plutôt modestes et voulons aussi éviter à tout prix de tomber dans l’écoblanchiment. En 2007, nous avons commencé à adopter une approche « best-in-class ». Pour tous nos actifs, nous allons bientôt exclure tous les types d’armes, le tabac et le charbon – des secteurs qui ne sont pas durables, selon nous. Nous incluons aussi les facteurs ESG dans nos analyses pour les nouveaux investissements et avons signé début 2019 les Principes de l’investissement responsable (PRI). »
Y-a-t-il des mandats ESG spécifiques chez vous ?
B. Migisha : « Oui, ils représentent 4 milliards d’euros. Ce sont surtout des supports en unités de compte avec protection du capital et des assurances de groupe. Dans ce cadre, nous pouvons adopter des critères plus stricts déterminés avec le client. Nous nous appuyons sur les données ESG de Sustainalytics, qui nous apporte la couverture nécessaire. »
IO : Les clients reçoivent-ils des rapports ?
B. Migisha : « Oui, nous fournissons des rapports et toutes les statistiques relatives aux aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance pour les différents indices de référence : MSCI EMU, World,… »