Avec la stabilisation des taux d’intérêt et le ralentissement de l’inflation, le marché obligataire retrouve un rôle plus classique de source de rendements prévisibles. Les investisseurs s’intéressent particulièrement aux échéances plus courtes, explique Alexandre Goldwasser.
Alexandre Goldwasser, directeur de Goldwasser Exchange, explique dans un entretien accordé à Investment Officer que les titres à revenu fixe retrouvent leur rôle habituel. « Le marché obligataire se trouve dans une phase de transition. Après le fort choc inflationniste de 2022-2023, nous assistons aujourd’hui à une normalisation des taux d’intérêt et à une baisse structurelle de l’inflation. Les obligations retrouvent ainsi leur rôle traditionnel : offrir des rendements prévisibles dans un cadre de risque contrôlé. »
Ce repositionnement sur le marché se traduit principalement par une préférence marquée pour les échéances plus courtes. « Aujourd’hui, les investisseurs souhaitent rester flexibles en raison de leur faible visibilité sur la croissance économique, l’inflation et la future politique de taux d’intérêt de la BCE. Cela explique la tendance marquée en faveur des échéances courtes. Celles-ci offrent justement une combinaison de visibilité et de rendement. »
Prudence dans la gestion de la duration
Le principe de prudence est le fil conducteur du marché. « La duration est principalement gérée avec prudence. La plupart des investisseurs préfèrent les échéances à court et moyen terme afin de pouvoir réagir avec souplesse aux fluctuations des taux d’intérêt. »
Selon M. Goldwasser, de nombreux portefeuilles sont construits à partir d’une « stratégie typique consistant à capter les rendements sur des durations courtes, puis à passer à des échéances plus longues à un stade ultérieur, lorsque la trajectoire des taux d’intérêt est plus claire ». Cette approche reflète le climat d’investissement général : les conditions sont plus favorables qu’il y a deux ans, mais encore trop incertaines pour prendre des risques agressifs en matière de duration.
Les grands gagnants de la collecte
Les chiffres de la collecte confirment également le positionnement du marché. Selon M. Goldwasser, la plupart des capitaux ont été investis cette année dans des obligations d’État à court terme, des obligations d’entreprises investment grade et des fonds du marché monétaire. « Cela s’explique par la prévisibilité limitée de l’environnement macroéconomique, d’une part, et par les spreads de crédit très faibles entre investment grade et haut rendement, d’autre part. »
Le directeur note que les clients trouvent actuellement les spreads sur les obligations à haut rendement trop faibles pour compenser de manière adéquate les risques cycliques. « Ils estiment que le segment à haut rendement et le marché boursier ont déjà intégré de nombreuses bonnes nouvelles et préfèrent attendre une correction avant d’ajouter davantage de risque à leur portefeuille. »
Techniquement, le marché n’est pas en mauvaise posture. La baisse marquée de l’inflation dans la zone euro, la fin des hausses agressives de taux d’intérêt, la résilience des données économiques, la solidité du marché du travail et la bonne tenue du marché primaire des obligations d’État ont réduit la volatilité. Toutefois, les investisseurs restent prudents dans leurs prises de position, précisément parce que la visibilité demeure limitée.
Les risques restent asymétriques
En ce qui concerne l’avenir, M. Goldwasser souligne les facteurs qui influenceront les taux d’intérêt et l’inflation dans les mois à venir : le rythme de la poursuite de la baisse de l’inflation, le calendrier des réductions de taux d’intérêt, la tendance de la croissance en Europe et les risques géopolitiques susceptibles d’affecter les taux d’intérêt à long terme en particulier. « Un facteur de risque majeur est que l’inflation soit plus persistante que prévu. Par ailleurs, un ralentissement plus marqué de la croissance pourrait particulièrement affecter les titres à haut rendement. Compte tenu de la faiblesse actuelle des spreads, les gens font preuve d’une vigilance particulière à cet égard. »
C’est précisément cette combinaison d’incertitudes qui explique pourquoi les investisseurs préfèrent aujourd’hui prendre trop peu de risques plutôt que l’inverse. La flexibilité et la sécurité du capital sont primordiales, en particulier dans les portefeuilles des investisseurs professionnels.
Welcome Bonds
Dans ce contexte, Goldwasser Exchange a récemment lancé des obligations « Welcome Bonds », que M. Goldwasser décrit comme une sélection d’obligations d’État européennes avec des échéances inférieures à trois ans, à des conditions conçues pour rivaliser avec les comptes à terme traditionnels.
Le rendement net est supérieur à celui des comptes à terme de même échéance, tandis que la qualité de crédit des émetteurs de la zone euro offre une sécurité supplémentaire, explique M. Goldwasser.
Il existe également une différence en matière de traitement fiscal. « Lorsque l’obligation est détenue jusqu’à l’échéance, la neutralité fiscale est totale : pas de précompte mobilier, pas de taxe sur les opérations de bourse et pas de taxe sur les plus-values. C’est exactement le profil que de nombreux investisseurs recherchent aujourd’hui. »
Les Welcome Bonds sont composés d’obligations d’État européennes solides, principalement des années 2019 à 2021, cotées en dessous du pair sur le marché secondaire. Cela permet d’obtenir un rendement net intéressant dans un laps de temps relativement court. Bien que le lancement n’ait eu lieu qu’à la mi-novembre et qu’il soit encore trop tôt pour connaître les chiffres exacts en termes de volume, les premiers signaux sont clairement positifs, selon M. Goldwasser. « Ce produit correspond parfaitement aux besoins actuels du marché : certitude, échéances courtes et transparence. Notre ambition est de lever plusieurs dizaines de millions d’euros dans les mois à venir. »