« Les entreprises affichant 15 % de croissance des bénéfices par an ou davantage sont chères. Mais cela ne s’applique pas à la vingtaine d’entreprises de notre portefeuille », déclare Jim Tierney d’AB Concentrated US Equity lors d’un entretien avec Investment Officer.
Le gestionnaire se tourne principalement vers des entreprises de qualité dont les perspectives de croissance sont légèrement inférieures, en moyenne autour de 12 à 13 % par an pendant les cinq prochaines années.
« Notre portefeuille se négocie à 21 fois le bénéfice par action prévu, contre une moyenne de 17 fois le bénéfice de l’indice S&P 500. Compte tenu de la croissance des bénéfices deux fois plus élevée que celle du marché, il ne s’agit pas d’une prime exagérée. 21 fois le bénéfice est aussi la valorisation que nous avons payée en moyenne au cours des dernières décennies. »
Les entreprises dont les bénéfices augmentent de 15, 20 ou même 25 % par an, souvent avec un ratio cours/bénéfice de 30 ou davantage, sont surévaluées aux yeux de Tierney. De nombreuses entreprises de technologie appartiennent à cette catégorie.
« Nous n’investissons pas dans ce type d’actions, notamment parce que nous croyons que ces valorisations élevées seront intenables. Une croissance des bénéfices de 25 % par an peut sans doute être durable pendant quelques années, mais très rarement pendant cinq ans ou davantage. Le risque est tout simplement trop élevé. »
Du reste, le gestionnaire considère que d’une manière générale, les actions américaines ne sont ‘d’aucune façon’ chères par rapport aux obligations. Avec les taux d’intérêt actuels, un ratio cours/bénéfice moyen ‘substantiellement’ plus élevé est selon lui même justifié, surtout si certaines incertitudes devaient disparaître sur le marché, comme dans le cadre de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.
Apple vendue
Ce conflit affecte la composition du portefeuille, explique Tierney. « J’évite maintenant les entreprises trop exposées au marché chinois. Pour être honnête, c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons vendu au premier trimestre de cette année notre position dans Apple, qui réalise un quart de son chiffre d’affaires en Chine. »
Toutefois, selon le gestionnaire, cela n’enlève pas que d’autres entreprises du portefeuille, comme Starbucks ou Aptiv (pièces automobiles), sont sensibles à une nouvelle escalade du conflit.
Si l’économie se retrouve ainsi en récession, le dommage subi par les investisseurs du fonds d’actions américaines devrait rester relativement limité. « Depuis le lancement de la stratégie, le S&P a clôturé huit années dans le rouge, dont en 2018. Au cours de ces huit années négatives, nous avons à chaque fois battu le marché. Lors de ces années négatives, la surperformance était en moyenne d’environ 10 points de pourcentage par an. Cela n’est pas le cas pour les fonds d’actions de croissance plus traditionnels. »
30ème anniversaire
Le fonds frère coté aux Pays-Bas W.P. Stewart Holdings Fund a récemment célébré son trentième anniversaire. Depuis son lancement, le processus d’investissement est resté relativement inchangé, ce que Tierney qualifie d›‘incroyablement unique’ dans ce secteur.
Quelques entreprises figurent depuis trente ans sur l’‘approval list’, d’environ 45 noms actuellement. Parmi celles-ci, Abbott Labs, International Flavors & Fragrances et Microsoft font effectivement partie du portefeuille du fonds.
Cependant, celles qui étaient des entreprises en croissance en 1989 ne le sont bien souvent plus aujourd’hui. « À l’époque, il y avait de nombreux producteurs de produits de consommation courante, comme Coca-Cola ou General Mills, ou de grandes entreprises pharmaceutiques. Aujourd’hui, ils ne réalisent plus une croissance des bénéfices de 10 à 15 % par an.
Données consommateurs
C’est pourquoi le gestionnaire se concentre désormais beaucoup plus sur les entreprises orientées services et données. Or celles-ci sont présentes dans toutes sortes de secteurs, même là où on ne s’y attend pas.
« Ce que la plupart des gens ne considèrent pas comme une entreprise de données mais qui, selon nous, l’est dans une mesure croissante, est Ulta Beauty, une chaîne de distribution de produits de beauté en pleine expansion. Ils suivent les données d’achats de 32 millions de clients, soit 95 % de leur chiffre d’affaires. Cela offre de nombreuses opportunités en matière de ‘suggestive selling’, un des facteurs de succès d’Amazon. »
Les types d’entreprises dans lesquels Tierney préfère investir sont donc très variés. « Pour faire le parallèle avec la ruée vers l’or en Californie, ce ne sont pas les chercheurs d’or, mais les entreprises qui ont fourni les ‘seaux et les pelles’ qui ont fait les meilleures affaires. »