L’inflation américaine a connu une hausse inattendue en février, ce qui laisse présager que la Réserve Fédérale reportera probablement ses projets de baisse(s) des taux d’intérêt. Alors que le marché tablait sur une réduction des taux en juin, les experts de chez Vanguard et Apollo, notamment, estiment désormais qu’aucune baisse ne sera réalisée au cours de l’année.
Selon les données du Bureau américain des statistiques du travail, l’indice des prix à la consommation (IPC) américain a atteint 3,2 % en février, dépassant ainsi les prévisions qui tablaient sur un chiffre identique à celui de janvier (3,1 %). Combinée à une économie robuste, l’inflation américaine plus élevée que prévu tempère les anticipations de baisse des taux par la Fed. Voilà maintenant plusieurs mois que cette perspective est constamment reportée.
Selon le CME FedWatchTool, la probabilité que les taux d’intérêt demeurent inchangés en mai est supérieure à 88 %. La probabilité que la Fed ne réduise pas non plus ses taux d’intérêt en juin est également passée de 7 % à 30 % le mois dernier. Au début de l’année, le marché estimait la probabilité de ce scénario à moins de 1 %. La probabilité que la Fed maintienne ses taux d’intérêt dans la fourchette actuelle de 5,25 à 5,5 % au 18 décembre de cette année est de 0,6 %, selon le CME FedWatchTool. Les partisans de la thèse d’une absence de baisse des taux se font de plus en plus entendre.
Vanguard
Ainsi, Roger Aliaga-Diaz, économiste en chef chez Vanguard, considère qu’il est tout à fait envisageable que la Fed ne réduise pas ses taux d’intérêt cette année. « Sur le plan économique, le scénario Boucles d’or, avec une croissance forte et une inflation plus faible s’est concrétisé grâce à un élargissement bienvenu de l’offre principalement attribuable à une croissance du marché du travail et de la productivité supérieure aux attentes. Cela explique nos prévisions économiques actualisées, qui tablent sur une croissance plus forte, un marché du travail robuste, une inflation persistante et une certaine prudence, de la part de la Fed, en ce qui concerne sa première baisse des taux, avec la possibilité de ne pas réduire du tout les taux d’intérêt cette année et de maintenir l’objectif pour le taux des fonds fédéraux dans la fourchette actuelle de 5,25 % à 5,5 % pour le reste de l’année 2024 », déclare Roger Aliaga Diaz.
Pour l’économiste, un scénario d’atterrissage en douceur, avec des réductions modérées des taux par la Fed, ne toutefois peut être écarté. Si la vigueur de l’offre persiste en 2024, cela créera probablement des conditions favorables à un retour accéléré de l’inflation vers l’objectif fixé par la Fed, sans pour autant affaiblir la croissance économique ou le marché du travail.
Mark Okada, fondateur et CEO de Sycamore Tree Capital Partners, estime également qu’il est très probable que la Fed ne modifie pas ses taux d’intérêt cette année. Mais il considère surtout que le marché se soucie peu de ces taux d’intérêt. « L’inflation est plus élevée que prévu et, dans le même temps, les marchés boursiers établissent des sommets historiques. Le marché n’est actuellement pas centré sur la Fed », a-t-il déclaré à CNBC.
Apollo
Au début du mois, Torsten Slok, l’économiste en chef d’Apollo Management, a également rejoint le groupe d’économistes estimant qu’une nouvelle accélération de l’économie américaine dissuadera la Réserve fédérale de réduire ses taux d’intérêt en 2024. L’ancien secrétaire au Trésor Lawrence Summers ainsi que certains stratèges de chez Citigroup font également partie de ce camp.
« Le fait est que la Fed s’emploiera à lutter contre l’inflation pendant la majeure partie de l’année 2024 », écrivait Torsten Slok dans une note à ses clients. Selon lui, les rendements sur les marchés à revenu fixe, comme les bons du Trésor américain, resteront élevés. « Le marché doit maintenant réaliser que les données ne montrent tout simplement pas de signe de ralentissement », a déclaré Torsten Slok lors d’un entretien avec Bloomberg Surveillance Radio. « Tout devrait continuer à étayer la croissance des dépenses de consommation, des investissements en biens d’équipement et des embauches pendant la majeure partie de l’année. »
Certains analystes soutiennent que les taux d’intérêt, aussi élevés soient-ils actuellement, ne causent pas tant de dommages. « Le vieil adage à Wall Street est que les taux d’intérêt continuent d’augmenter jusqu’à ce que quelque chose casse, et je dirais que, du moins en ce qui concerne les taux, nous n’avons pas encore suffisamment cassé pour causer les dommages que tout le monde anticipe », a déclaré Jim Bianco, président de Bianco Research.