Les investisseurs dans les fonds ESG européens pourraient connaître un réveil brutal, car les nouvelles directives de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) menacent de bouleverser le secteur, selon Morningstar.
D’après un rapport de Morningstar Sustainalytics, un nombre vertigineux de fonds pourraient être contraints de changer de nom ou de se défaire de milliards de participations pour se conformer aux nouveaux critères d’exclusion de l’AEMF.
Les nouvelles règles interdisent aux fonds utilisant des termes liés à l’ESG ou à la durabilité dans leur nom d’investir dans des entreprises tirant des revenus substantiels de combustibles fossiles. Ces exclusions PAB (Paris-aligned benchmark) sont particulièrement strictes et excluent les investissements dans les géants de l’énergie tels que TotalEnergies et Shell.
Rebranding à grande échelle en vue
Dans le rapport de recherche de 20 pages intitulé EU Guidelines on ESG Funds’ Names : A Great Reshuffle Ahead, Morningstar Sustainalytics a identifié environ 4300 fonds européens comportant des termes liés à l’ESG ou à la durabilité dans leur nom qui seront concernés par les nouvelles directives. Parmi les 2500 fonds dont les données d’actionnariat sont disponibles, 1600 fonds (soit environ les deux tiers) détiennent au moins une action susceptible d’enfreindre les règles d’exclusion PAB ou CTB (Climate Transition Benchmark).
Pour se conformer à ces règles, ces fonds sont confrontés à deux choix difficiles : céder les actions concernées ou supprimer les termes liés à l’ESG dans leur nom. Si les 1600 fonds choisissent de conserver leur nom, cela pourrait entraîner des désinvestissements d’une valeur de 40 milliards de dollars, touchant particulièrement les secteurs de l’énergie, de l’industrie et des matériaux de base.
Les actions les plus couramment détenues susceptibles de contrevenir aux règles d’exclusion PAB/CTB sont TotalEnergies, Tencent Holdings et Shell. Parmi les autres grands noms de la liste figurent ExxonMobil, Chevron et BP.
En termes de valeur de marché, les pays les plus touchés seraient les États-Unis, la France et la Chine, tandis qu’en termes de nombre d’entreprises concernées, les les plus impactés seraient la Chine, les États-Unis et l’Inde.
Fonds de transition et investissements durables
En raison de la nature stricte des exclusions PAB, les chercheurs de Morningstar Sustainalytics s’attendent à ce que de nombreux fonds retirent les termes « ESG » et apparentés de leur nom, tandis que certains fonds pourraient se repositionner en tant que fonds de transition, auxquels s’appliquent des exclusions CTB, moins restrictives, à condition qu’ils puissent démontrer un chemin de transition clair et mesurable.
En outre, les fonds comportant le terme spécifique « durable » dans leur nom devront investir de manière « significative » dans des investissements durables, conformément au Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR). Dans le meilleur des cas, seuls 56 % de ces fonds pourraient conserver ce terme si le seuil minimum pour une allocation « significative » est fixé à 30 %.
L’AEMF a indiqué que les directives entreront en vigueur trois mois après la date de leur publication pour les nouveaux fonds, et neuf mois après cette date pour les fonds existants. Si la publication devait avoir lieu le 15 juin 2024, les directives s’appliqueraient donc à partir du 15 septembre 2024 pour les nouveaux fonds, et à partir du 15 mars 2025 pour les fonds existants, selon Morningstar.