Lors de sa conférence sur l’intelligence artificielle à Bruxelles, la société de fonds DPAM a offert une perspective rare sur la manière dont l’IA est utilisée sur sur le lieu de travail.
L’intelligence artificielle qui peut prendre des décisions d’investissement indépendantes sans intervention humaine est encore une perspective lointaine, notamment parce que les régulateurs ne sont pas très favorables à cette idée. Mais ce que l’IA peut faire, c’est augmenter considérablement la productivité des gestionnaires de fonds en tant que super-assistants pour le traitement des informations, ont expliqué déclaré le gestionnaire de fonds Aurélien Duval et le spécialiste ESG Matthew Welch lors de l’événement sur l’IA organisé par DPAM jeudi à TheMerode.
Pour illustrer leurs propos, ils citent le suivi de conférences téléphoniques d’entreprises ou d’experts. Chez DPAM, il arrive que la salle où se déroulent ces vidéoconférences soit totalement vide, à l’exception d’un ordinateur ou d’une tablette allumés. C’est l’IA qui suit et enregistre l’appel, puis le transcrit et le résume immédiatement.
« Cela augmente notre productivité, car cela nous permet de participer à des événements, des conférences ou des réunions auxquels nous n’aurions normalement pas participé en raison de chevauchements d’horaires. Au lieu de passer une heure sur cette conversation, nous pouvons en lire l’essentiel en cinq minutes », affirment MM. Duval et Welch. « Nous utilisons généralement cette technique pour les appels vidéo sans questions ni dialogue, ou pour les appels avec, par exemple, une centaine d’interlocuteurs, où les chances de pouvoir poser notre question sont de toute façon minces. »
Invite
Les gestionnaires de DPAM utilisent naturellement aussi l’IA pour analyser et traiter les rapports financiers, où les données publiques saisies peuvent être complétées par des informations propriétaires, telles que des entretiens exclusifs avec des acteurs clés ou des données macroéconomiques payantes. Ce faisant, les gestionnaires de fonds vont bien au-delà d’une invite classique de ChatGPT, l’instruction que vous donnez à l’outil d’IA, du style « Résume ces rapports en dix points ».
« Il est essentiel de disposer d’une bonne invite. Nous avons travaillé sur notre invite pendant 15 mois : l’instruction a été modifiée à plusieurs reprises pour l’améliorer et fait maintenant deux pages et demie. Moyennant quelques ajustements, vous pouvez l’appliquer à l’analyse d’entreprises de plusieurs secteurs. Si vous avez la combinaison d’une très bonne invite détaillée avec des données fiables, le résultat peut être d’une très grande qualité. »
Quels sont les moving factors d’une décision d’investissement ? L’IA elle-même ne peut pas le déterminer, il faut un regard humain.
Aurélien Duval, gestionnaire chez DPAM
Quel est alors le rôle du gestionnaire de fonds ? « Il doit poser les bonnes questions au système d’IA et être en mesure d’identifier exactement les moving factors pour le cas d’investissement qu’il analyse. Quels sont les détails cruciaux ? L’IA elle-même ne peut pas le déterminer, il faut un regard humain », répond M. Duval.
M. Welch donne un exemple dans le domaine de l’investissement responsable. « Nous ne demandons jamais à l’IA si une entreprise a une bonne politique éthique ou non. Ce que nous demandons à l’IA, c’est de passer en revue une liste de contrôle des différents éléments d’une telle politique. Par exemple, la charte éthique est-elle accessible à l’ensemble du personnel, aux fournisseurs de l’entreprise, etc. ? Sur la base de ces réponses, le gestionnaire de portefeuille peut alors procéder à une évaluation. »
Intelligence humaine augmentée
Pour M. Duval, une fonction de chat dans l’IA n’est pas seulement un avantage, mais un outil essentiel. « De nombreuses données sont accessibles à tous. Comment créer un avantage concurrentiel par rapport aux autres gestionnaires d’actifs ? C’est ce que vous faites avec les données, comment vous les utilisez. Vous pouvez affiner l’analyse en dialoguant avec l’outil d’IA de la même manière que vous le feriez avec un collègue analyste », pour l’instant, en tapant des questions sur le clavier de l’ordinateur. « Mais si cela pouvait se faire par la voix à l’avenir, ce serait formidable. »
« Un exemple concret : après une analyse d’entreprise réalisée de manière traditionnelle, il peut être intéressant de la comparer avec les chiffres d’une entreprise d’un autre pays ou d’un autre segment de marché, par exemple. Cette deuxième analyse peut être effectuée par l’IA. Cette étude ne sera pas aussi approfondie que pour la principale entreprise analysée, mais elle fournira néanmoins des informations supplémentaires utiles. Encore une fois : à condition de disposer de données fiables et de poser les bonnes questions. »
Les gestionnaires de fonds de DPAM ne considèrent donc pas l’IA comme un concurrent ou un substitut, mais comme un assistant qui augmente leur productivité d’environ 30 %. C’est ce qu’IBM appelle l’intelligence humaine augmentée : l’IA améliore la capacité humaine à traiter l’information, puis les humains prennent des décisions basées sur cette information. « L’IA améliore nos processus plutôt que de les remplacer. »