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Le prix de l’or a déjà augmenté de plus de 40 % en un an. Les banques privées ne se laissent pas décourager par la forte hausse des prix et estiment que le métal précieux représente une couverture idéale contre les turbulences géopolitiques de l’ère Trump II.
« Tous les portefeuilles que nous gérons de manière discrétionnaire pour nos clients comprennent de l’or et nous recommandons systématiquement l’or dans nos conseils de gestion », explique Geoffroy Vermeire, directeur général de Lombard Odier en Belgique.
Lors de la crise du coronavirus en 2020, la banque privée a ajouté le métal précieux à son allocation stratégique, lorsque les taux d’intérêt réels étaient négatifs. Même si les taux réels sont devenus positifs, ce positionnement stratégique n’a pas changé, compte tenu des turbulences géopolitiques.
La vision positive de Lombard Odier sur l’or est directement liée aux droits de douane et à la stratégie géopolitique particulière du nouveau président américain Donald Trump. Il est fort à craindre que le protectionnisme commercial conduise à une inflation importante. Les investisseurs espèrent que l’or conservera sa valeur dans un tel contexte.
En outre, le métal précieux joue son rôle traditionnel de valeur refuge en cas de troubles géopolitiques. « D’un point de vue de la gestion, l’or est un candidat idéal pour la diversification, et constitue une couverture pour d’autres actifs », explique M. Vermeire.
« Une chose est sûre : avec Donald Trump comme président, nous pouvons nous attendre à des surprises et à des incertitudes. Une déclaration est très rapidement suivie par une autre, tout aussi inflationniste. Il aboie beaucoup, mais est-ce qu’il mord ? Seul l’avenir nous le dira. »
L’or bientôt à 3000 dollars ?
Le cours de l’or a augmenté rapidement ces dernières semaines, dépassant les 2900 dollars par once troy (31,1 grammes). Il n’a cessé d’augmenter depuis la crise du coronavirus. En euros, le prix de l’or a gagné 35 % en 2024 et la hausse atteint environ 10 % depuis le début de l’année.
Toutefois, selon les banquiers privés, il n’est pas trop tard pour prendre le train en marche. « Nous maintenons notre exposition à l’or dans notre allocation d’actifs et la complétons par une exposition à d’autres matières premières à des fins de diversification, telles que le cuivre et l’aluminium », expliquent les spécialistes de Puilaetco.
La banque privée, qui fait partie du groupe Quintet, détient actuellement environ 2,75 % d’or dans ses portefeuilles équilibrés. « Nous étions auparavant autour de 4,5 %, mais nous avons décidé de diversifier notre exposition avec d’autres matières premières, comme les métaux industriels », selon Puilaetco.
« Malgré la valorisation élevée du métal jaune, un certain nombre de facteurs continuent de soutenir le prix : les achats massifs de plusieurs banques centrales – notamment dans les marchés émergents – qui augmentent leurs réserves d’or, la perspective de baisses des taux d’intérêt qui ont déjà commencé en 2024 et, plus récemment, les tensions commerciales. »
Lombard Odier a pris quelques bénéfices sur l’or la semaine dernière et s’attend à un ralentissement à court terme. Cependant, dans douze mois, la banque privée table sur un cours encore plus élevé, autour de 3050 dollars ou plus. Selon M. Vermeire, c’est une question d’offre et de demande : « Alors que l’offre reste stable ou augmente légèrement, la demande continue de croître. Les banques centrales, qui entendent réduire leur dépendance au dollar comme monnaie de réserve, jouent un rôle important à cet égard. »
Van Lanschot Kempen fait le même constat. « Le prix de l’or est toujours élevé. Nous pensons qu’il est principalement soutenu par les achats d’or par les banques centrales. Nous ne pouvons pas prédire combien de temps cela va durer. » « L’or est intéressant en période d’incertitude, mais compte tenu du prix élevé, une grande partie de l’incertitude et/ou des baisses des taux d’intérêt ont déjà été intégrées dans son cours », indique le dernier rapport d’allocation de la banque.
La demande d’or physique des banques centrales s’est élevée l’année dernière à 1050 tonnes, pour une demande mondiale totale de 4945 tonnes, selon les statistiques du World Gold Council. C’est presque autant que la demande des investisseurs (1190 tonnes, dont 782 tonnes en lingots et 408 tonnes en pièces et médailles). Le reste de la demande d’or provient du secteur de la bijouterie.
La demande des banques centrales du monde entier est en hausse. Au cours du dernier trimestre 2024, ces dernières ont, ensemble, acheté plus qu’or qu’elles ne l’avaient jamais fait depuis 10 ans. « Depuis le gel des avoirs russes, surtout, les banques centrales ont commencé à diversifier davantage leurs réserves », explique Axel Botte, responsable de la stratégie de marché chez Ostrum AM.
Cette demande soutenue de la part des banques centrales pourrait, selon lui, encore tirer vers le haut le cours de l’or. Il souligne en particulier l’appétit des marchés émergents et le « nouvel élan » donné par la Chine. Les autorités chinoises veulent autoriser les assureurs à investir 1 % de leurs actifs totaux dans l’or.
ETF ou or physique ?
La ruée mondiale vers l’or conduit à des situations insensées. La crainte que Donald Trump puisse imposer des droits de douane sur le métal jaune a entraîné une baisse des cours du métal précieux à Londres par rapport à New York. Les grandes banques déplacent donc des lingots d’or à travers l’océan Atlantique en avion, a rapporté le Wall Street Journal la semaine dernière.
Les clients amateurs d’or des banques privées sont-ils également friands de lingots, de pièces ou de bijoux ? Ou bien les investisseurs en or préfèrent-ils les variantes numériques telles que les ETF ? L’or physique est bien sûr la meilleure protection contre un krach du système financier, car vous pouvez y accéder même en cas de panne d’Internet. Mais le stockage à domicile n’est pas recommandé pour des raisons de sécurité et les coffres-forts externes entraînent des frais de stockage, préviennent les banquiers.
« Nous avons une nette préférence pour les ETF parmi nos clients en raison de leur facilité d’utilisation », explique-t-on chez Puilaetco. « Ces trackers offrent une exposition à l’or à moindre coût, sans avoir à se soucier du stockage, de la liquidité ou des délais de transaction. »