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Nombre d’investisseurs dans la dette émergente estiment que la survalorisation du dollar américain atteint des niveaux extrêmes, alors que la croissance des marchés émergents est plus forte que celle de la plupart des marchés développés. En outre, la plupart des marchés émergents sont parvenus à faire refluer rapidement l’inflation. Une dynamique positive s’est aussi amorcée en termes de notes de crédit et de fondamentaux larges. Et pourtant, les rendements du premier semestre 2024 sont loin d’avoir été exceptionnels.  

Si l’indice Morningstar Emerging Markets (EM) Government Bond Local Currency avait encore achevé le premier trimestre dans le vert, les obligations des marchés émergents en devises locales ont corrigé de 1,2 % en euros au cours des trois derniers mois. Les obligations des marchés émergents en devises fortes ont quant à elle affiché un rendement positif de 3,4 % à l’aune de l’indice Morningstar EM Sovereign Bond. L’écart de rendement moyen des fonds de ces catégories respectives s’est élevé à pas moins de 7,2 points de pourcentage sur les douze derniers mois.

Ces chiffres résultent surtout de l’effet de change lié à la vigueur du dollar américain. En début d’année, les opérateurs tablaient sur plusieurs abaissements de taux de la part de la Réserve fédérale. Ils ont depuis revu à la baisse leurs attentes. Les banques centrales des marchés émergents se montrent donc elles aussi plus prudentes. Car un assouplissement marqué de la politique monétaire sans « bénédiction » de la Fed pourrait mettre sous pression les devises locales. En outre, les élections attisent souvent la volatilité.

L’Indonésie dans la tourmente

C’est notamment ce qui s’est produit en Indonésie. La roupie indonésienne s’est effondrée cette année, plombée par le déficit de la balance courante et la crainte d’une nouvelle détérioration du budget en raison de la politique que devrait mener Prabowo Subianto, le président nouvellement élu. Fin juin, 1 USD s’échangeait à 16 343 IDR, soit 6,2 % plus haut qu’au début de l’année.

L’évolution des marchés n’affole toutefois pas le président : ce dernier est convaincu que son programme ambitieux générera en fin de compte des recettes fiscales supplémentaires. Les économistes mettent en garde contre une hausse du taux d’endettement, qui pourrait passer de 39 à 50 % du PIB, mais le gouvernement nie en bloc et affirme que le pays pourra conserver sa notation investment grade.

La dette publique indonésienne figure parmi l’une des plus faibles de l’Asie du Sud-Est, au même titre que celle du Vietnam, mais les charges d’intérêt sont relativement élevées en Indonésie. Les projets du nouveau président incluent l’amélioration des infrastructures, mais aussi des repas gratuits pour les écoliers. Ils contrastent fortement avec le cours budgétaire plutôt prudent de son prédécesseur, Joko Widodo.

Et malgré la discipline de la banque centrale indonésienne, une dévaluation de la monnaie n’a pas pu être évitée. Le taux directeur est passé de 3,5 % mi-2022 à 6,25 % en avril 2024. Les hausses menées ont permis de ramener l’inflation à 2,5 % en juin.

Changement de point de vue

La classe d’actifs fait meilleure figure lorsqu’on la compare aux obligations d’État européennes. Sur la décennie écoulée, l’indice Morningstar EM Government Bond Local Currency a affiché un rendement annuel moyen de 2,2 % en euros, contre 0,4 % seulement pour l’indice Morningstar Eurozone Treasury Bond. Cette différence s’explique en grande partie par la correction de 18,2 % enregistrée en 2022, tandis que les obligations des marchés émergents en devises locales ne perdaient que 4,6 %. Le rendement initial est de 5,9 % pour l’indice des marchés émergents et 2,7 % pour celui des obligations européennes. 

Il convient toutefois de se demander si cet excédent de rendement suffit à compenser les fortes incertitudes et les risques de change. À 8,15 %, la volatilité de l’indice Morningstar EM Government Bond Local Currency mesurée à l’aune de l’écart-type était largement plus élevée que pour les obligations européennes (5,51 %), mais en ligne avec celle des obligations des marchés émergents en devises fortes (8,5 %).

Les investisseurs dans la dette émergente tentent en premier lieu de tirer profit de la croissance des marchés émergents et de l’allocation toujours plus importante des investisseurs institutionnels locaux (compagnies d’assurance, fonds de pension…) car ils ne considèrent plus réellement la sphère comme une alternative à leurs obligations de marchés plus développés.

Un fonds sur le radar : Capital Group

Les stratégies qui apparaissent sur le radar de Morningstar se distinguent par la robustesse de l’équipe de gestion et du processus d’investissement. Les analystes de fonds de Morningstar mènent une analyse qualitative soigneuse et s’appuient sur des algorithmes appliquant un cadre similaire. Nous passons ici en revue un fonds répondant à ces critères et suivi par les analystes de Morningstar.

Les investisseurs du fonds Capital Group Emerging Markets Local Debt profitent toujours de l’expérience de ses responsables et d’une équipe de recherche robuste. La note People Pillar est donc Above Average. Jusqu’au mois d’octobre 2023, la stratégie était pilotée par trois gérants expérimentés : Kirstie Spence, Robert Neithart et Luis de Oliveira. Comme c’est généralement le cas chez Capital Group, chacun gérait de manière distincte une partie du portefeuille.

Robert Neithart a toutefois quitté la stratégie en octobre, pour prendre sa retraite deux mois plus tard. La société ne l’a pas remplacé, mais a confié sa portion du portefeuille (environ 20 % de l’actif sous gestion total) à une équipe de sept analystes spécialistes de la dette émergente. Ce « portefeuille de recherche » constitue un recueil des meilleures idées. Kirstie Spence et Luis de Oliveira gèrent à parts égales le reste des actifs. En sa qualité de principal investment officer (PIO) Kirstie Spence veille à ce que le portefeuille combiné respecte les directives du mandat. Du fait de cette stratégie spécifique, l’équipe est étayée par des traders dédiés. 

Le processus d’investissement associe des perspectives macroéconomiques top-down à des analyses fondamentales bottom-up. La majeure partie de l’actif est investie dans des obligations en devises locales, mais l’équipe a la latitude d’investir hors de l’indice, si elle y identifie des opportunités.

Les obligations en devises fortes se limitent à 20 % de l’actif total et jusqu’à 30 % de l’exposition en devises peut être couverte en dollars américains ou en euros. La duration, qui rend compte de la sensibilité aux taux d’un portefeuille, diverge d’un an au maximum par rapport à celle de l’indice de référence, le JPM GBI-EM Global Diversified. L’équipe essaie aussi de créer de la valeur en premier lieu via la sélection géographique. Et cette approche porte ses fruits : au cours des 10 années écoulées, le fonds a battu plus de 80 % de ses concurrents directs de même que l’indice de la catégorie Morningstar EM Government Bond Local Currency.

Thomas De Fauw est Manager Research Analyst chez Morningstar. Membre du panel d’experts d’Investment Officer, Morningstar analyse et évalue les fonds d’investissement sur la base d’études quantitatives et qualitatives.

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