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Les entreprises européennes sont trop « rigides » et vont devoir accepter le changement pour rester compétitives au niveau international. Les opportunités d’investissement abondent sur le Vieux Continent, mais les investisseurs sont freinés par son image dégradée.

Pour Hilco Wiersma, d’Add Value Fund, qui a commencé l’année dernière à investir en Europe en dehors des Pays-Bas en raison des opportunités qui s’y présentent, et Rob Deneke, de Juno Investment Partners, un gestionnaire d’actifs qui se concentre sur les petites et moyennes capitalisations européennes, les entreprises européennes doivent s’affirmer en adoptant plus rapidement les innovations et en laissant derrière elles la vieille économie si elles veulent rivaliser avec la Chine et les États-Unis. Les investisseurs restent trop attachés aux industries traditionnelles, à l’image du secteur automobile en Allemagne, tout en ignorant les innovations uniques dans le domaine des logiciels et des soins de santé.

L’image de l’Europe souffre de ce manque d’innovation qui concerne à la fois les investisseurs et les entreprises. En outre, la région souffre d’un excès de réglementation et d’un manque d’ambition, comme en témoigne la popularité du mantra : « les États-Unis innovent, la Chine reproduit et l’UE réglemente ». Les innovations, en particulier dans le domaine de la technologie, peinent à s’imposer en raison d’une pléthore de réglementations. Le contraste est saisissant avec les États-Unis, où un véritable engouement pour l’IA attire les capitaux mondiaux.

L’Europe part donc avec un handicap, explique Hilco Wiersma, d’Add Value Fund : « le baromètre des actions mondiales est concentré à 75 % aux États-Unis, alors que l’Europe ne représente que 15 %. L’Europe est sous-représentée dans les investissements, donc sous-valorisée. »

Innover différemment

L’innovation en Europe n’a pas le même objectif qu’aux États-Unis, où l’accent est principalement mis sur l’intelligence artificielle (IA). Le battage médiatique autour de l’IA en Amérique éclipse les innovations pionnières qui ont lieu en Europe. « En Europe, nous constatons une innovation plus large dans différents secteurs », déclare Frans Jurgens, de Juno Investment Partners. « La Suisse, par exemple, dispose d’entreprises de soins de santé aux propositions uniques, capables d’obtenir des résultats financiers intéressants grâce à leur pouvoir de fixation des prix. Les investisseurs ne devraient pas se limiter à l’IA lorsqu’il s’agit d’innovation ».

M. Wiersma pointe quant à lui que les investisseurs oublient souvent que des entreprises comme Nvidia dépendent des équipements de production de l’industrie néerlandaise des semi-conducteurs. « Des entreprises comme ASMLASM et BE Semiconductor Industries fournissent des technologies de pointe essentielles à la production de puces avancées. Ces équipements jouent un rôle crucial à l’échelle mondiale. »

Il voit également un grand potentiel dans les entreprises de logiciels. Le premier investissement de son fonds hors des Pays-Bas concerne une société française de logiciels dont 50 % du chiffre d’affaires provient des États-Unis. « Les sociétés de logiciels ont des revenus très prévisibles et récurrents qui sont évolutifs et souvent essentiels pour les entreprises. Avec une croissance annuelle du chiffre d’affaires d’environ 20 % et des marges bénéficiaires élevées, ces entreprises offrent des opportunités attrayantes pour les investisseurs », explique-t-il.

Abandonner la vieille économie

Le bien piètre tableau du secteur automobile allemand, autrefois tout puissant, contraste avec les opportunités qui se présentent en Europe. Ce secteur est devenu un sujet de préoccupation : a-t-il encore une raison d’être ? « Les Chinois produisent des voitures de qualité à moindre prix. Alors que Munich était autrefois un pôle technologique, il n’en est plus rien aujourd’hui », affirme M. Jurgens. « L’on se demande peu à peu si on ne pourrait pas se passer de ces industries traditionnelles », déclare M. Wiersma, qui ajoute que les problèmes du secteur automobile sont doubles : outre la concurrence des marques automobiles chinoises, la demande de produits de luxe allemands de la part de la Chine est également en baisse, ce qui souligne la douloureuse dépendance à l’égard de ce marché.

En outre, l’Europe est confrontée à des prix de l’énergie élevés, en partie en raison de son accoutumance à l’égard du gaz russe. Dans certains cas, les entreprises européennes paient l’énergie trois fois plus cher que celles des États-Unis, qui sont totalement autosuffisants. « L’Europe est dans une impasse et ferait bien de relever ces défis de manière structurelle, conclut M. Deneke. Les entreprises doivent accepter le changement. »

Des valorisations attractives

Selon M. Wiersma, les valorisations attractives des entreprises n’appartenant pas à l’ancienne économie attireront tôt ou tard l’attention des investisseurs. Une telle croissance des bénéfices ne s’est produite qu’une fois : en l’occurrence, en 2021, avec l’important rattrapage de la demande qui avait suivi la crise du coronavirus de 2020. « À l’époque, la croissance pondérée des bénéfices de notre portefeuille était de 63 % et le rendement de 57 % ; aujourd’hui, il est supérieur à 25 %. La croissance des bénéfices conduit en fin de compte à la croissance du cours des actions, ce qui devrait finir par attirer les investisseurs. Les valorisations européennes sont tout simplement trop attrayantes pour être ignorées ».

Certaines entreprises européennes prennent les choses en main et lancent des programmes de rachat d’actions. Environ 2 % du volume total des transactions dans le STOXX 600 en 2024 est imputable aux rachats d’actions. Selon Barclays, cette tendance s’observe depuis 2020 et la banque britannique s’attend à ce qu’elle se poursuive dans un avenir proche.

Les acteurs du capital-investissement profitent également de la liquidation et de la baisse des taux d’intérêt. L’Euribor à trois mois a fortement baissé, passant de 4 % au début de l’année dernière à 2,7 % aujourd’hui, ce qui a permis aux investisseurs d’acquérir à bon compte des petites et moyennes capitalisations européennes. 
La pilule est amère pour les gestionnaires de portefeuille de Juno, qui investissent beaucoup de temps et d’efforts dans la recherche de leurs entreprises.« Les gens pensent que nous sommes satisfaits de la plus-value de 30 % que nous recevons lors de l’acquisition de l’une des entreprises de notre portefeuille par une société de capital-investissement. Mais compte tenu du temps et des efforts que nous y avons consacrés, nous préférerions qu’elle reste cotée afin de pouvoir profiter pleinement de la hausse de 80 ou 100 %. Cependant, les sociétés de capital-investissement voient également cette valeur et souhaitent se l’approprier », conclut Rob Deneke.

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