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En 1976, le monde du vin n’en revenait pas : Steven Spurrier, le négociant en vin britannique, avait fait déguster à l’aveugle une série de vins français et américains à un jury d’experts. Dans les catégories Chardonnay (Californie contre Bourgogne) et Cabarnet Sauvignon (Californie contre Bordeaux), à la stupéfaction générale, les États-Unis avaient remporté l’or à deux reprises. Depuis lors, les États-Unis sont un acteur notoire dans le monde du vin. Au fil des ans, le vin est non seulement devenu un important moyen de consommation, mais il occupe également une place de plus en plus importante dans les portefeuilles d’investissement. 

D’un point de vue académique, le vin est également très intéressant pour tester des théories. Par exemple, les avis divergent quant au moteur du momentum – la constatation que les actions ayant enregistré de bonnes performances au cours de l’année écoulée feront nettement mieux le mois suivant que les actions ayant enregistré de mauvaises performances.

Une série d’universitaires soutient que cela est lié au risque : les actions ayant un momentum positif sont des actions corrélées entre elles, or la corrélation est quelque chose qu’on ne veut pas (lorsque ‘la bourse’ baisse, l’ensemble de votre portefeuille baisse également). Le momentum est, du moins pour ce courant de chercheurs, une compensation pour le risque pris. Selon un autre courant, il s’agit d’une caractéristique comportementale : les gens sous-réagissent aux mauvaises nouvelles et surréagissent aux bonnes nouvelles concernant des actions qui sont solidement dans le vert.

C’est pourquoi nous recherchons d’autres investissements dont les caractéristiques changent moins rapidement, comme le vin. Considérer le vin non pas comme un produit de consommation, mais comme un investissement nous permet d’essayer de comprendre lequel des deux camps a raison : le risque ou le comportement. Comment procéder ? Nous examinons le prix offert aux enchères pour des bouteilles de vin, notamment chez Acker – la troisième maison de vente aux enchères après Sotheby’s et Christies. Quels vins examinons-nous spécifiquement ? Toutes les bouteilles (normales) de 75 cl : plus de 300 000 offres différentes. Nous procédons de la même manière qu’avec une stratégie momentum normale :

  • Nous regroupons tous les vins par domaine, comme le Château Montalena – le gagnant du concours de 1976.
  • Nous calculons le rendement (par domaine) de 11 mois à 1 mois.
  • Nous classons tous les domaines en fonction du rendement calculé et regardons quels sont les meilleurs et les pires 20 %.
  • Ensuite, nous examinons la différence de rendement pour le mois, le trimestre et l’année suivants.

Dans le cas des actions, le résultat est clair : les actions les plus performantes ont encore un rendement plus élevé dans le mois à l’année qui suit que les actions les moins performantes. Dans le cas du vin, nous constatons exactement l’inverse : les domaines les plus performants sont ceux qui affichent la plus mauvaise performance dans les mois qui suivent (et inversement, les domaines les moins performants sont ceux qui affichent la meilleure performance jusqu’à un an après notre analyse). Cette différence est de -1,5 % le mois suivant à -3,5 % après 1 an. Cela nous amène à supposer que le comportement joue un rôle plus important que ce que d’autres universitaires osent prétendre et que par conséquent, le ‘momentum’ n’est pas une compensation pour le risque, mais est davantage déterminé par la chance.

Quel domaine viticole a connu la plus forte baisse ? Bryant Family, un producteur américain de la Napa Valley, en Californie. Ce domaine a toujours affiché le meilleur résultat l’année avant que nous n’appliquions la stratégie (37 % du temps, il comptait parmi les domaines viticoles les plus performants). Alors, faut-il investir dans le vin de Bryant Family ? Malheureusement, c’est trop beau pour être vrai. La différence entre Bryant Family et le domaine Dujac en Bourgogne, le moins performant sur la base du rendement cumulé de l’année précédente, est de plus de 5 % - en faveur de la France. Si nous devions mettre notre stratégie en pratique, la France l’emporterait clairement sur les États-Unis cette fois-ci. Le monde a donc clairement changé depuis 1976.
 

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