Au sein de la communauté des investisseurs belges, la future taxe sur les plus-values est le sujet de conversation du moment. Koen Van de Maele, Chief investment solutions officer chez Candriam et président de l’association professionnelle Beama, critique à la fois la mise en œuvre brouillonne et l’intention sous-jacente.
Le gouvernement fédéral n’en démord pas : à partir du 1er janvier, les bénéfices sur la vente d’un placement financier seront taxés à 10 %. Les banques plaident en vain pour le report de cette taxe sur les plus-values, car les textes légaux n’ont pas encore été publiés et de nombreuses questions techniques restent floues. « Le chaos menace nos clients », avertit l’association bancaire Febelfin.
Opt-in et opt-out
Les deux options de paiement proposées par les autorités fiscales ont fait couler beaucoup d’encre. Dans la première, l’opt-out, l’investisseur comptabilise lui-même toutes les plus-values et moins-values réalisées, afin de pouvoir les indiquer sur sa déclaration d’impôt annuelle. La seconde, l’opt-in, équivaut à une retenue à la source : la banque déduit automatiquement 10 % de la plus-value lorsque vous vendez un investissement avec un bénéfice et transfère anonymement ce montant à l’administration fiscale. Cette option s’adresse aux personnes fortunées qui préfèrent ne pas communiquer d’informations sur leurs investissements aux autorités fiscales.
Le gouvernement souhaite que les banques mettent en place l’opt-in dès le 1er janvier, mais elles ne voient pas comment cela est possible sans textes juridiques. « Que faire si le client change de banque avant que la loi ne soit prête ? Ou bien que faire en cas de désaccord entre les titulaires d’un compte après avoir hérité d’un portefeuille ? ». Ce ne sont là que quelques-unes des préoccupations juridiques que suscite la mesure.
Koen Van de Maele, Chief investment solutions officer pour la société de fonds Candriam, s’inquiète des semaines à venir, jusqu’à l’adoption de la loi, probablement en mars. « Il y a beaucoup d’incertitude et d’ambiguïté. Personne ne sait comment cela va se passer. »
Selon la plupart des experts fiscaux, l’option opt-out – c’est-à-dire le fait de tout déclarer par le biais de la déclaration d’impôt – est le choix logique pour l’investisseur moyen.
Koen Van de Maele : « D’un point de vue purement financier, c’est effectivement mieux, car vous payez la taxe sur les plus-values beaucoup plus tard – lors de la déclaration finale des revenus – que dans le cas d’un prélèvement à la source. Du point de vue financier, il n’est pas logique d’accorder une avance au gouvernement si cela n’est pas nécessaire. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe pas d’autres arguments valables pour l’option opt-in, comme la facilitation des démarches ou la préservation de l’anonymat. »
Cela signifie qu’en tant qu’investisseur, vous devrez suivre toutes les opérations de vente avec les plus-values et les moins-values.
« Pour l’investisseur moyen, la taxe entraîne effectivement des démarches administratives supplémentaires. En effet, même si votre banque répertorie toutes les transactions pour vous, vous devrez encore les inscrire vous-même dans la déclaration d’impôts. Vous devrez également vérifier par vous-même si vous pouvez bénéficier du montant exonéré (10 000 euros par an). Si vous travaillez avec plusieurs banques, vous devrez d’abord tout consolider dans un fichier Excel. »
Les banques doivent mobiliser leur personnel pendant les vacances de Noël pour que tout soit prêt le 1er janvier, tandis que les politiciens n’arrivent même pas à faire voter la loi à temps.
Le gouvernement insiste pour que les banques activent l’opt-in dès le 1er janvier, même en l’absence de texte juridique. Cependant, les banques sont confrontées à d’importants obstacles informatiques et juridiques.
« Le gouvernement insiste pour une application immédiate de l’opt-in, craignant que les recettes fiscales immédiates ne soient perdues en stoemelings au cours de cette période de transition. Mais je comprends la résistance des banques, dans une certaine mesure. C’est une question complexe, dont la base juridique est par ailleurs incertaine. Que faire si un client conteste l’action de sa banque a posteriori ? En tout cas, je plains les pauvres agents bancaires sur le terrain qui devront expliquer ce casse-tête à leurs clients. »
« Ce qui est également frustrant, c’est que les banques doivent mobiliser leur personnel pendant les vacances de Noël pour que tout soit prêt le 1er janvier, tandis que les politiciens n’arrivent même pas à faire voter la loi à temps. »
L’élément essentiel de cet anonymat est bien sûr le fait que cette retenue à la source est libératoire.
« C’est un soulagement, car comme pour toutes les taxes libératoires en Belgique, vous n’aurez plus à vous en soucier au moment de remplir votre déclaration d’impôt annuelle. Tout est réglé et payé et vous conservez votre anonymat. Remarque : si vous souhaitez bénéficier de l’exonération de 10 000 euros et prendre en compte les moins-values, vous devrez intégrer tous ces éléments dans un fichier Excel et les transmettre via la déclaration d’impôt. Peut-être le gouvernement compte-t-il sur le fait que certains seront prêts à renoncer à ces avantages en échange de l’anonymat ? »
Comme si les choses n’étaient pas déjà assez compliquées, le gouvernement a également maintenu la taxe Reynders – la taxe sur les plus-values existante s’appliquant à la partie obligataire de certains fonds – contre l’avis de Beama.
« Il y aura donc une coexistence entre la nouvelle taxe sur les plus-values et la taxe Reynders. Heureusement, il n’y a pas de double imposition, mais les choses se compliquent : la taxe Reynderssera déduite de votre plus-value et seule la plus-value résiduelle sera soumise à la nouvelle taxe sur les plus-values. Allez expliquer ça au client moyen. »
La première référence pour la taxe sur les plus-values sera « l’instantané » de la valeur de chaque investissement au 31 décembre 2025, car seules les plus-values réalisées à partir de cette date seront imposées. Prévoyez-vous des problèmes de valorisation pour certains fonds ?
« D’une manière générale, non. Même les fonds les plus axés sur le capital-investissement ou les plus illiquides ont toujours une valorisation de la valeur nette d’inventaire à la fin de l’année civile. »
La taxe sur les plus-values entraîne inévitablement des coûts administratifs et informatiques pour les banques. Sur qui ces coûts seront-ils répercutés ?
« Je peux difficilement parler au nom des banques, mais je peux confirmer qu’elles doivent faire de gros investissements informatiques. De nombreux coûts sont également engendrés par la production de rapports. C’est la banque qui décidera qui va supporter le coût, en tenant compte de ses propres objectifs en termes de rentabilité. »
Épargner ou investir
Comment la taxe sur les plus-values affectera-t-elle le comportement des investisseurs ?
« Je crains que la complexité ne décourage les investisseurs actuels et potentiels. Les personnes frileuses à l’idée d’investir éviteront de le faire. Ce serait dommage, car l’Europe veut encourager l’investissement en capital-risque et dynamiser l’épargne. D’ailleurs, cela figurait également dans l’accord de gouvernement fédéral. Je ne vois pas immédiatement comment on peut concilier cela avec la taxe sur les plus-values. Le gouvernement se tire donc une balle dans le pied, avec des conséquences désastreuses pour l’ensemble de la société. Les investisseurs ont tout de même pu obtenir de bons rendements, notamment au cours des deux dernières années. »
Et ce, alors que le taux d’intérêt sur l’épargne est souvent inférieur à l’inflation. On a récemment appris que les comptes d’épargne en Belgique avaient de nouveau dépassé la barre des 300 milliards d’euros.
« La société a intérêt à ce que le grand public participe aux marchés des capitaux. L’histoire montre qu’un investissement rapporte toujours plus à long terme qu’un compte d’épargne. Si nous pouvons activer ne serait-ce qu’une partie de cette épargne, tout le monde sera gagnant : l’économie est mieux dynamisée et les gens obtiennent un meilleur rendement. C’est en fait une évidence. J’espère donc que le gouvernement fédéral trouvera encore une solution pour stimuler l’investissement, comme promis dans l’accord de gouvernement. »
Certains prévoient que les investisseurs limiteront leurs lignes d’investissement et détiendront, par exemple, un plus petit nombre de titres.
« Cela pourrait représenter un avantage bienvenu pour le secteur des fonds d’investissement. Plutôt que de posséder des dizaines de lignes de titres individuels (actions et obligations), les investisseurs pourraient simplifier les choses en se concentrant sur quelques fonds seulement. Je ne me fais trop d’illusions là-dessus, car je crains que la base d’investisseurs ne se réduise au lieu de s’élargir. Mais pour ceux qui sont prêts à franchir le pas, je pense que le secteur des fonds peut offrir des solutions intéressantes. Bien sûr, la simplification ultime est d’aller voir une banque et de lui demander de proposer une seule solution, par exemple un fonds équilibré mondial ou un fonds multi-actifs. »
Plutôt que de posséder des dizaines de lignes de titres individuels (actions et obligations), les investisseurs pourraient simplifier les choses en se concentrant sur quelques fonds seulement.
Une taxe de 10 % sur les plus-values d’investissement, n’est-ce pas un taux « équitable » ?
« Je n’en suis pas convaincu, car il faut tenir compte de l’ensemble des taxes sur les investissements. La TOB (taxe sur les opérations de Bourse, appelée aussi taxe boursière) est souvent négligée à cet égard. Si vous cumulez le précompte mobilier sur les dividendes et sur les coupons, la TOB, la taxe sur les comptes-titres, la taxe Reynder et maintenant la taxe sur les plus-values, je pense que c’est plus que suffisant. »
La taxe sur les plus-values est calculée par année d’imposition. Les gens modifieront-ils leur comportement d’investissement à la fin de l’année en fonction des implications fiscales ?
« Je le crains et je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Certains pourraient donc vendre leurs investissements pour bénéficier de l’exonération de 10 000 euros par an, puis les racheter après le début de l’année. Mais vous payez alors deux fois la TOB. On peut tomber de Charybde en Scylla : pour éviter une taxe, on en paye une autre. Sinon, on risque de rater des opportunités de marché. »
Je mentirais donc si je disais que je ne crains pas que le taux de 10 % de la taxe sur les plus-values augmente à l’avenir.
Ce que les investisseurs craignent peut-être le plus d’une nouvelle taxe, c’est que le gouvernement augmente les taux par la suite. La taxe sur les comptes-titres, que le gouvernement vient de faire passer de 0,15 à 0,30 %, en est l’exemple le plus récent.
« Si cette taxe ne concerne qu’un public limité (comptes-titres de plus d’un million d’euros, ndlr), cela représente tout de même 30 points de base sur l’ensemble du capital. Cela ressemble déjà à un impôt sur la fortune. Je travaille dans ce secteur depuis vingt-cinq ans et le précompte mobilier a déjà beaucoup évolué, pour ne citer qu’un exemple. Lorsque j’ai commencé, le taux était de 15 %, puis il a été progressivement porté à 30 %. Nous avons constaté ce phénomène pour d’autres taxes également. Je mentirais donc si je disais que je ne crains pas que le taux de 10 % de la taxe sur les plus-values augmente à l’avenir. »
Demain, deuxième partie : Koen Van de Maele présente les tendances du secteur des fonds.