Avec le retour de Donald Trump aux commandes, les dirigeants européens se préparent à un changement majeur dans les relations transatlantiques. Le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz ont promis d’agir rapidement et souligné la nécessité d’une Europe plus forte et plus autonome.
Pour les décideurs politiques et les investisseurs européens, la victoire de Donald Trump met en évidence l’urgence de réduire la dépendance vis-à-vis des États-Unis, notamment dans les domaines de la défense, du commerce et de la politique industrielle.
Emmanuel Macron a donné le ton mercredi : « nous allons œuvrer pour une Europe plus unie, plus forte, plus souveraine dans ce nouveau contexte. En coopérant avec les États-Unis d’Amérique tout en défendant nos intérêts et nos valeurs. »
La réélection de Donald Trump pourrait avoir un impact direct considérable, notamment avec l’introduction attendue de nouveaux droits de douane. Alors que le commerce mondial se fragmente toujours davantage, l’Europe doit rationaliser son marché intérieur et nouer des alliances commerciales plus solides afin de réduire sa dépendance vis-à-vis de la politique américaine, affirment les experts.
Bronwen Maddox, directrice du think tank britannique Chatham House, a mis en garde contre ces risques lors d’un entretien avec la Press Association. « Les droits de douane pourraient être l’une des premières conséquences visibles de la présidence Trump pour le Royaume-Uni », a-t-elle déclaré, soulignant que cela compliquera les exportations des entreprises européennes vers les États-Unis.
Les défis de l’Allemagne
Pour l’Allemagne, la première économie d’Europe, les défis s’annoncent particulièrement ardus. Moritz Schularick, président du Kiel Institute for the World Economy, a qualifié le retour de Donald Trump de « début de l’une des périodes économiques les plus difficiles de l’histoire de la République fédérale ».
« En plus de ses problèmes structurels internes, l’Allemagne fait maintenant face à des défis colossaux en matière de commerce extérieur et de sécurité, pour lesquels nous ne sommes pas préparés », a-t-il écrit sur LinkedIn.
Moritz Schularick plaide pour que l’Allemagne et la France prennent les rênes d’une initiative européenne en matière de défense, soulignant qu’il serait imprudent et peu prévoyant de laisser la sécurité de l’Allemagne dépendre de l’humeur des électeurs américains. Il appelle à des investissements massifs dans la défense et suggère d’exclure les dépenses de défense du mécanisme du Schuldenbremse (frein à l’endettement) afin de renforcer la capacité géopolitique du pays.
Kevin Verbelen, expert senior en commerce international chez Agoria, la fédération belge des entreprises technologiques, souligne l’importance de la résilience économique. « Le Royaume-Uni est encore aux prises avec les conséquences du Brexit, la France se trouve dans une impasse politique et l’Allemagne est dans la tourmente », a-t-il déclaré, ajoutant que Donald Trump serait considéré par beaucoup comme hostile à l’égard de l’UE.
Kevin Verbelen a affirmé que la structure décentralisée de l’Europe n’était pas adaptée aux défis actuels et a appelé à « davantage de centralisation au niveau de l’UE, qu’il s’agisse des services de renseignement, de défense, de l’industrie, de l’économie et des sanctions. »
Clash potentiel autour de l’ESG et de l’énergie verte
Pour les investisseurs, la réélection de Donald Trump représente aussi bien des opportunités que des risques. Tina Fordham, de Fordham Global Foresight, anticipe un effet positif à court terme pour les marchés. « La victoire de Donald Trump entraînera une hausse des cours des actions, car les entreprises américaines bénéficieront de baisses d’impôts », a-t-elle commenté.
Tina Fordman avertit cependant que cela pourrait compliquer les relations entre les États-Unis et l’Europe et compromettre les objectifs en matière d’ESG et d’énergie verte, ouvrant ainsi la voie à un possible clash entre la politique américaine et les priorités européennes.
Le marché intérieur européen revient lui aussi sur le devant de la scène. Le rapport de Mario Draghi met en lumière les obstacles internes qui engendrent des inefficacités coûteuses au sein de l’UE, les estimations suggérant que jusqu’à 10 % de la production économique est perdue en raison de la réglementation fragmentée. Selon des analyses récentes du FMI, les coûts commerciaux au sein de l’industrie européenne s’élèvent à environ 44 %, contre environ 15 % pour les échanges entre États aux États-Unis. Dans le secteur des services européens, ces coûts peuvent même atteindre 110 %.
Achèvement du marché intérieur
L’achèvement du marché intérieur offrirait à l’UE la meilleure protection contre les pressions extérieures, en réduisant la dépendance de l’Europe à l’égard d’un partenaire commercial unique. Alors que le commerce mondial devient de plus en plus fragmenté, les dirigeants européens sont appelés à conclure des accords commerciaux stratégiques avec des partenaires fiables, afin de compenser les tendances protectionnistes de Donald Trump et de renforcer les chaînes d’approvisionnement dans des secteurs clés, allant de la technologie à l’énergie verte.
« Sur le plan international, nous devons nous rappeler que nous ne sommes pas seuls. Le Canada, la Suisse, le Royaume-Uni, le Japon, la Corée, l’Indonésie, la Thaïlande, la Colombie… tous sont confrontés aux mêmes défis géopolitiques que nous », a déclaré Kevin Verbelen. « Devons-nous repenser les structures de coopération internationale existantes ? Oui, mais d’autres coopèrent également, aussi bien au sein de ces structures qu’en dehors. »
« En somme, cela fait une décennie que l’Alliance atlantique vacille. L’Europe doit agir maintenant, ou bien laisser d’autres décider de l’avenir de l’UE au 21e siècle », a-t-il conclu.
Articles connexes sur Investment Officer :
- Les marchés ébranlés par la vague rouge, l’euro recule
- Une UE autonome pourrait créer un nouveau cadre pour les investisseurs
- « Danser sur le volcan, tant que c’est encore possible »