Au cours des deux dernières décennies, l’argent ne faisait que sortir des fonds actifs. L’année dernière, 100 milliards d’euros ont soudain afflué vers ces derniers, ce qui en fait la meilleure année depuis 2000. Les gestionnaires actifs sont naturellement enclins à mettre l’accent sur les facteurs valeur et taille. En tant que groupe, ils préfèrent les entreprises relativement petites et bon marché.
Pour ces gestionnaires actifs, le problème était cependant que la dernière décennie a justement été exceptionnellement bonne pour les entreprises les plus grandes et les plus chères de l’indice. Qui se trouvent aussi être les entreprises fortement représentées dans l’indice et donc, les actions qui ont le plus bénéficié de l’afflux d’argent dans les fonds indiciels.
Passif ou actif ?
Il est question d’un cycle de plusieurs années dans la performance relative des fonds actifs et passifs. Ce cycle dépend des conditions du marché. Les gestionnaires actifs qui recherchent les meilleures entreprises ne sont performants que s’ils sont réellement récompensés pour ce comportement sélectif. Lorsque le marché est dominé par des développements macroéconomiques ou monétaires, de nombreuses actions évoluent au même moment dans la même direction. Le marché Risk-on/Risk-off pendant les premières années de l’assouplissement quantitatif est bien connu. Dès que la banque centrale a ouvert le robinet monétaire, toutes les actions en ont profité. Dès que ces liquidités supplémentaires se sont taries, le marché a été Risk-off.
Au bout du compte, les liquidités ont continué à affluer, ce qui a donné lieu à un marché haussier fort dans les actions principalement américaines. De plus, la politique monétaire a généré des taux d’intérêt plus bas que jamais et, surtout aux États-Unis, les entreprises ont acheté massivement leurs propres actions avec de l’argent qu’elles avaient emprunté sur le marché des capitaux. Grâce à l’effet de levier, moins de capitaux propres et plus de capitaux empruntés bon marché ont permis d’obtenir un rendement nettement plus élevé sur ces capitaux propres et ces entreprises ont bénéficié d’une valorisation plus élevée.
C’est précisément aux États-Unis que ce phénomène s’est produit : année après année, les entreprises américaines ont été les plus grands acheteurs sur le marché actions. D’une part, en raison du traitement fiscal défavorable du paiement de dividendes par rapport au rachat d’actions. D’autre part, parce que de nombreux CEO et CFO ont senti dans leur cou le souffle du capital-investissement. S’ils n’optimisaient pas le bilan de l’entreprise, il y avait toujours un sponsor de capital-investissement prêt à le faire.
Meilleur marché pour les investisseurs actifs
La fin de l’ère de l’argent gratuit approche à grands pas. Voilà bien longtemps que le nombre d’obligations à taux d’intérêt négatif n’avait plus été aussi bas. La recherche de rendement semble ainsi avoir définitivement pris fin et, avec elle, le flux d’argent vers les investissements passifs. Ce flux d’argent a entraîné une forte corrélation entre les actions ainsi que des différences de rendement relativement faibles (dispersion). Cette année, la situation s’améliore. La corrélation diminue et la dispersion augmente. Il y a aussi plus de volatilité. Le monde financier définit souvent la volatilité comme un risque, mais pour le stock picker, la volatilité est au contraire une source d’alpha. Cette volatilité a également offert une belle épreuve de vérité au mois de janvier.
Les investisseurs actifs confondent souvent prise de risque supplémentaire et génération d’alpha. Pourtant, neuf fois sur dix, la surperformance d’un gestionnaire actif est simplement due à la prise de risques supplémentaires. En janvier, plusieurs ‘gestionnaires stars’ des années précédentes ont donc échoué. Après avoir affiché des rendements de 30 à 40 % ou davantage l’année dernière, beaucoup ont justement reculé de 20 % ou davantage au cours du mois de janvier, ce qui est préjudiciable au rendement composite. 2022 n’est-elle donc pas l’année du stock picker ?
Si. Ici également, les apparences sont trompeuses : seuls quelques gestionnaires axés sur la croissance sont réellement devenus des investisseurs momentum après ces longues années de surperformance. En dehors du segment croissance, les gestionnaires actifs ont rapidement surperformé l’indice, 69 % des actions de valeur et même jusqu’à 81 % des petites capitalisations affichant une surperformance. En fin de compte, plus de la moitié des gestionnaires actifs ont surperformé le marché, ce qui ne se produit pas souvent.
Battre l’indice
L’avantage pour les stock pickers est que l’indice ressemble maintenant à une étrange stratégie barbell, avec des sociétés Big-Tech d’un côté et des sociétés zombies de l’autre. Bien qu’ils soient aux antipodes l’un de l’autre, ces deux groupes d’entreprises souffrent de la hausse des taux d’intérêt. Dans le cas des entreprises de croissance, parce qu’un facteur d’actualisation plus élevé n’est possible qu’avec une valorisation plus faible, et dans le cas des entreprises zombies, parce qu’elles ont beaucoup de dettes, qui deviennent soudain inabordables en raison de la hausse des taux d’intérêt.
Pour les stock pickers, il ne s’agit alors pas seulement de sélectionner les gagnants, mais aussi d’identifier les perdants. Et c’est précisément en période d’innovation disruptive que les perdants sont nombreux. En outre, les flux entrants dans les fonds actifs contribuent à battre les fonds indiciels passifs, et la grande rotation des obligations vers les actions ne fait alors que commencer. Maintenant, les gestionnaires actifs ont soudain le vent en poupe.
Han Dieperink est Chief Investment Strategist chez Auréus Asset Management. Plus tôt dans sa carrière, il a été Chief Investment Officer chez Rabobank et Schretlen & Co. Dieperink fait part de son analyse et de ses commentaires sur l’économie et les marchés.