Dans les contreforts ardennais se niche un petit pays qui multiplie les efforts pour devenir un hub de la gestion de fortune, de la banque privée et de la gestion d’actifs.
Les dix dernières années ont été difficiles pour le Luxembourg. La crise financière a signé la fin de l’opacité fiscale : les lois et réglementations se sont multipliées, leurs coûts supplémentaires ont mis à mal le modèle du Grand-Duché. Mais en 2019, le secteur financier a retrouvé toute sa vigueur, prouvant que le Luxembourg ne se résume pas au secret bancaire. La place financière a profité du durcissement des règles de surveillance européennes pour se débarrasser des quelques centaines de milliers de clients (symbolisés dans l’imaginaire populaire par le « dentiste belge » désireux de camoufler son argent noir) au profit d’une clientèle plus fortunée demandeuse de services à forte valeur ajoutée et mettant l’accent sur la planification, tant pour les investissements que la succession personnelle ou professionnelle. Ces clients ont souvent des sociétés dans plusieurs pays, des enfants étudiant à l’étranger, plusieurs résidences secondaires, voire un yacht en Méditerranée. Leurs intérêts très divers requièrent une gestion intelligente pour assurer une efficacité maximale et une pression fiscale minimale.
Le Luxembourg se caractérise par un écosystème transfrontalier unique, basé sur une population active multilingue et des services professionnels et financiers d’envergure planétaire. Le Grand-Duché a aboli le secret bancaire, mais les autres secrets y sont toujours soigneusement gardés.
Le pays est donc devenu l’un des plus grands centres de gestion de fortune au monde. La banque privée emploie 6 300 personnes – 20 % des actifs du secteur financier. Avec la suppression du secret bancaire, l’actif sous gestion n’a que peu augmenté entre 2014 et 2017, atteignant 363 milliards d’euros. Mais selon le Private Banking Group de l’Association Banque et Banquiers, Luxembourg, l’accent mis sur les individus les plus fortunés a porté ses fruits : depuis 2017, la moitié des avoirs gérés provient de clients dont la fortune dépasse 20 millions d’euros.
Un hub pour les placements alternatifs
Les gérants d’actifs indépendants le confirmeront : obtenir un agrément dans le cadre de la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs n’est pas une sinécure. Et pourtant, pour l’enregistrement de promoteurs de placements alternatifs, le Luxembourg occupe la quatrième place, derrière l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Lors de l’entrée en vigueur de la directive en 2013, le Grand-Duché faisait office de Petit Poucet ; c’est aujourd’hui la place financière par excellence des fonds alternatifs, avec près de 700 milliards d’euros d’actif sous gestion. Pour les fonds OPCVM, le Luxembourg est même le premier pays de domiciliation après les États-Unis, avec 4350 milliards d’euros d’actifs sous gestion fin mars. Le Grand-Duché est en train de se spécialiser dans le capital-investissement (dont trois quarts des acteurs sont enregistrés ou actifs au Luxembourg), l’immobilier et la dette privée.
En 2016, en réponse aux plaintes sur la lenteur de la délivrance des agréments, le gouvernement luxembourgeois a créé le Fonds d’Investissement Alternatif Réservé (FIAR). Ce véhicule spécial a été une belle réussite ; le nombre de FIAR a plus que doublé en un an, passant de 248 à 575. Un défi structurel existe toutefois : le front-office (gérants de portefeuille, stratégistes en investissement) n’est pas assez représenté, même si ces activités suscitent un intérêt croissant au vu du succès rencontré par celles de back-office et de middle-office (gestion du risque…). Les fonds alternatifs devraient afficher une croissance de 50 % au cours des cinq prochaines années, et le Luxembourg pourrait bien se tailler la part du lion.
Fintech
Outre la banque privée, les family offices et les placements alternatifs, la fintech est aussi le fer de lance de la stratégie luxembourgeoise. La blockchain, les robots-conseillers et l’intelligence artificielle offrent une réponse au changement de style de vie et de comportement des clients. En matière de gestion de patrimoine, les clients fortunés mettent véritablement l’accent sur le contact personnalisé. La technologie peut jouer un rôle essentiel à cet égard, par exemple en proposant des informations sur mesure. Le régulateur luxembourgeois favorise cet essor en adoptant une attitude proactive pour aboutir rapidement à de nouveaux produits et inclure immédiatement ces problématiques dans la législation.