Longeval
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Chaque mois, Investment Officer sonde Jan Longeval, expert en investissement, sur sa vision de l’actualité économique et financière. Pendant les mois d’été, il se penche sur l’aspect « géo » dans le terme géopolitique. Pour cette deuxième partie, il nous emmène en Orient : « On peut difficilement accuser la Chine d’impérialisme militaire à grande échelle. »

Le mois dernier, Jan Longeval s’est penché sur l’impact de la géographie européenne sur la situation politique internationale autour de la Russie. Aujourd’hui, il s’intéresse à l’Orient, en vue d’illustrer comment la stratégie américaine de l’anaconda, par laquelle les États-Unis tentent d’encercler la Russie par le biais de l’OTAN, est également appliquée à la Chine, qui ne se sent, pour dire le moins, pas à l’aise avec cette situation.

Le détroit de Malacca

« En premier lieu, il est important d’examiner la position géographique de la Chine par rapport au reste du monde, explique Jan Longeval. Comme le montre la carte ci-dessous, la Chine a un talon d’Achille géographique : le pays doit importer près de 70 % de son pétrole, essentiellement depuis le golfe Persique et, de là, via l’océan Indien, à hauteur de la pointe sud de l’Inde. »

« Depuis l’océan Indien, la route maritime la plus courte, et de loin, vers les grandes villes côtières industrielles chinoises comme Shanghai, passe par le détroit de Malacca, à hauteur de Singapour – et c’est un détail très important. Ce passage, à son point le plus étroit, n’est large que de 2,3 kilomètres ; un véritable goulet d’étranglement, donc. Si l’on souhaite éviter cet itinéraire, il faut faire un immense détour pour atteindre la Chine. Il s’agit donc, sans le moindre doute, de la voie d’approvisionnement la plus critique pour la Chine, notamment pour le pétrole. »
 

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Taïwan

Une fois passé ce passage étroit, la route se poursuit à travers la mer de Chine méridionale et, de là, via le détroit de Taïwan. « Celui-ci fait environ 160 kilomètres de large. Si quelqu’un parvient à bloquer le détroit de Malacca, il paralysera l’économie chinoise. En Europe, l’OTAN encercle le flanc ouest de la Russie avec la stratégie de l’anaconda. En Extrême-Orient, nous avons la First Island Chain, une autre stratégie de l’anaconda », explique Jan Longeval à l’aide, entre autres, de la carte ci-dessous. 

« Les États-Unis veulent exercer une emprise sur la Chine par une combinaison d’alliances militaires locales et de bases militaires qui forment ensemble une chaîne maritime géographique autour de la Chine et de la mer de Chine méridionale. Le Japon, Taïwan, les Philippines et Bornéo en font partie. Les États-Unis ont en outre stationné ses cinquième et septième flottes au Bahreïn et au Japon ; ces flottes, avec leurs porte-avions, fonctionnent comme des bases militaires mobiles, et entravent ainsi le libre accès de la Chine au Pacifique Ouest et à l’océan Indien. Une situation des plus inconfortables pour la Chine. »

« En Occident, nous trouvons peut-être normal qu’une puissance étrangère située à des milliers de kilomètres souhaite devenir maître de cette région. Mais les Chinois, ou leur gouvernement, voient cela d’un mauvais œil. Imaginez que la Chine fasse la même chose sur la côté américaine ou européenne : l’Occident ne l’accepterait absolument pas. »

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Exercices militaires

« Avec leur marine, les Américains pourraient fermer le détroit de Malacca en un clin d’œil et paralyser ainsi l’économie chinoise. D’où le considérable développement de la marine chinoise, les exercices militaires chinois autour de Taïwan et la démonstration de force menée en mer de Chine méridionale. La Chine veut défendre ses approvisionnements critiques et affaiblir la première chaîne d’îles. Ces détroits de Malacca et Taïwan sont d’une importance géopolitique capitale, en particulier pour l’économie chinoise. »

Selon Jan Longeval, la Chine ne possède pas encore la puissance militaire ni l’expérience du combat suffisantes pour tenir tête aux États-Unis sur le plan international. « Les Chinois sont en train de construire deux porte-avions supplémentaires, mais n’en possèdent que trois à l’heure actuelle, soit bien moins que les 23 unités de la marine américaine. La priorité de la Chine n’est toutefois pas de supplanter les Américains dans leur rôle de police du monde, mais bien de protéger leur flanc le plus faible. On peut certes accuser la Chine d’impérialisme économique, mais pas d’impérialisme militaire à grande échelle. Depuis sa transition d’empire à république, en 1912, la Chine a rarement envahi un autre pays. »

Hong Kong

De ce point de vue, il faut donc essayer de comprendre l’attitude chinoise, estime Jan Longeval : « Je ne porte aucun jugement, mais je tiens à exposer les deux versions de l’histoire. Avec toutes ces bases militaires et alliances dans la région, les États-Unis encercleny aujourd’hui militairement cette zone à la manière d’un anaconda. De par sa position stratégique, Taïwan joue ici un rôle crucial. Ce n’est pas pour rien que le général Douglas MacArthur l’a jadis surnommée « le porte-avions insubmersible américain » pour la côte chinoise. »

« La Chine, en partie pour cette raison, tient à une réunification avec Taïwan, indépendamment du fait que Taïwan faisait autrefois effectivement partie de la Chine. Dans les faits, du reste, Taïwan et la Chine sont officiellement toujours en guerre, et Taïwan fait toujours officiellement partie de la Chine, quoique cela soit à présent remis en question par Taïwan. Tout comme Hong Kong est redevenue une région chinoise, la Chine estime que Taïwan devra également, tôt ou tard, réintégrer le pays. »

TSMC

Qui dit Taïwan, dit bien sûr TSMC. « L’un des risques géopolitiques majeurs pour les portefeuilles d’investissement, aujourd’hui et demain, est une attaque chinoise potentielle de Taïwan. Aujourd’hui, les marchés financiers partent du principe que ce risque est quasi nul. Je ne dis pas penser qu’il est probable que cela se produise à court terme, mais je suis convaincu que ce risque est sous-estimé en Occident. »

 « Les marchés semblent penser que la Chine n’attaquera jamais Taïwan car ce serait pour elle un suicide économique. Je m’interroge néanmoins à ce sujet, car c’est une épée à double tranchant. La Chine est extrêmement dépendante de l’étranger pour sa prospérité économique, mais le reste du monde, lui aussi, dépend énormément de la Chine pour la sienne. L’Occident oserait-il riposter aussi fort que contre la Russie ? J’en doute. »

Un risque extrême

« Les États-Unis sont également assertifs vis-à-vis de la Chine sur le plan économique et essaient d’affaiblir le pays en imposant toutes sortes d’embargos technologiques. Les microprocesseurs avancés sont le nouveau pétrole. Mais qui détient le monopole mondial de la production des microprocesseurs les plus sophistiqués ? TSMC, à Taïwan. Si les États-Unis parviennent à tenir la Chine à l’écart de ces puces si perfectionnées, la Chine pourra répliquer, et l’Occident n’y aura pas accès non plus. »

« Il existe donc un risque tout à fait substantiel en Chine, non seulement pour les actions chinoises, mais aussi pour toutes les entreprises occidentales qui dépendent de la Chine, soit pour leur propre production, comme Apple, soit pour la commercialisation de leurs produits. Cette situation chinoise géopolitique, mais aussi économique et démographique, m’a poussé, il y a trois ans, à recommander d’abandonner les actions chinoises. Ceci s’est, à ce jour, révélé un bon conseil. Aujourd’hui, cependant, je suis plutôt neutre vis-à-vis des actions chinoises, car elles sont devenues incroyablement bon marché. »

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