The Morningstar Sustainalytics conference in Amsterdam. Photo by IO.
The Morningstar Sustainalytics conference in Amsterdam. Photo by IO.

Avec le durcissement des régulateurs face à l’écoblanchiment, les gestionnaires d’actifs accélèrent le changement de nom de leurs fonds d’investissement durables, ont expliqué des spécialistes de l’investissement durable lors de la conférence Morningstar Sustainalytics à Amsterdam.

Selon Hortense Bioy, Global Director of Sustainability Research chez Morningstar Sustainalytics, des termes tels que « durable » et « ESG » pourraient bientôt être retirés des noms de fonds afin d’éviter les accusations d’écoblanchiment. Cette tendance devrait remodeler le secteur mondial des fonds d’investissement durables, qui pèse 2 700 milliards de dollars.

« Nous assisterons à une accélération des opérations de rebranding au quatrième trimestre de 2024, et ces derniers vont se poursuivre au premier trimestre de 2025, car les gestionnaires s’efforcent de se conformer à la réglementation locale », a déclaré Hortense Bioy. « Les termes les plus couramment utilisés, tels que « durable » et « ESG », seront probablement ceux qu’on verra disparaître le plus souvent des noms des fonds de cet univers. »

Fragmentation du paysage

Cette vague de rebranding s’explique par l’incertitude entourant l’évolution des exigences en matière de durabilité dans les années à venir. En outre, le Royaume-Uni et l’Union européenne semblent emprunter des voies différentes avec, d’un côté, la réglementation européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, ou Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), et de l’autre, les exigences britanniques en matière de publication d’informations sur la durabilité, ou Sustainability Disclosure Requirements (SDR). Cette réglementation fragmentée complique la tâche, tant pour les gestionnaires d’actifs que pour les investisseurs.

Dans l’UE, les fonds doivent se classer eux-mêmes comme « durables », « en transition » ou « mixtes ESG » dans le cadre de la réglementation SFDR, avec un accent sur la transparence et la lutte contre l’écoblanchiment. Le SDR britannique, en revanche, repose sur un système différent, les fonds devant se classer eux-mêmes comme Sustainable Focus, Sustainable Improvers ou Sustainable Impact. À partir de mai 2024, les fonds devront également se conformer à une règle anti-écoblanchiment imposant aux entreprises de justifier leurs allégations de durabilité.

Hortense Bioy a averti que la transition vers les nouvelles règles pourrait se dérouler de manière chaotique, menant potentiellement à un fractionnement du marché entre les fonds labellisés durables et les produits non labellisés, avec différents niveaux d’intégration ESG.

« Nous attendons avec intérêt de voir comment tout cela évoluera dans les mois à venir, à mesure que les régulateurs nous fourniront davantage de directives, déclare Hortense Bioy. Ce sera une période difficile pour le secteur, mais aussi l’occasion de renforcer la confiance et la transparence autour de l’investissement durable. »

« Cette année, nous constatons davantage de rebranding de fonds par rapport à l’an passé, car les gestionnaires cherchent à anticiper les changements », ajoute Hortense Bioy. « Certains vont même jusqu’à supprimer les termes liés à la durabilité de leurs noms en dehors du Royaume-Uni, bien que leurs stratégies sous-jacentes demeurent inchangées. »

La prolifération des fonds durables au cours de ces dernières années a suscité des critiques, certains accusant les gestionnaires de fonds de profiter de la demande des investisseurs pour des produits verts sans apporter de véritable contribution environnementale ou sociale.

Débat sur l’avenir

Lors de la conférence du comparateur de fonds Morningstar, plusieurs intervenants ont clairement indiqué que le débat autour de l’ESG avait atteint un point critique. Catalina Secreteanu, Managing Director des solutions ESG chez Morningstar, a indiqué que les facteurs ESG ne sont actuellement intégrés que dans 35 % des actifs sous gestion à l’échelle mondiale. Elle a souligné la nécessité d’un « stewardship systémique » et appelé à des changements politiques afin d’inciter les entreprises et les investisseurs à adopter des pratiques durables.

Un haut dirigeant d’un fonds de pension britannique a ajouté que des mesures gouvernementales étaient indispensables pour atteindre le « zéro émission nette ». De son côté, un responsable mondial de l’ESG au sein d’une société de fonds internationale a affirmé que les propriétaires d’actifs devaient mieux aligner leurs mandats sur les objectifs de durabilité. 

Un expert en durabilité a même appelé à la mise en place de plans de transition obligatoires afin de susciter un véritable changement. « Il est temps de cesser de jouer les gentils », a-t-il affirmé.

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