L’idée selon laquelle la Réserve fédérale américaine maintiendra encore longtemps ses taux d’intérêt élevés vacille après des baisses inattendues dans les chiffres de l’inflation américaine, à la grande satisfaction des marchés actions et obligations.
L’inflation annuelle est tombée à 3,2 % en octobre, un ralentissement notable par rapport aux 3,7 % du mois de septembre, et moins que les 3,3 % attendus selon les données les plus récentes du gouvernement américain sur l’indice des prix à la consommation.
« Avec la baisse de l’inflation des biens et la baisse typiquement lente de l’inflation des services hors logement, la clé de la poursuite des progrès au cours des prochains trimestres résidera dans l’évolution des prix du logement », a déclaré mardi Austan Goolsbee, président de la Fed de Chicago, lors d’un événement organisé à Detroit. « Nous progressons, mais nous avons encore du chemin à parcourir. »
Le marché a brièvement calculé la longueur de ce chemin. Les données de l’outil FedWatch du CME montrent que la probabilité que la Fed relève ses taux d’intérêt d’un quart de pour cent en décembre est tombée à seulement 5,2 % selon le marché, contre 25 % un mois plus tôt. La probabilité d’une baisse des taux de 25 points de base en mars 2024 est passée de 10 % lundi à plus de 28 % mardi.
Les taux d’intérêt des obligations d’État américaines à 10 ans, qui avaient dépassé les 5 % le mois dernier, sont tombés sous la barre des 4,5 % après la publication du rapport sur l’inflation, soit le plus bas niveau depuis plus d’un mois.
Le S&P 500 et le Nasdaq Composite ont clôturé la séance avec des gains respectifs de 1,9 % et 2,3 %. L’Europe n’était pas en reste : l’Euro Stoxx 600 a progressé de 1,3 %. Le dollar a cédé du terrain par rapport aux autres devises, ainsi qu’en témoigne la perte de 1,5 % de l’indice USDX.
Fin des relèvements des taux
Selon James Knightley, économiste en chef chez ING, les inquiétudes croissantes relatives à la croissance économique donnent à la Réserve fédérale « la flexibilité nécessaire pour réagir par des baisses de taux ».
« Je ne décrirais pas nécessairement cela comme un stimulus (abaisser les taux d’intérêt), mais plutôt comme un déplacement de la politique monétaire vers une position plus neutre, avec le taux des fonds de la Fed qui atteindra 4 % fin 2024 », déclare James Knightley. Néanmoins, le marché reste d’avis qu’un taux cible compris entre 425 et 450 points de base est le plus probable.
Brian Jacobsen, économiste en chef chez Annex Wealth Management, basé aux États-Unis, pense que Jerome Powell mettra les taux d’intérêt sur pause le plus longtemps possible. « Je m’attends à ce que la pause actuelle, qui a commencé il y a quatre mois, soit terminée dans quelques mois », déclare Brian Jacobsen, qui prévoit la première baisse des taux au début de l’année prochaine. Selon lui, les investisseurs peuvent « dire adieu » aux relèvements de taux d’intérêt.
Refroidissement cyclique
Han Dieperink, Chief Investment Officer chez Aureus, souligne également que la Fed approche de la fin d’une série de relèvements des taux. En utilisant un langage ferme, la Fed empêche le marché d’anticiper des baisses de taux prochaines, a-t-il déclaré en faisant référence aux récentes déclarations de Jerome Powell. Han Dieperink prévoit que l’inflation continuera de baisser au cours des 12 prochains mois et que l’objectif officiel de 2 % sera atteint en 2024.
« Dans le même temps, nous constatons que les chiffres de l’inflation continuent de s’améliorer et que le chômage commence également à augmenter ; or, il s’agit des deux indicateurs les plus importants pour la Fed. De plus, il est évident que l’inflation sera davantage atténuée l’année prochaine, car ce n’est qu’à ce moment-là que le plein effet des relèvements de taux d’intérêt se fera sentir. Normalement, cela prend 12 à 18 mois, mais en raison des taux d’intérêt extrêmement bas de manière durable, de nombreuses entreprises se sont financées à un faible taux sur une période plus longue », explique Han Dieperink.
« À terme, les taux d’intérêt pourraient augmenter, mais il y aura d’abord le refroidissement cyclique qui exerce une pression sur les taux, précise-t-il. En Europe comme aux États-Unis, la masse monétaire se contracte pour la première fois depuis des décennies. Et comme l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire, nous pouvons maintenant nous attendre à une désinflation. »
« Compte tenu des cicatrices laissées par le pic d’inflation, il y a peu à gagner et beaucoup à perdre en annonçant la fin du cycle de resserrement », a pour sa part déclaré Daleep Singh, économiste en chef chez PGIM et ancien dirigeant à la Fed de New York. « Cependant, la réalité est qu’ils en ont très probablement fini avec les relèvements de taux d’intérêt », a-t-il confié au Wall Street Journal.