Les taux d’intérêt chinois à 10 ans sont récemment tombés sous la barre des 1,6 %, conséquence d’une économie affaiblie et touchée par la déflation. Pour la première fois en 14 ans, la politique monétaire restrictive laisse place à une approche modérément accommodante afin de soutenir l’économie et de redorer l’image du pays.
La Chine, autrefois cas d’école de la manière dont les pays émergents pouvaient sortir de la pauvreté, se trouve aujourd’hui en grande difficulté. La croissance économique ralentit tandis que la crise persistante du secteur immobilier a laissé de graves séquelles. Les consommateurs chinois limitent leurs dépenses, la demande de crédit des entreprises nationales s’essouffle et les investisseurs chinois, de plus en plus allergiques au risque, placent leur argent dans les obligations.
Tout cela concourt à créer un environnement déflationniste, que la banque centrale s’efforce de contrer en abaissant les taux d’intérêt et en procédant à des réductions de taux, dans l’espoir de relancer la consommation intérieure.
Les taux d’intérêt à 10 ans sont passés de 2,6 % il y a cinq ans à 1,6 % lundi après-midi. Sur la même période, les taux à 30 ans sont tombés de 3,7 à 1,8 %. « Les taux d’intérêt chinois à 30 ans sont désormais inférieurs aux taux japonais de même échéance, ce qui alimente l’idée largement répandue que la Chine est en train de subir une japonisation », affirme Lodewijk van der Kroft (Comgest). Le terme fait référence à une période prolongée de faible croissance économique, de faible inflation et de taux d’intérêt extrêmement bas, un phénomène que connaît le Japon depuis les années 1990.
Rendements des obligations d’État à 30 ans en Chine et au Japon
Le gouvernement chinois entend aller encore plus loin que la banque centrale, explique Wei He, chez Gavekal. « Les fonctionnaires bénéficient d’une hausse de salaire et certains biens sont subsidiés. Alors que les Chinois ne pouvaient pratiquement pas compter sur le soutien de l’État pendant la pandémie, le gouvernement se montre aujourd’hui disposé à intervenir. »
Une économie en perte de vitesse
Il y a cinq ans à peine, l’économie chinoise semblait inébranlable et affichait des chiffres de croissance stables qui faisaient rêver bien des pays développés. « La Chine a enregistré une croissance impressionnante au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, elle est confrontée au piège du revenu intermédiaire, cette étape où le gouvernement doit passer le relais aux entreprises et aux consommateurs. Ce processus est loin d’être fluide », explique Lodewijk van der Kroft.
Wei He ajoute pour sa part que les difficultés de l’économie chinoise sont de nature structurelle, la demande de crédit émanant essentiellement des entreprises publiques. « Ces entreprises ont tendance à continuer de produire pour stimuler la croissance économique, même si cela entraîne une surproduction. »
De plus, le pays est confronté à un taux de chômage élevé chez les jeunes. « Moins d’emplois sont disponibles pour eux, et beaucoup visent uniquement les postes les plus prestigieux, alors que les cols bleus sont de mieux en mieux rémunérés », observe Wei He.
Aversion pour le risque
Les Chinois semblent développer une réelle aversion pour le risque ; nombre d’entre eux ont perdu tout appétit pour des placements risqués après la débâcle du secteur immobilier. « En Chine, chacun doit constituer lui-même son épargne-pension. De nombreux Chinois considéraient l’immobilier comme le moyen idéal pour sauvegarder leur épargne, mais la crise immobilière a été une leçon amère », constate Lodewijk van der Kroft.
Aujourd’hui, les options fiables pour placer leur épargne en toute confiance se font rares pour les Chinois. Selon Wei He, les dépôts bancaires augmentent. « Les obligations ont la cote et ont généré une belle performance de 9 % l’année dernière, grâce à la baisse des taux d’intérêt. L’or gagne également en popularité », ajoute Lodewijk van der Kroft.
Le poids d’une réputation ternie
La réputation ternie de la Chine pèse sur les investisseurs. Pendant des années, l’empire du Milieu a été la principale économie émergente, représentant près de 40 % des indices dédiés à la sphère émergente. Fin août, elle a cependant été dépassée par l’Inde dans l’indice MSCI All Country World Investable Market Index (ACWI IMI).
Au cours de la première semaine de 2025, les marchés boursiers chinois poursuivent sur une note négative. Le CSI 300, indice de référence pour les actions de Chine continentale, a reculé de 3,4 %. Les petites capitalisations, représentées dans l’indice CSI 2000, ont affiché des performances encore plus médiocres, avec une chute de 7 %.
Lodewijk van der Kroft indique que les risques géopolitiques croissants dissuadent les investisseurs d’investir en Chine. Les liens étroits avec la Russie rappellent aux investisseurs des marchés émergents le risque de retrait de capitaux, notamment dans le contexte d’une éventuelle invasion de Taïwan. Par ailleurs, les États-Unis découragent activement les investissements en Chine, accentuant ainsi encore la pression économique sur le pays.
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