Les gestionnaires d’actifs européens tels qu’Amundi et Schroders prolongent les échéances de leurs investissements en obligations d’État européennes, tandis que leurs homologues américains adoptent une approche attentiste.
Amundi, le plus grand gestionnaire d’actifs d’Europe, a récemment décidé de prolonger les échéances de ses obligations d’État de la zone euro, une décision motivée par la persistance du malaise économique en Europe ainsi que par l’éventualité d’un potentiel durcissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE).
« Les perspectives de croissance économique restent sombres, ce qui donne à la BCE une marge de manœuvre pour accélérer les baisses de taux d’intérêt en 2025 », a déclaré Amaury d’Orsay, responsable des titres à revenu fixe chez Amundi, à Investment Officer.
Il souligne qu’une politique plus accommodante de la part de la BCE pourrait continuer à faire baisser les rendements, ce qui serait bénéfique pour les cours des obligations à long terme. Cette tendance rend ces investissements attractifs pour les investisseurs anticipant de futures baisses de taux.
Faiblesse de l’Europe
La BCE a resserré sa politique, avec une nouvelle baisse de taux de 25 points de base, ce qui ramène le taux directeur à 3,25 %, contre 4 % encore en juin.
L’inflation dans la zone euro, qui est tombée en août à 2,2 % en glissement annuel, joue un rôle crucial dans ce changement de politique. Malgré une baisse de l’inflation sous-jacente à 2,8 %, le secteur des services, avec une hausse des prix de 4,2 %, demeure préoccupant. Ces défis structurels persistants dans le secteur des services représentent un risque pour la stabilité des prix.
La reprise économique au sein de la zone euro montre des signes de stagnation, avec une croissance du PIB de seulement 0,2 % au deuxième trimestre. L’Allemagne, moteur traditionnel de la zone euro, affiche peu de signes de reprise, tandis que le taux d’intérêt des obligations d’État françaises à 10 ans a dépassé celui de l’Espagne, soulevant des inquiétudes quant à la viabilité des finances publiques françaises.
Face à cette incertitude économique, Schroders a qualifié les obligations d’État européennes à long terme d’« investissement long de prédilection ». « La BCE a amorcé son processus d’assouplissement, mais elle est restée prudente jusqu’à présent, avec des ajustements trimestriels limités et des perspectives restreintes », a déclaré Schroders dans une communication récente à ses clients. « Si les tendances économiques continuent de se dégrader, la BCE pourrait être amenée à assouplir sa politique encore plus rapidement. »
BlackRock et Pimco demeurent prudents
Les gestionnaires d’actifs américains, dont BlackRock, repondèrent leurs positions sur les obligations d’État européennes, mais avec des perspectives contrastées. BlackRock adopte une position neutre, appelant à davantage de clarté sur les futures décisions de politique monétaire de la BCE. « Nous identifions des opportunités dans la qualité et le rendement, principalement sur le marché des obligations d’État européennes », souligne BlackRock, tout en reconnaissant qu’en Europe, les rendements offrent une perspective plus réaliste des futures baisses de taux d’intérêt qu’aux États-Unis.
Pimco demeure également prudent et identifie des opportunités sur une courbe des taux plus pentue, en raison de la faible différence actuelle entre les taux des obligations à 10 ans et 30 ans. L’incertitude entourant le rythme des baisses de taux de la BCE demeure une source de préoccupation pour le premier investisseur obligataire au monde.
Attentes américaines trop optimistes
La divergence de stratégie entre les gestionnaires d’actifs européens et américains est frappante. Beaucoup restent prudents et sous-pondèrent leurs positions sur les échéances américaines, préoccupés par le rythme des ajustements de la politique monétaire de la Réserve fédérale ainsi que par la volatilité persistante des marchés.
« Cet été, des indicateurs macroéconomiques décevants, combinés à un virage accommodant de la Fed, ont alimenté des attentes exagérées quant aux baisses de taux d’intérêt », explique Amaury D’Orsay. « Ces attentes étaient trop optimistes, c’est pourquoi nous avons maintenu notre sous-pondération des échéances américaines. »
Malgré ces défis, l’économie américaine demeure résiliente, soutenue par des données solides sur le marché de l’emploi et des dépenses de consommation robustes. Amaury D’Orsay met toutefois en garde contre une volatilité persistante, en particulier à l’approche des élections américaines, ce qui pourrait exercer une pression supplémentaire sur les marchés.