Le marché boursier se dirige vers une bulle». C’est ce qu’a déclaré Jeroen Blokland lors de la réunion annuelle de Fund News Investment Outlook. Les valorisations élevées et les prévisions de croissance exagérées rendent les risques de correction en 2022 très importants. Cette déclaration n’a pas fait l’unanimité. Selon Edin Mujagic, économiste en chef chez OHV Asset Management, c’est précisément l’environnement idéal pour les actions.
Je serais surpris si nous n’assistions pas à une forte correction des marchés d’actions l’année prochaine. C’est ce qu’a déclaré Jeroen Blokland, fondateur de la plateforme de recherche True Insights, dans sa présentation. Selon M. Blokland, de nombreux éléments indiquent que le marché se dirige vers une bulle. Neuf fois sur dix, les valorisations ne sont pas le déclencheur d’un effondrement des actions, mais les investisseurs extrapolent actuellement à tort la croissance de la reprise de Covid-19.
Les valorisations sont extrêmement élevées car la reprise a été extrêmement rapide après la pandémie, mais l’économie ne continuera pas à croître au même rythme que cette année». Selon Blokland, la combinaison de valorisations élevées et d’attentes de croissance injustifiées rend la probabilité d’une correction cette année nettement supérieure à celle de nombreuses autres années.
Selon M. Blokland, deux raisons importantes pour une telle correction sont la politique des banques centrales et l’inflation. Il y a une assez bonne chance, sinon cent pour cent, que nous assistions à un resserrement des liquidités sur le marché. Les marchés sont accros à ces liquidités, mais les banques centrales vont probablement relever les taux d’intérêt. Nous entrons dans une période de resserrement monétaire».
Une performance «exceptionnelle» n’est pas exceptionnelle
La performance annuelle des marchés de capitaux se situe rarement entre une moyenne de 5 et 10 %. Selon Blokland, les chutes et les hausses très fortes sont beaucoup plus fréquentes. Une prédiction de gain de 20 %, ou une correction de 20 %, peut sembler plus audacieuse, mais elle se réalise beaucoup plus souvent. Tous les investisseurs qui ont fait de telles prédictions «fermes» chaque année depuis 1900 ont eu raison bien plus souvent».
Il affirme également que la probabilité de troubles sociaux est supérieure à la moyenne. Les raisons en sont le covide et la hausse des prix des denrées alimentaires. Les prix des denrées alimentaires sont à leur plus haut niveau depuis huit ans, mais à en juger par l’augmentation des prix des engrais, les denrées alimentaires devraient devenir encore plus chères dans les années à venir. Ce genre de choses peut influencer le climat boursier», conclut M. Blokland.
L’environnement idéal pour les actions
Mujagic n’est pas d’accord avec l’analyse de Blokland concernant la probabilité de corrections sur le marché des capitaux. Une croissance raisonnablement élevée, une inflation encore acceptable et des banques centrales qui ne semblent avoir aucune raison de resserrer leur politique constituent, selon lui, l’environnement idéal pour les actions.
Selon Mujagic, il y a toutefois un «mais» important. Pour la première fois depuis très longtemps, il n’y a pas de risque de déflation ou de récession. D’une part, la politique très généreuse doit être assouplie, mais pas trop vite, car alors les taux d’intérêt augmenteront et nous ne voulons pas cela. Il s’agit d’une corde très fine, et le risque d’erreur est donc énorme. Les investisseurs doivent prendre cela au sérieux, les banquiers centraux font des erreurs.
Conditions de financement favorables
La politique des banques centrales est imprudente. Si nous supposons que les hausses de taux d’intérêt attendues auront lieu, j’ai le plus grand mal à voir quand ces taux d’intérêt réels deviendront positifs. La politique monétaire était très souple, elle est très souple et le restera. En supposant, encore une fois, que ces hausses de taux d’intérêt aient lieu». Mujagic considère que cette chance est très faible, car il existe la politique dite des conditions de financement favorables (FFC).
Il ne se passe pas une seule conférence de presse sans que le FFC soit mentionné, affirme Mujagic. Selon lui, des conditions de financement favorables ne signifient rien d’autre que le maintien de taux d’intérêt bas. Il n’y a rien à ce sujet dans le traité de Maastricht, mais c’est devenu le principe directeur de la BCE. La BCE vise une inflation de 2 %, mais si l’inflation atteint 4 %, rien ne se passe. Si le taux d’intérêt à 10 ans dans la zone euro augmente un peu et que les écarts entre l’Italie et l’Allemagne se creusent, la BCE interviendra.
Les taux d’intérêt resteront bas pour les années à venir
Mujagic affirme que la BCE veut s’attaquer à la dette avec la tactique du FFC. Vous ne pouvez pas courir le risque que les taux d’intérêt augmentent dans la zone euro, car alors de nombreuses familles, entreprises et gouvernements se retrouveront en difficulté. Logiquement, si vous augmentez les taux d’intérêt dans un premier temps, vous créez une marge de manœuvre pour les abaisser plus tard. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et l’assouplissement monétaire va donc devenir le nouveau moyen de contrôler l’inflation. À terme, la BCE commencera à s’intéresser non seulement aux obligations d’État et d’entreprise, mais aussi aux marchés d’actions», indique M. Mujagic.
La croissance que nous observons aujourd’hui est une croissance de reprise après une année 2020 médiocre. Si cette reprise de la croissance disparaît, et il est très probable qu’elle le fera au cours de l’année à venir, alors vous vous retrouverez dans un environnement dont je me demande s’il est suffisant pour relever les taux d’intérêt. Si un escargot doit ramper d’Amsterdam à Emmen, il y arrivera avant que la BCE ne relève sensiblement ses taux d’intérêt», conclut l’économiste monétaire.