Sterrenhemel. Foto door Bas van der Horst via Unsplash
Sterrenhemel. Foto door Bas van der Horst via Unsplash

Des chercheurs de Harvard et du MIT ont constaté que certains gestionnaires de fonds réorientaient activement leurs portefeuilles afin d’être mieux positionnés dans les comparatifs de Morningstar. Cette stratégie leur permettrait d’obtenir une meilleure notation et, ainsi, de justifier des frais plus élevés pour ces fonds, potentiellement au détriment du rendement pour les investisseurs. 

Chaque année, 9 % des fonds font l’objet d’une restructuration leur permettant de passer dans une autre catégorie Morningstar : une pratique surnommée box jumping. Les chercheurs à l’origine de l’étude publiée en novembre et intitulée Box Jumping: Portfolio Recompositions to Achieve Higher Morningstar Ratings, qui portait sur 2300 fonds d’investissement, affirment « avoir des indications » indiquant qu’une partie de ces gestionnaires se livrent délibérément à cette pratique afin de se retrouver face à des concurrents plus faibles dans leur nouvelle catégorie et d’être ainsi mieux classés. Les auteurs de l’étude ne croient pas au hasard.
 

« Cette preuve suscite de sérieux doutes quant à l’idée que ces box jumps se produiraient de façon aléatoire. ».

David Kim, Eric So, Lauren Cohen

Près d’un quart des fonds d’investissement passés à la loupe dans les catégories Actions et Actions américaines, et 37 % des gestionnaires de fonds, ont réalisé au moins un box jump au cours de la période 1997-2007. Les modifications de positions opérées sont parfois minimes, mais elles permettent une transition vers une autre boîte de style, et donc un autre groupe de pairs.

Selon l’étude, les fonds ainsi passés dans une autre boîte de style ont par la suite deux fois plus de chances d’améliorer leur note que de la dégrader. « Cette preuve suscite de sérieux doutes quant à l’idée que ces box jumps se produiraient de façon aléatoire. »

En outre, toujours selon l’étude, cette notation plus élevée était généralement suivie d’une dégradation vers le niveau initial dans les trois ans. 

Ce phénomène est déjà largement connu des initiés, qui notent en outre, sans mentionner explicitement de noms, que les gestionnaires de fonds ont tendance à réagir aux mauvais stimuli.

Collecte accrue, hausse des frais

Selon l’étude, les fonds qui déplacent stratégiquement leurs positions en vue d’intégrer de nouvelles boîtes de style augmentent leurs frais de gestion de 5 % en moyenne. Ces changements de boîte de style entraîneraient en outre généralement un afflux considérable de capitaux : dans les douze mois suivant un box jump, l’augmentation moyenne des actifs sous gestion atteint 6,7 %.

« Il se peut que les investisseurs soient trop focalisés sur les évaluations de Morningstar pour l’allocation de leurs capitaux, sans faire de distinction entre les surclassements dus à de meilleures performances et ceux dus au box jumping », note le doctorant David Kim, qui a analysé les données de Morningstar Direct avec Lauren Cohen, professeur à Harvard, et Eric So, professeur au MIT

Selon David Kim, les fonds qui reçoivent une note de cinq étoiles grâce au box jumping auraient autrement reçu une note plus basse. Quoique l’étude ait spécifiquement identifié les familles de fonds et gestionnaires qui se livrent à cette pratique, les chercheurs n’ont souhaité citer aucun nom. 

Un rendement plus faible

L’étude conclut aussi que le box jumping entraîne un rendement plus faible : en moyenne, la baisse atteint 21 points de base par trimestre, soit 84 points de base par an en rendement selon le modèle CAPM.

Pour Lauren Cohen, Eric So et David Kim, si ces rendements sont plus faibles, c’est parce que la restructuration de ces fonds pousse leurs gestionnaires à sortir de leur domaine d’expertise pour investir dans de nouveaux styles d’actions. 

Scepticisme chez Morningstar

En réaction à cette enquête, Morningstar rappelle que les évaluations du comparateur de fonds sont transparentes et objectives et que tout changement résulte exclusivement des performances réalisées sur des périodes de trois, cinq et dix ans. Pour Morningstar, les résultats de l’enquête ne correspondent pas à ce que laisse observer la pratique et ne constituent aucune preuve.

Selon un porte-parole, la notation est basée sur le rendement historique et corrigé du risque d’un fonds par rapport au rendement des autres fonds de sa catégorie. « Nous n’attribuons pas les étoiles en fonction de la boîte de style. » Morningstar ajoute que les fonds ne sont pas ajoutés à leur groupe de pairs en fonction de leur portefeuille le plus récent.

« Nous basons nos catégorisations sur les positions des trois dernières années, explique son représentant. Chaque boîte de style est un instantané mensuel, tandis que la catégorie pour la notation se base sur une moyenne sur 36 mois. »

Selon Morningstar, ce décalage ne permet pas aux gestionnaires de fonds de savoir avec certitude si un box jump pourrait entraîner un changement direct de catégorie ou de notation. Des analyses internes indiquent en outre qu’un changement de catégorie entraîne plus souvent une baisse qu’une hausse de la note du fonds concerné, à l’inverse de ce qu’affirment Harvard et le MIT.

« En dépit de fluctuations dans les tendances annuelles, cette pratique reste très présente, y compris ces dernières années. »

David Kim, doctorant

Jeffrey Ptak, responsable des notations chez Morningstar, suggère qu’une modification de la méthode d’allocation des fonds aux différentes boîtes de style, en 2022, pourrait expliquer certains changements constatés dans l’enquête. Ces changements ne seraient donc pas le résultat d’actions délibérées des gestionnaires de fonds.

Les chercheurs font toutefois valoir que Morningstar pourrait avoir mal interprété certaines parties de l’enquête. « Nous ciblons également des catégories basées sur la moyenne sur trois ans d’instantanés, et pas seulement les instantanés des boîtes de style mêmes, bien que nous employions ce terme dans l’étude », précise David Kim.

L’enquête porte sur la période allant de 1997 à 2007, mais les chercheurs concluent qu’une prolongation de cette période à 2022 montrerait une tendance identique. « En dépit de fluctuations dans les tendances annuelles, cette pratique reste très présente, y compris ces dernières années », conclut David Kim.

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