René Wijnen
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Grâce à l’IA, les gestionnaires d’actifs automatisent le travail des analystes et se lancent dans une quête effrénée de nouvelles informations qui génèrent des rendements. Reste à savoir comment traiter toutes ces données et cette puissance de calcul. Pour René Wijnen, gestionnaire de portefeuille quantitatif chez Achmea Investment Management, « éliminer les rendements extrêmes d’un ensemble de données parce qu’il s’agit de valeurs aberrantes peut se révéler désastreux. »

Les professionnels de l’investissement disposent chaque jour d’un plus grand nombre d’applications basées sur l’IAInvestment Officer s’était déjà entretenu de ce sujet avec deux investisseurs quantitatifs expérimentés : Gijsbert de Lange, de Northern Trust Asset Management et Herman van der Sluis, de PGGM.

Chez Achmea Investment Management, René Wijnen, âgé de 30 ans, est le plus jeune membre de l’équipe de six personnes chargée de la recherche quantitative sur les actions, qui étudient ces applications. Il combine ce travail – tout comme ses collègues – avec les activités « quotidiennes » d’un gestionnaire de portefeuille. « Idéalement, la répartition est moitié-moitié, mais l’année dernière, nous avons voulu augmenter notre capacité de recherche, et nous avons donc consacré beaucoup de temps à rendre l’ensemble du processus modulable, « de l’idée à l’application ». L’idée était par exemple d’ajouter rapidement une puissance de calcul supplémentaire. »

Le projet est désormais terminé et la structure est en place. Pour René Wijnen, la méthode de travail inclut « un flux constant d’idées, provenant des conférences auxquelles nous assistons, des publications scientifiques et de nos propres recherches. Nous examinons ces informations en gardant à l’esprit les stratégies de nos clients. Nous gérons environ 11 milliards d’euros d’actions et 2 milliards d’euros de matières premières, principalement pour des clients institutionnels. Il ne s’agit généralement pas de stratégies à forte rotation, à rééquilibrage constant ou à positions courtes. La première étape consiste à déterminer si une idée d’IA correspond aux caractéristiques de ces stratégies. »

« L’ordinateur trouve les éléments saillants dans les tableaux et recherche des informations supplémentaires auprès de sources externes fiables ».

Une autre question se pose : concevoir soi-même ou acheter ? « L’on veut être en mesure de développer et de mettre en œuvre l’idée rapidement, mais le coût est également un aspect à prendre en compte. Surtout s’il existe déjà une offre importante de certains outils, il n’est souvent pas nécessaire de commencer à les développer soi-même. »

Rédaction de rapports

M. Wijnen cite en exemple les outils d’IA permettant de produire rapidement des rapports, par exemple les rapports périodiques des clients sur les performances de leur portefeuille. « Nous sommes désormais habitués à ce que les chiffres soient disponibles par simple pression sur un bouton. Mais rédiger l’interprétation de ces chiffres est toujours un travail qui prend du temps. Nous pouvons désormais laisser l’IA faire ce travail : l’ordinateur trouve les éléments saillants dans les tableaux et recherche des informations supplémentaires auprès de sources externes fiables. Par exemple, si le secteur des services affiche des performances remarquables, l’IA recherchera des articles de presse pertinents pour décrire ce qui s’est passé. »

Selon l’expert d’Achmea, nous n’en sommes par encore à l’automatisation complète. « L’équipe reste toujours impliquée et vérifie, affine ou précise l’analyse. Par exemple, si nous savons qu’un client est particulièrement intéressé par les États-Unis, nous demandons à l’outil d’ajouter des éléments sur cette région. »

Les projets sur lesquels l’équipe de M. Wijnen a travaillé récemment ont principalement consisté à combiner l’amélioration de l’efficacité du processus d’investissement (en particulier le travail d’analyse) avec l’extension de la recherche d’alpha. Une idée consiste à utiliser un modèle d’apprentissage automatique pour prévoir le bénéfice par action.

Biais d’ancrage

« Pour ce faire, nous utilisons actuellement les niveaux de consensus de tous les analystes combinés. Mais nous savons quelles sont les données utilisées par les analystes pour parvenir à leurs estimations et nous pouvons également intégrer toutes ces variables dans un modèle. » Pourquoi cela serait-il mieux ? « Les analystes ne sont que des êtres humains et ils peuvent avoir des préjugés. Dans ce cas, il s’agit de la réticence que l’on peut avoir à abaisser ou à élever un pronostic par paliers importants, le biais d’ancrage. Un analyste qui prévoit d’abord un ratio cours-bénéfice de 10, qui effectue de nouvelles recherches et qui arrive ensuite à 2, ne publiera généralement pas ce 2 immédiatement. Il parlera plutôt de 5 ou 6. En effet, à 2, il est en net décalage avec ses pairs et cela peut nuire à sa réputation. Un modèle d’apprentissage automatique ne se préoccupe pas de sa réputation. »

Un autre exemple est l’utilisation de données alternatives pour améliorer les prévisions. Des outils d’analyse de textes (tels que les informations contenues dans les rapports annuels), d’enregistrements audio (annonce des résultats) ou de vidéos (YouTube) sont déjà largement disponibles. Achmea étudie également d’autres magnitudes pour les signaux alpha. « C’est ainsi que nous considérons également la propriété des actions. Quelles sont les parties qui détiennent les actions d’une société ? Fonds de pension, fonds spéculatifs ? Et comment rééquilibrent-ils cet actionnariat ? Dans quelles circonstances achètent-ils ou vendent-ils ces actions ? Il y a peut-être là des signaux novateurs. »

Test de vision

Il faut toujours se méfier des prophéties autoréalisatrices et des biais cognitifs. « L’on doit constamment faire attention à ne pas trop se focaliser sur les modèles. Cela concerne principalement la méthode de test. Le surajustement et le biais de prévision sont des risques connus : on trouve une combinaison merveilleuse, que l’on ne comprend pas vraiment, mais il se révèle que le backtest de cette combinaison a été réalisé avec des connaissances très spécifiques ou même avec les connaissances d’aujourd’hui. C’est un peu comme si un malvoyant se rendait chez l’ophtalmologue en ayant appris le test de vision par cœur. La conclusion erronée est donc qu’il n’y a aucun problème avec les yeux. »

« Si vous ne parvenez pas à expliquer une idée, c’est probablement parce qu’elle n’apporte pas de contribution positive »

Raison de plus, selon René Wijnen, pour ne pas compliquer inutilement les contributions potentielles de l’IA au processus d’investissement. « Si vous ne parvenez pas à expliquer une idée, c’est probablement parce qu’elle n’apporte pas de contribution positive. Lorsque nous avons terminé une étude et que nous effectuons des modifications en conséquence, nous en faisons généralement une présentation à nos clients – dont les assureurs d’Achmea et d’autres investisseurs institutionnels. Dans ces situations, il faut être en mesure d’expliquer exactement ce que l’on a fait et comment cela fonctionne. Quels ont été les choix ? Quels ont été les arguments justifiant ces choix ? Il faut être en mesure de répondre à toutes les questions des clients. »

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