Nils Rode - Schroders
Nils Rode - Schroders

Alors que le scepticisme grandit, Schroders se range ouvertement du côté d’un outil de plus en plus controversé dans le domaine du capital-investissement : le fonds de continuation. Nils Rode, Chief investment officer de Schroders Capital, estime que les critiques sont exagérées. Selon lui, ces fonds offrent aux investisseurs une meilleure liquidité, des rendements plus prévisibles et des coûts moindres.

Les fonds de continuation ont été conçus comme une solution pour les fonds arrivant à échéance. Ils ne sont pas vendus à quelqu’un d’autre, mais le gestionnaire de rachat transfère une ou plusieurs entreprises du portefeuille vers un nouveau fonds. Les investisseurs existants peuvent se retirer ou suivre ; de nouveaux investisseurs peuvent entrer.

Cette option fait l’objet de vives critiques. En mai, le milliardaire égyptien Nassef Sawiris a qualifié la continuation de « plus grande escroquerie jamais réalisée ». Cet été, des critiques se sont exprimées dans Investment Officer et ont comparé les fonds à des systèmes de Ponzi. Selon les chiffres de la banque d’investissement américaine Houlihan Lokey, 90 % des investisseurs en capital-investissement préfèrent donc opter pour des liquidités plutôt que pour un fonds de continuation.

Selon M. Rode, ces critiques ne sont pas justifiées. « Le fait d’acquérir des liquidités en soi ne dit pas grand-chose sur l’attrait de l’option de continuation », dit-il. « Beaucoup de LP sont dans des fonds à capital fixe qui expirent tout simplement. D’autres ont besoin de liquidités parce que les sorties ailleurs ont été retardées. » Même si les investisseurs apprécient la société de portefeuille, leur mandat peut les contraindre à vendre.

Structurel ou cyclique ?

La critique la plus sévère est que les fonds de continuation existent principalement parce que les entreprises ne peuvent pas être cédées à un prix décent. Les gestionnaires hésiteraient à procéder à des amortissements.

M. Rode réfute cette thèse à l’aide de données : « Vingt ans d’études sur les sorties de rachat montrent qu’environ un tiers des transactions ont lieu entre des fonds de capital-investissement. Cela n’a pas changé », déclare-t-il. « Ce qui est nouveau, c’est que les fonds de continuation existent désormais comme alternative à la vente à un autre fonds. Cela représente aujourd’hui 7 % de l’ensemble des distributions de rachats. Si l’on tient compte du cycle, plus de 80 % de ces fonds sont structurels et non cycliques. »

La croissance des fonds de continuation est largement structurelle

Cette distinction est cruciale. Selon M. Rode, si la croissance est structurelle, les fonds de continuation ne sont pas une échappatoire temporaire, mais le signe que le capital-investissement s’organise différemment. Pourtant, selon ses propres chiffres, environ un cinquième des transactions restent cycliques : il s’agit des exemples cités par les critiques.

Self-deal

Un deuxième argument des détracteurs concerne la gouvernance. Les critiques parlent de self-deals : les gestionnaires se vendraient en fait des actifs à eux-mêmes. L’avocate Rachel Wasserman a averti que le vendeur veut le prix le plus élevé possible et l’acheteur le prix le plus bas possible. Selon elle, le fait que l’acheteur et le vendeur des fonds de continuation sont la même personne ouvrirait la porte à des évaluations subjectives.

M. Rode pense que c’est une vision simpliste. « L’idée que le GP fixe simplement ses propres conditions est erronée », dit-il. Les souscripteurs principaux – généralement de grands fonds secondaires – font leur due diligence, fixent les évaluations et négocient. De nombreuses transactions échouent en cours de route. Le GP n’encaisse pas », souligne-t-il.

Il estime également que la terminologie prête à confusion. « L’expression populaire GP-led secondaries est trompeuse », explique M. Rode. « Le GP ne vend pas, c’est le principe même de la continuation. Les conditions seront déterminées avec les nouveaux investisseurs. D’un point de vue économique, ces opérations ressemblent davantage à des secondary buy-outs qu’à des LP-secondaries. »

Économies

Selon M. Rode, les incitations financières sont plus favorables que dans les transactions traditionnelles. « Les fonds de continuation offrent généralement une liquidité plus rapide de 25 %, des rendements plus prévisibles et des coûts inférieurs de moitié à ceux des rachats traditionnels », indique-t-il. Schroders estime que cela permet aux investisseurs d’économiser des milliards de dollars par an.

Les fonds de continuation réduisent les coûts pour les investisseurs

Cette différence est significative. Une entreprise vendue dans le cadre d’un accord classique entre sponsors génère un ensemble complet de coûts de rachat à chaque transfert. Dans les structures de continuation, les commissions de gestion et de performance représentent environ la moitié. Selon M. Rode, cela représente des milliards d’euros d’économies pour les LP.

Les périodes de détention plus courtes comptent également. Les liquidités sont souvent libérées douze à dix-huit mois plus tôt qu’avec un nouveau fonds de rachat. De plus, ajoute M. Rode, les rendements sont mieux répartis : moins de risques de commettre une erreur, mais aussi moins de chances de réaliser une opération rapide. Pour les fonds de pension et autres investisseurs à long terme, cette situation est en fait attrayante.

Schroders prévoit que le marché passera d’environ 70 milliards de dollars aujourd’hui à plus de 300 milliards de dollars d’ici dix ans. M. Rode qualifie ces prévisions de « conservatrices ». Près d’un tiers des sociétés de rachat d’entreprises pourraient être éligibles, en particulier celles qui ont une stratégie d’achat et de développement à long terme.

« Toute les innovations sur les marchés privés ont d’abord été accueillies avec scepticisme », indique-t-il. « Elles sont acceptées une fois que les investisseurs ont compris leur fonctionnement. Je pense que les fonds de continuation suivront le même chemin. »

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