Le temps est-il venu de troquer ses actions de croissance contre des actions de valeur ? Il faudra bien que retombe un jour la croissance vertigineuse des actions de croissance, voilà l’avis que beaucoup partagent. Dans le même temps, l’écart de performance entre les deux ne cesse de croître, au profit des actions de croissance.
Bon nombre d’investisseurs sont malgré tout dans les starting-blocks pour franchir le pas vers les actions de valeur, s’exprime Wim Antoons, Responsable en chef Asset Management auprès de la banque Nagelmackers. D’après l’investisseur, la fin de la forte croissance des entreprises lourdement endettées est inéluctable, surtout à présent que la Réserve Fédérale relève progressivement le taux. Wim Antoons est connu pour ne pas se laisser influencer par l’engouement du moment ni pour suivre la masse. L’investisseur s’appuie sur des arguments scientifiques pour asseoir sa philosophie d’investissement.
Risque passif
‘Il est vrai que les investisseurs qui détenaient dans leur portefeuille de pures actions de croissance s’en sont mieux sortis ces dix dernières années ; et ce n’est certainement pas la première fois dans l’histoire. Ils ont bénéficié de la faible inflation et des faibles taux d’intérêt, deux facteurs auxquels est venue s’ajouter la politique de largesse de la Fed. Mais à présent que la Banque centrale américaine relève le taux, les entreprises comme Tesla qui ont recours au « Cash Burn » depuis des années et accumulent une dette qui ne cesse d’augmenter, vont être coincées. Paradoxalement, beaucoup d’investisseurs continuent malgré tout à croire dans les entreprises.’
D’après Wim Antoons, la hausse explosive de l’indice S&P 500 en 2018 est la conséquence presque directe des actions FAANG et n’est donc pas imputable au marché pris dans sa globalité. Le Responsable en chef se dit dès lors préoccupé à propos du flux entrant démesuré de produits passifs qui vont subir une belle déconvenue lors d’une prochaine correction de marché.
‘Comme le marché haussier perdure, la plupart des gens semblent oublier qu’une fameuse correction, néfaste pour les ETF, va avoir lieu. La sélection d’actions ne repose pas sur l’analyse fondamentale, mais seulement sur la capitalisation boursière. Par ailleurs, avec un indice CAPE de Shiller à 32,3, la bourse américaine cote à un niveau historiquement haut.’
Netflix rend nerveux
D’après Wim Antoons, il est impossible de prédire si un retour imminent des actions de valeur se prépare ou si on peut plutôt s’attendre à un équilibre entre la croissance et la valeur. Une chose est sûre: le coefficient de capitalisation des résultats plaide en ce moment en faveur de la valeur dans de nombreux cas.
‘Une étude semble prédire une seule chose : une valorisation élevée à long terme entraîne des rendements plus faibles. La stratégie « Value Investing » - des placements axés sur la valeur – a toujours eu ma préférence dans ma philosophie d’investissement, pas seulement aujourd’hui. Mais si vous ne vous y prenez pas à temps, il risque d’être trop tard. La nervosité qui a gagné les investisseurs lorsque Netflix s’est résolu à avouer une croissance à la baisse, est le signe avant-coureur que la bulle FAANG pourrait exploser plus rapidement que prévu. Mais il reste encore à parier quel sera l’élément déclencheur.’
Évitez les biotech
Wim Antoons préfère aussi esquiver les actions Biotech qui ont la cote en ce moment, parce qu’il estime que la plupart de entreprises de ce secteur ont recours au Cash Burn au lieu de générer un vrai flux de trésorerie. ‘Les études menées par les entreprises biotechnologiques se déroulent en plusieurs phases. Souvent, ces entreprises se montrent à la hauteur de leur réputation lors de la première phase, mais rien ne garantit clairement que l’étude aboutira avec fruit lors des phases suivantes.’
D’après Wim Antoons, d’autres secteurs méritent aussi l’attention dans les mois à venir. Le secteur financier boude les taux faibles, mais s’en sort généralement mieux lorsque les taux d’intérêt sont plus hauts. Les secteurs de l’énergie, des matériaux et des matières premières recèlent encore de la valeur, selon lui. Les actions du secteur de la consommation comme Nestlé sont à nouveau surévaluées, comme le secteur technologie au sens large, estime-t-il encore.
Wim Antoons : Les placements axés sur la valeur ont fait leur preuve depuis près de cent ans ; les primes de valeur sont un fait universel et sont loin de se limiter seulement aux États-Unis. Nous sommes persuadés que l’ère des actions de valeur va s’ouvrir. Mais quand précisément, personne ne peut le prédire, pas même moi. Identifier la valeur est tout l’art de l’investissement à mes yeux.’