Gertjan Verdickt
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Une étude révolutionnaire montre que les villes superstars sont systématiquement à la traîne en termes de rendement total, ce qui constitue un élément crucial pour l’évaluation des fonds d’investissement immobilier (REIT). L’explication réside dans des rendements locatifs plus faibles et un risque étonnamment bas, ce qui modifie fondamentalement l’estimation des flux de trésorerie futurs.

Pour les investisseurs institutionnels, la stratégie d’allocation des biens immobiliers au cours des dernières décennies semblait acquise : se concentrer sur les « villes superstar ». Qu’il s’agisse d’investissements directs ou de REIT et de sociétés immobilières détenant des portefeuilles à Londres, New York ou Tokyo, ces villes mondiales étaient considérées comme les moteurs incontestés de la croissance du capital. L’adage était simple : investissez là où les talents et les capitaux circulent, et l’augmentation de la valeur suivra naturellement.

Une récente étude approfondie publiée dans The Journal of Finance, intitulée « Superstar Returns ? », nous oblige à repenser fondamentalement ce paradigme. Les chercheurs, F. Amaral, M. Dohmen, S. Kohl et M. Schularick, ont analysé un ensemble de données immobilières portant sur 150 ans. Leur conclusion est aussi solide que contre-intuitive : quiconque s’intéresse uniquement au rendement total aurait mieux fait d’investir en dehors des plus grandes métropoles au cours du dernier siècle et demi.

L’essentiel de leur constatation est qu’une focalisation unilatérale sur les gains en capital – et donc sur les augmentations de la valeur liquidative – donne une image déformée de la situation. En effet, les prix des logements dans les grandes villes augmentent plus rapidement à long terme. Toutefois, cet avantage est totalement anéanti par des rendements locatifs nettement inférieurs. Les rendements globaux sont structurellement inférieurs de près de 1 % par an à ceux du reste du pays.

Le graphique ci-dessous l’illustre parfaitement. Pour la quasi-totalité des villes étudiées, la contribution positive des plus-values (panneau A) ne compense pas l’impact négatif des rendements locatifs plus faibles (panneau B), ce qui se traduit par des rendements totaux (panneau C) inférieurs à la moyenne nationale.

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Graphique : Différence entre les rendements annuels du capital, des loyers et du total entre les régions métropolitaines et le reste du pays (1950-2018).

Pourquoi les investisseurs sont-ils prêts à accepter des rendements plus faibles ? La réponse réside dans un compromis classique entre le risque et le rendement. L’étude montre que l’immobilier dans les grandes agglomérations diversifiées est plus sûr. Les économies y sont plus diversifiées, les marchés plus liquides et la volatilité par propriété plus faible. Les investisseurs « paient » donc pour cette sécurité sous la forme de rendements attendus plus faibles.

Les implications pour l’analyse des REIT et des sociétés immobilières sont profondes. Ces résultats fournissent un cadre puissant pour mieux évaluer les flux de trésorerie futurs et le profil de risque des biens immobiliers cotés.

  • Analyse des flux de trésorerie par segment : lors de l’évaluation d’un REIT, il ne suffit plus de considérer l’ensemble du portefeuille. Une analyse approfondie de la répartition géographique est essentielle. Un REIT qui se concentre sur les immeubles résidentiels situés dans les villes superstars est susceptible de générer un rendement locatif plus faible, mais plus stable et prévisible. La valorisation d’un tel fonds dépendra de manière disproportionnée des attentes en matière de croissance du capital (croissance de la valeur liquidative).
  • Identifier les « Cash Flow Kings » :  à l’inverse, une société immobilière ou un REIT possédant un portefeuille dans des villes secondaires et dans une région plus vaste présente un profil différent. Dans ce cas, les flux de trésorerie plus élevés provenant directement des loyers représenteront une proportion plus importante et plus constante du rendement total. Ces portefeuilles sont potentiellement plus attrayants pour les stratégies axées sur le revenu et offrent une meilleure protection en cas de stagnation de la croissance du capital.

Le message pour les investisseurs institutionnels est clair. La répartition géographique d’un REIT n’est pas un détail, mais un facteur fondamental du rapport risque-rendement et de la composition des flux de trésorerie futurs. Les fonds axés sur les villes superstars servent de point d’ancrage stable et peu risqué. Mais pour ceux qui recherchent des rendements solides basés sur les revenus locatifs, il est intéressant d’analyser de près les portefeuilles des fonds qui sortent des sentiers battus. Les véritables superstars, qu’il s’agisse de l’immobilier physique ou des véhicules cotés qui investissent dans ce secteur, brillent souvent loin des projecteurs.

Gertjan Verdickt  est professeur assistant de finance à l’université d’Auckland et chroniqueur pour Investment Officer.

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