Il fut un temps où l’Argentine était l’un des pays les plus riches du monde, plus riche que la France ou l’Allemagne. Une grande partie de cette richesse reposait sur les exportations de viande bovine. Aujourd’hui, une majorité d’Argentins n’ont plus les moyens d’acheter du bœuf et préfèrent consommer du poulet, parce que c’est moins cher.
En novembre 2023, Javier Milei a été élu président de l’Argentine avec 56 % des voix. En décembre de la même année, il a succédé au péroniste Alberto Fernández, qui lui a laissé en héritage un taux d’inflation de 211 %, dans une économie en déclin où au moins 45 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
Javier Milei a reçu un accueil critique de la part des médias étrangers. On disait que sa politique allait avoir des conséquences catastrophiques et il était difficile de trouver des avis favorables à son égard. Petit à petit, la tendance a commencé à s’inverser, ne serait-ce que parce que le marché argentin est devenu la Bourse la plus performante de 2024.
Libertaire de la droite radicale à la chevelure extravagante, Javier Milei a axé toute sa campagne électorale sur la réduction des coûts, en brandissant une tronçonneuse comme symbole. Il a proposé des solutions non conventionnelles pour un pays en faillite qui doit encore 44 milliards de dollars au FMI.
Le nombre de ministères réduit de moitié
Javier Milei croit fermement à l’économie de marché et pense que le gouvernement devrait se limiter à un rôle de gardien, en interférant le moins possible avec ses citoyens. Il a donc rapidement réduit de moitié le nombre de ministères et dévalué le peso argentin. La lutte contre l’hyperinflation est sa priorité absolue. On pensait d’abord qu’il allait gouverner par décrets, car son parti, La Libertad Avanza, ne dispose que de quelques sièges au Parlement. Pourtant, en juillet 2024, il a réussi à faire adopter un ensemble de mesures par le Congrès argentin. Entre-temps, l’inflation mensuelle est passée de 25 % à 2,7 %.
En plus de lutter contre l’inflation, Javier Milei a pris des mesures draconiennes en martelant le slogan « no hay plata » (il n’y a pas d’argent) pour remettre de l’ordre dans les finances publiques. Pour la première fois depuis 2008, l’Argentine a enregistré un excédent budgétaire pendant plusieurs mois. Cette discipline budgétaire est essentielle pour engager des discussions avec le FMI sur la restructuration de la dette.
En théorie, l’Argentine est riche, grâce à sa production agricole qui tire profit de la fertile Pampa. Le pays regorge également de matières premières, notamment du gaz naturel, du lithium et du cuivre. Toutefois, en raison de l’instabilité économique, il n’a jamais été facile d’investir dans le pays. L’une des lois que Javier Milei a fait adopter par le Congrès porte sur des accords contraignants (d’une durée de 30 ans) concernant l’imposition relative aux investissements dans des secteurs spécifiques. Depuis, les investisseurs étrangers montrent un intérêt croissant pour le pays . En outre, Javier Milei a libéralisé le marché de la location. Alors qu’il y avait une pénurie de logements, l’offre a soudainement doublé. Les subventions publiques à l’énergie ont également été réduites.
Hausse du chômage
Ces mesures ne signifient pas nécessairement que l’économie argentine va croître, mais plutôt que les conditions préalables à la croissance sont désormais réunies. L’économie s’est vraisemblablement contractée d’environ 4 % l’année dernière, mais cela était nécessaire pour maîtriser l’inflation. L’hyperinflation n’est désormais plus le problème principal : elle a été occultée par la hausse du chômage. Le taux officiel de chômage est de 8 %, mais avec un secteur informel occupant 45 % des actifs, ce chiffre ne reflète pas la réalité. La sécurité sociale n’existe pas non plus en Argentine. Le pays comptait 3,5 millions de fonctionnaires (sur 47 millions d’Argentins), mais ce nombre diminue rapidement. Malgré ces problèmes, de nombreux Argentins continuent à soutenir leur président. C’est dire à quel point les prédécesseurs de Javier Milei avaient laissé le pays dans un état catastrophique.
Il y a un an, peu de gens s’attendaient à ce que Javier Milei parvienne à maîtriser l’inflation et à équilibrer le budget de l’État. Pourtant, l’homme malade de l’Amérique latine a réussi à renverser la machine et à devenir un exemple pour toute la région.
Maintenant que les bases sont jetées, le pays peut s’atteler à la croissance de son économie. Des pays comme le Brésil, le Chili, la Colombie et le Mexique, qui étaient critiques il y a un an, sont aujourd’hui sous pression pour mettre de l’ordre dans leurs affaires. Bientôt, Javier Milei bénéficiera également du soutien inconditionnel de Donald Trump, un autre promoteur de l’économie de l’offre, qui se caractérise par des taux d’imposition faibles, la déréglementation et la liberté d’entreprendre.
Le succès de Javier Milei pourrait inciter d’autres pays en difficulté à suivre son exemple. Avec la nomination de Scott Bessent, Donald Trump semble également opter pour la discipline monétaire, qui va de pair avec l’économie de l’offre. Javier Milei serait même un candidat parfait pour mettre de l’ordre en Europe ; il pourrait commencer dès demain en France. Avec le succès de Javier Milei, l’éternelle plaisanterie sur la solution de la dette souveraine du Japon (prolonger la durée des obligations d’État japonaises, puis embaucher un banquier central argentin pour stimuler l’inflation) n’est plus d’actualité.
Donner encore plus d’argent
L’arrivée de Javier Milei découle de la montée en puissance de l’économie de compensation, résultat direct de la pandémie et de l’obstination des politiciens à vouloir résoudre tous les problèmes de manière keynésienne, en soutenant la demande. Le gouvernement est de plus en plus considéré comme un distributeur automatique, et la solution à tous les problèmes. Qu’il s’agisse d’individus ou d’entreprises, la solution consiste toujours à donner encore plus d’argent. En conséquence, le gouvernement joue un rôle de plus en plus important dans l’économie. Or, cela est néfaste pour la croissance à long terme et peut sérieusement perturber la société. Davantage de pays gagneraient à dire à leurs citoyens « No hay plata ».
Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.