Les investisseurs peuvent se féliciter d’un excellent premier semestre. Bien qu’il s’agisse d’un gain théorique, nombre d’entre eux ont l’impression de s’être enrichis. Ce sentiment de plus grande richesse les incite à consommer davantage.
Ce phénomène joue surtout pour les dépenses importantes. Entrent en ligne de compte non seulement les revenus, mais aussi des éléments tels que la sécurité de l’emploi et la valeur des possessions.
Une augmentation de la richesse engendre une plus grande sécurité financière. La hausse des marchés immobiliers et l’augmentation de la valeur des portefeuilles d’investissement ont un effet de richesse positif, ce qui incite les gens à consommer davantage, même si les revenus et les coûts réels restent les mêmes. Aux Pays-Bas, ce phénomène est cependant freiné pour au moins trois secteurs clés de l’économie.
Les Néerlandais épargnent trop
À la fin du siècle dernier, les Néerlandais qui investissaient étaient au moins un million de plus qu’aujourd’hui. Le pic a probablement été atteint au moment de la campinghausse (NdlR : période de hausse des cours à l’été 1997). L’éclatement de la bulle Internet a mis un terme aux réjouissances. Alors que dans d’autres pays, l’investissement reste encouragé, les Néerlandais sont plutôt découragés d’investir.
Surtout, ils épargnent trop. Les Néerlandais ont toujours été un peuple économe, mais de manière absurde, ils préfèrent aujourd’hui une perte certaine liée à l’épargne à un gain incertain obtenu par l’investissement. En effet, épargner signifie perdre du pouvoir d’achat à long terme, simplement parce que la combinaison de l’inflation et des prélèvements fiscaux est structurellement supérieure au taux d’intérêt de l’épargne.
Les banques néerlandaises tentent d’encourager l’investissement en maintenant les taux d’épargne à un niveau extrêmement bas, mais chacun continue de conserver son argent. Il faudrait peut-être rédiger un avertissement sur l’épargne, du genre : « Attention, épargner coûte de l’argent. »
Cet amour des Néerlandais pour la sécurité se reflète également par la forte demande en assurances. Les Néerlandais sont les plus assurés d’Europe et s’assurent massivement, même pour la coque de leur iPhone.
D’aucuns affirment que cette étrange préférence pour la sécurité remonte à l’époque de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. En effet, le commerce maritime risqué ne pouvait exister sans une forme d’assurance. Pour le marchand individuel, la perte d’un navire aurait été une catastrophe ; seul le collectif pouvait supporter ce risque. Les Néerlandais ne veulent toujours pas de coûts imprévus.
L’effet inhibiteur du marché immobilier
Les effets de richesse sont souvent positifs, mais ils peuvent aussi être négatifs. Les prix des logements néerlandais ont fortement augmenté, créant ainsi un effet de richesse positif. Cependant, la hausse des prix de l’immobilier s’accompagne également d’un endettement accru. Lorsque les prix de l’immobilier baissent, de plus en plus de biens se retrouvent en situation de valeur nette négative, car la dette reste nominalement inchangée. Une telle évolution freine les dépenses de consommation, un phénomène clairement visible aux Pays-Bas après la crise financière.
Actuellement, les prix de l’immobilier aux Pays-Bas continuent d’augmenter en raison d’effets de richesse positifs. Pour un nombre croissant d’acheteurs potentiels, une maison est inabordable, mais de plus en plus de parents sont heureusement prêts à utiliser une partie de leur propre valeur nette pour aider à financer l’achat d’une maison pour leurs enfants.
En Asie, cette pratique est très courante, avec pour effet final que de plus en plus d’argent est immobilisé sur le marché immobilier. Cet argent pourrait être mieux utilisé pour un bon système éducatif ou de meilleurs soins de santé, des domaines qui augmentent la productivité. Actuellement, le marché immobilier néerlandais (dans la mesure où il existe encore) est de plus en plus verrouillé, ce qui affecte également la compétitivité et la flexibilité de l’économie néerlandaise.
L’effet inhibiteur des pensions
Les Pays-Bas possèdent l’un des meilleurs systèmes de pension au monde, mais très peu de Néerlandais sont en mesure d’estimer correctement la valeur de leur propre pension. Il semble que tout soit mis en œuvre pour éviter les effets de richesse positifs. Pour le secteur des pensions, cela représente paradoxalement un avantage.
Dans le nouveau système de pension, le pot commun des pensions sera individualisé. Après des années de non-indexation et de communication intensive sur la baisse des taux de couverture, les attentes des participants sont faibles, ce qui pourrait rendre la transition plus facile que prévu.
Actuellement, l’important pot commun des pensions contribue peu à l’effet de richesse, simplement parce que la taille de ce pot par individu est inconnue et ne peut donc pas être prise en compte dans la décision d’effectuer ou non tel achat important.
Sur le papier, grâce aux fonds de pension et à la hausse des prix de l’immobilier, les Néerlandais sont beaucoup plus riches qu’ils ne le pensent. Cette situation, combinée au fort besoin de sécurité, freine leurs dépenses. Beaucoup considèrent cela comme une vertu, mais la question est de savoir si cela restera le cas lorsque les Pays-Bas se fondront davantage dans une Europe plus large.
Conclusion
D’une part, les Néerlandais possèdent de nombreux biens, mais cela est également contrebalancé par des dettes hypothécaires relativement élevées. Ainsi, à l’échelle nationale, ils fonctionnent un peu comme un fonds spéculatif utilisant de l’argent emprunté pour acheter davantage d’actifs.
Travailler avec de l’argent emprunté peut augmenter l’effet de richesse, mais l’effet de levier amplifie également les effets de richesse négatifs potentiels. Les Néerlandais essaient de couvrir ce risque plus élevé en s’assurant massivement et en épargnant excessivement. Et cela coûte de l’argent.
Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.