Han Dieperink
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Depuis que la banque centrale américaine a abaissé son taux directeur en septembre, les taux d’intérêt à long terme ont augmenté de plus de 60 points de base aux États-Unis, et de moitié en Europe.

Cette différence entre les États-Unis et l’Europe peut encore s’expliquer par le niveau absolu des taux d’intérêt à 10 ans (4,2 % aux États-Unis et 2,3 % dans la zone euro), combiné aux écarts de croissance économique. Mais au-delà de ces deux éléments, au moins 10 facteurs expliquent la hausse actuelle des taux d’intérêt à long terme. 

1. Abaissement du taux directeur

En septembre, la Réserve fédérale a abaissé son taux directeur pour la première fois depuis l’an 2000. Au lieu du traditionnel quart de point, elle a opté pour une baisse d’un demi-point de pourcentage. De manière notable, la BCE avait, cette fois-ci, devancé la Fed dans l’ajustement de sa politique monétaire.

La baisse des taux d’intérêt a un effet positif sur l’économie. Cependant, une croissance économique plus vigoureuse accroît les risques d’inflation, qui fait grimper les taux sur les marchés des capitaux. Car les obligations se portent mieux lorsque la banque centrale freine l’économie, au lieu de la soutenir activement.

2. Normalisation de la courbe des taux
En temps normal, la courbe des taux est ascendante, ce qui signifie que les taux d’intérêt à long terme sont plus élevés que les taux à court terme. Il arrive cependant que cette courbe s’inverse, comme nous l’avons observé ces dernières années. Une courbe inversée indique que la banque centrale a pris des mesures suffisantes pour maîtriser l’inflation.

Ces dernières années, d’autres facteurs ont également contribué à cette courbe inversée. Depuis la crise financière mondiale, les banques centrales ont acheté des obligations à long terme. Les fonds de pension se sont eux aussi tournés vers ces titres en raison de leur stratégie de gestion actif-passif (ALM). Ces deux facteurs ont favorisé l’inversion de la courbe, bien qu’elle ne soit inversée qu’environ 13 % du temps. En règle générale, la courbe est orientée à la hausse.

3. Révision des anticipations de récession
Une courbe des taux inversée est souvent considérée comme un indicateur avancé de récession. Pour autant, cela ne signifie pas que toutes les courbes inversées sont obligatoirement suivies d’une récession. Il y a deux ans, près de 85 % des acteurs du marché anticipaient une récession à court terme ; le chiffre a depuis lors diminué. Cet été, les anticipations de récession avaient brièvement augmenté, mais les indicateurs macroéconomiques décevants étaient davantage attribuables à une saison des ouragans exceptionnellement importante qu’à des signaux économiques inquiétants. Avec la baisse des taux d’intérêt à court terme, la probabilité d’une récession diminue encore.

4. Fin des opérations de portage

Pendant des années, les investisseurs ont emprunté des capitaux en yens au Japon pour les investir dans des devises offrant un rendement plus élevé. En plus de profiter du différentiel positif de taux d’intérêt, les investisseurs se sentaient rassurés par la perspective d’un affaiblissement progressif du yen. Or, la hausse de l’inflation et le relèvement des taux d’intérêt opéré par la Banque du Japon ont ébranlé cette certitude.

Face aux risques accrus associés aux emprunts en devises, les investisseurs ont commencé à abandonner ces opérations de portage, créant des pressions vendeuses sur les obligations à rendement plus élevé hors du Japon.

5. R* plus élevé

Après la crise financière de 2007/8, l’économie mondiale est entrée dans une nouvelle normalité, marquée par une croissance réelle apparemment stabilisée à un niveau durablement plus bas. Cependant, depuis la pandémie de Covid-19, les perspectives de croissance à long terme se sont améliorées, soutenues par de vastes programmes d’investissement et les gains de productivité liés à l’intelligence artificielle. Ce taux d’intérêt réel plus élevé est désigné dans les formules économiques par R*.

6. Anticipations d’inflation structurellement plus élevées

L’inflation est désormais revenue à l’objectif à long terme fixé par les banques centrales. Ces dernières années, elle avait été alimentée par des facteurs exceptionnels, tels que la folie monétaire liée à la pandémie, la guerre en Ukraine et ce que l’on appelle désormais la greedflation, qui consiste à accroître les prix de vente pour tirer profit de l’inflation en augmentant la marge bénéficiaire, même si l’entreprise n’en a pas besoin.

À plus long terme, des facteurs tels que le vieillissement démographique, la démondialisation, les guerres, ou du moins l’augmentation des dépenses de défense, la transition énergétique et même les investissements massifs dans l’intelligence artificielle pourraient entraîner une hausse de l’inflation. De plus, une inflation plus élevée permet de maintenir le poids de la dette en pourcentage du PIB sous contrôle.

7. Balayage républicain

Avec la hausse des taux d’intérêt, les chances de Donald Trump d’obtenir un second mandat se sont également accrues. Ces dernières semaines, l’hypothèse d’un Republican sweep, ou balayage républicain, est de plus en plus évoquée : le terme désigne une victoire républicaine qui donnerait au président et au Congrès la même couleur politique. Un tel scénario pourrait entraîner une hausse de la dette publique, incitant les marchés à exiger en contrepartie des taux d’intérêt plus élevés.

8. Augmentation de l’offre d’obligations

Le montant de la dette nationale américaine est aujourd’hui bien plus élevé qu’au début du premier mandat de Donald Trump. Une part importante de cette dette est détenue par les banques centrales dans le cadre de leurs programmes d’assouplissement quantitatif. À présent qu’elles revendent ces obligations, l’offre sur le marché augmente. Par ailleurs, le débat autour du niveau absolu de la dette publique est désormais bien différent de ce qu’il était il y a huit ans.

9. Risque accru des obligations d’État

Depuis le début du grand marché haussier des obligations au début des années 1980, les obligations étaient considérées comme la classe d’actifs la plus sûre. Cette perception a cependant été mise à mal ces dernières années par la forte correction sur le marché obligataire, qui a terni la réputation des obligations à long terme en tant que valeur refuge. Par ailleurs, si la corrélation entre les actions et les obligations se renverse, d’une relation négative à une relation positive, la valeur ajoutée des obligations augmente.

10. Nouvelle réalité géopolitique

La semaine dernière, le FMI s’est réuni à Washington tandis que la Russie accueillait une réunion des BRICS+. Il semble de plus en plus évident que les BRICS cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis du dollar, notamment parce que les Américains ont utilisé cette monnaie comme arme économique contre la Russie, en gelant les avoirs russes en dollars. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les pays des BRICS manifestent un intérêt accru pour l’or, au détriment des obligations à long terme.

Il existe une relation entre le niveau des taux d’intérêt et la valorisation du marché des actions. En principe, des taux d’intérêt plus élevés exercent une pression sur la valorisation des actions, car les flux de trésorerie futurs sont actualisés à une valeur plus faible. Cependant, une croissance économique plus forte entraîne une augmentation des flux de trésorerie.

Par conséquent, une hausse des taux d’intérêt n’est pas toujours négative pour le marché des actions. Nous pouvons donc saluer cette normalisation des taux, après une longue période de niveaux anormalement bas.

Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.

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