Han Dieperink
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Donald Trump a annoncé le nom de son colistier lors de la convention républicaine qui s’est tenue à Milwaukee la semaine dernière. Le candidat à la vice-présidence pour les Républicains est James David Vance, mieux connu sous le nom de J.D. Vance.

Par coïncidence, avant l’élection présidentielle américaine de 2016, j’avais justement lu le livre de J.D. Vance intitulé Hillbilly Élégie. Dans cet ouvrage, mentionné dans une chronique du Financial Times, l’auteur raconte comment il a échappé à une enfance défavorisée, dans une famille pauvre de Middletown (Ohio), est parti étudier à Yale et a atterri, par le biais de son poste d’avocat à San Francisco, chez Peter Thiel, fondateur de PayPal qui a ensuite fusionné avec x.com, le réseau social d’Elon Musk. Il a ensuite été aidé par Peter Thiel et Donald Trump dans ses fonctions de sénateur de l’Ohio. Le livre donne surtout une bonne idée des personnes qui ont voté pour Donald Trump en 2016 et des raisons pour lesquelles ces personnes le soutiennent encore.

Son parcours ferait de J.D. Vance le candidat idéal pour les démocrates…. Il aura 40 ans le mois prochain, et était donc trop jeune pour devenir vice-président il y a cinq ans. J.D. Vance sera également le successeur évident de Donald Trump, pour qui ce mandat sera le dernier. Avec J.D. Vance, les Trumpistes ont pris le pouvoir total au sein du parti républicain. 

L’ouvrage a entretemps été adapté en film, faisant de J.D. Vance un Américain célèbre susceptible d’attirer des votes supplémentaires. Il peut jouer un rôle décisif, notamment dans les États clés ouvriers, comme le Michigan et la Pennsylvanie. J.D. Vance peut également faire en sorte que le Congrès américain soit de la même couleur que le président.

Nouvelle réalité

En peu de temps, le marché boursier s’est retrouvé contraint de s’adapter à cette nouvelle réalité. Et il a encore d’autres bonnes nouvelles à assimiler, à commencer par l’annonce de la Réserve fédérale selon laquelle, dès septembre, elle profitera vraisemblablement de chaque réunion du FOMC jusqu’à la mi-2025 pour abaisser le taux d’intérêt. Cela laisse une marge de manœuvre aux autres banques centrales, dont la BCE, pour abaisser davantage le taux d’intérêt, réduisant encore la probabilité d’une récession. 

Il faut également composer avec la probabilité fortement accrue d’un second mandat de Donald Trump. À cela s’ajoute la volonté de J.D. Vance de relancer les entreprises manufacturières aux États-Unis. Les Républicains brandissent des droits à l’importation élevés, mais ceux-ci agissent, en fin de compte, comme une augmentation des taxes pour les consommateurs américains. Il se pourrait qu’une action concertée ait lieu pour affaiblir le dollar.

Donald Trump a entretemps annoncé qu’il laisserait Jerome Powell en place, bien que l’ingérence politique dans la politique monétaire se soit fortement accrue sous Donald Trump. Le risque est que la politique économique expansionniste de Donald Trump, associée à la politique monétaire restrictive de Jerome Powell, crée un dollar fort. Une intervention provisoire de Donald Trump n’est donc pas à exclure. Le monde aurait bien besoin d’un dollar plus faible, car des devises comme le renminbi et le yen sont aujourd’hui clairement sous‑évaluées, alors que le dollar américain est, lui, manifestement surévalué, ce qui crée des déséquilibres que seule l’aide des Américains peut résoudre.

Une nouvelle un peu trop bonne

Cette certitude quant aux prochaines baisses du taux d’intérêt, associée à celle concernant le prochain président des États-Unis, a constitué une nouvelle un peu trop bonne pour le marché boursier. Avec la diminution du risque de récession et l’augmentation des bénéfices des entreprises, le besoin d’une valeur refuge se fait en effet moins sentir. 

Par le passé, les bons du Trésor américain à long terme en ont fait office, mais après la fonte de moitié des cours ces dernières années et la possibilité que les taux continuent à augmenter, le marché a commencé à en chercher d’autres. Accumuler des liquidités sur un compte dans une banque régionale ne s’est finalement pas révélé être la solution idoine, d’où, aujourd’hui, le montant record des fonds monétaires américains. 

De nombreux investisseurs étrangers ont cependant cherché une autre valeur refuge, qu’ils ont trouvée dans les Sept Magnifiques. Alors que l’avenir des bons du Trésor est incertain, le marché part du principe que les actions de Microsoft, Apple et Google finiront, à terme, par être rentables.

Pertes structurelles

À présent qu’une telle valeur refuge semble moins nécessaire, les investisseurs vendent leurs positions dans les Sept Magnifiques et osent prendre plus de risques en investissant dans des actions d’entreprises fondamentalement moins performantes. Ce n’est, en soi, pas une mauvaise chose, un élargissement du marché offrant davantage de stabilité. Le marché est toutefois en train de s’emballer, car les plus fortes hausses de la semaine dernière concernaient des actions d’entreprises structurellement déficitaires, voire susceptibles de faire faillite à court terme. Cette situation n’a rien d’exceptionnel. 

Même après la crise financière, l’intervention de la Fed a permis aux actions d’entreprises en très mauvaise posture de tripler en peu de temps. Ce phénomène est connu sous le nom de junk rally ou crap rally. Cette fois, la baisse du taux d’intérêt permettra à ces entreprises zombies, entre autres, de rester en vie, et leur cours pourra ainsi subitement augmenter.

Si, d’ordinaire, de nombreux investisseurs actifs ne choisiraient pas d’emblée des entreprises déficitaires et lourdement endettées, ils y sont désormais contraints par la dynamique. La grande question est de savoir combien de temps ces investisseurs resteront, car il leur faudra un estomac bien accroché pour supporter la situation difficile et problématique. Mieux vaut donc pour eux choisir des secteurs qui profiteront d’une majorité républicaine au Congrès, avec Donald Trump comme président et J.D. Vance comme successeur ; c’est notamment le cas de l’énergie (fossile), l’industrie, les services et la finance.

Cryptodevises

Même le bitcoin bénéficiera de l’arrivée de Donald Trump, qui déclare qu’une réglementation stricte autour des cryptomonnaies est anti-américaine, au même titre, toujours selon lui, que les voitures électriques. Le soutien massif d’Elon Musk peut sembler quelque peu étrange à cet égard, mais Tesla est probablement mieux à même de faire face à la fin des subventions vertes que beaucoup d’autres constructeurs automobiles.

Bien sûr, il reste encore 15 semaines avant les élections américaines. Dans la course électorale, c’est une longue période. En outre, après le retrait de Joe Biden, un nouveau candidat devra être désigné lors de la convention démocrate qui débutera le 19 août. Si la candidate de Joe Biden, Kamala Harris, n’est pas non plus très bien placée dans les sondages, elle devrait tout de même être en mesure de faire mieux que lui. Si les démocrates sont unis, il peut encore leur rester une chance, mais le marché boursier mise pour l’heure sur Donald Trump, et naturellement sur J.D. Vance..

Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.

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