Han Dieperink
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Aux États-Unis, les démocrates et les républicains sont rarement d’accord sur quoi que ce soit, sauf en ce qui concerne la fermeté à adopter face à la Chine. Si Donald Trump est réélu, cela entraînera des changements majeurs en matière de politique étrangère. Non seulement à l’égard de la Chine, mais aussi des conflits au Moyen-Orient et en Ukraine.

Le président américain dispose d’une certaine autonomie en matière de politique étrangère. Il a besoin de l’accord du Congrès pour déclencher une guerre, mais il peut y mettre fin sans ce dernier. De plus, il peut également imposer des sanctions commerciales de manière relativement unilatérale. Un second mandat de Donald Trump (si ce dernier remporte les élections) pourrait ainsi se traduire par une réduction marquée des risques géopolitiques.

Chine

Avant le premier mandat de Donald Trump, il n’y avait pas de guerre commerciale avec la Chine. C’est en effet ce dernier qui a instauré la politique de fermeté envers Pékin. Jusqu’alors, les démocrates estimaient encore que l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce favoriserait, à terme, la démocratie en Chine. La politique traditionnelle de containment envers l’empire du Milieu était certes toujours en place, mais aucune confrontation sévère avec ce pays n’avait eu lieu.

Sous Donald Trump, la Chine s’est vu imposer des droits de douane élevés, l’objectif ultime du président étant de négocier un deal favorable aux États-Unis. America first. À l’arrivée de Joe Biden au pouvoir, les démocrates n’ont pas annulé les mesures prises par l’ancien président. Au contraire, ils les ont durcies.

Les Chinois préfèrent néanmoins traiter avec les républicains plutôt qu’avec les démocrates. En effet, ces derniers mettent davantage l’accent sur des questions éthiques sensibles pour la Chine, telles que le Tibet, les Ouïghours, Hong Kong et Taïwan, des sujets auxquels Donald Trump accorde beaucoup moins d’importance… tant qu’il est question d’accord favorable aux États-Unis. En plus d’avoir annoncé de nouveaux droits de douane pouvant atteindre pas moins de 60 % sur les importations chinoises, Donald Trump a également déclaré que les voitures chinoises pouvaient être vendues aux États-Unis, à condition qu’elles y soient fabriquées.

Moyen-Orient

Sous Donald Trump, la probabilité d’une intervention américaine au Moyen-Orient diminuera. Depuis que les Américains ont retrouvé leur autosuffisance énergétique, l’importance stratégique de cette région pour eux a considérablement diminué.

Sous Donald Trump, les États-Unis se sont largement désengagés des conflits militaires au Moyen-Orient. En même temps, l’ancien président est le négociateur idéal, alliant fermeté et imprévisibilité. Ce profil, bien qu’il puisse engendrer du chaos dans la complexité des enjeux du Moyen-Orient, est aussi capable de provoquer des percées diplomatiques, comme ce fut le cas avec Ronald Reagan.

Donald Trump a été l’instigateur des accords d’Abraham, qui ont notamment conduit à la normalisation des relations entre plusieurs pays arabes, dont l’Arabie saoudite et Israël. Cette dynamique a isolé progressivement les chiites (Iran), contribuant à leur mise à l’écart, ce qui a finalement abouti aux attaques terroristes du 7 octobre. Cependant, pour parvenir à la paix au Moyen-Orient, un changement de régime en Iran est nécessaire, car Téhéran, via des groupes terroristes comme le Hezbollah, le Hamas et les Houthis, entretient l’instabilité dans la région pour servir ses intérêts.

Ukraine

Donald Trump affirme qu’il mettra fin à la guerre en Ukraine en 24 heures. Étant donné que ce conflit est en grande partie financé par les États-Unis, il pourrait ainsi contraindre Volodymyr Zelensky à entamer des négociations avec la Russie pour un cessez-le-feu, ce qui entraînerait une désescalade immédiate des hostilités, ouvrant potentiellement la voie à une paix durable.

Un accord de paix en Ukraine aurait également des répercussions au Moyen-Orient et en Asie, compte tenu de l’implication de l’Iran et de la Chine. Cela réduirait le risque d’attentats terroristes soutenus par l’Iran. La Chine, de son côté, adopterait une attitude plus prudente, privilégiant les négociations à la confrontation, ce qui stabiliserait également les relations sino-américaines.

Sous Donald Trump, tant la Chine que les États-Unis adopteraient une approche beaucoup plus pragmatique. En revanche, sous la présidence de Kamala Harris, les conflits politiques risqueraient de s’intensifier, d’autant que la Corée du Nord pourrait chercher à tester la nouvelle présidente dès le début de son mandat.

Prime de risque géopolitique

La neutralisation des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, associée à une approche plus pragmatique vis-à-vis de la Chine, entraînera une détente dans les tensions géopolitiques. Cela permettra aux marchés financiers de récolter à nouveau un « dividende de la paix », similaire à celui observé entre la chute du mur de Berlin et les attentats du 11 septembre 2001.

Ce dividende de la paix se traduira par une baisse des primes de risque et une hausse des valorisations. Il contribuera également à réduire la volatilité sur le marché pétrolier, apportant ainsi davantage de stabilité. Les entreprises ayant d’importants échanges commerciaux avec la Chine bénéficieront largement de cette évolution.

En 2009, Barack Obama a reçu le prix Nobel de la paix pour ses efforts exceptionnels en faveur du renforcement de la diplomatie internationale et de la coopération entre les nations. À l’époque, le choix du comité Nobel avait suscité la surprise ainsi que de nombreuses critiques, beaucoup estimant que Barack Obama n’avait pas encore accompli suffisamment en tant que président. En 2015, l’ancien directeur de l’Institut Nobel norvégien avait même exprimé ses regrets quant à l’attribution de ce prix au président.

Si Donald Trump parvient à instaurer la paix en Ukraine, au Moyen-Orient et en Asie, il est envisageable qu’un prix Nobel de la paix lui soit également décerné, ne serait-ce que pour éviter que l’actuel directeur du comité Nobel ne se retrouve un jour à devoir exprimer des regrets similaires.

Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.

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