Han Dieperink
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Le mois d’octobre a mauvaise réputation sur les marchés boursiers. Les plus grands krachs de l’histoire – 1929, 1987 et 2008 – ont tous eu lieu au cours en octobre. Cette tendance n’est sans doute pas une coïncidence, mais le résultat de facteurs structurels qui rendent le 10e mois de l’année particulièrement volatil.

Pourquoi le mois d’octobre est-il si dangereux ?

Les mois d’août et de septembre sont des mois calmes sur les marchés boursiers. Les volumes d’échanges sont faibles. Mais le mois d’octobre marque le retour des traders professionnels qui commencent à porter un regard critique sur leurs portefeuilles. En octobre, les volumes de transactions sont en moyenne 40 % plus élevés qu’en août, pour une volatilité supérieure de 60 % en moyenne.

Le mois d’octobre est aussi celui où les entreprises publient leurs résultats du troisième trimestre. Ces chiffres donnent aux investisseurs un premier aperçu des performances des entreprises après l’été. Historiquement, le mois d’octobre présente un risque plus élevé de problèmes de liquidité. Les fonds spéculatifs peuvent être soumis à la pression des appels de marge, tandis que les fonds d’investissement sont confrontés à des sorties de capitaux de la part des investisseurs particuliers. Lors du krach de 1929, les banques ont voulu récupérer l’argent qu’elles avaient emprunté et un cercle vicieux de ventes forcées s’en est ensuivi.

Les conditions d’un krach

Plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’un tel krach se produise. Historiquement, les krachs se produisent lorsque le ratio cours/bénéfice (C/B) des marchés est nettement supérieur à la moyenne. Pour 1929, il était de 32,6 (moyenne : 16), pour 1987 de 23. La hausse des taux d’intérêt renchérit le coût du capital et affecte particulièrement les marchés qui dépendent de l’argent bon marché. Avant chaque grand krach, les banques centrales ont augmenté les taux d’intérêt : de 3,5 % à 6 % en 1929, de 5,5 % à 10 % en 1987, de 1 % à 5,25 % en 2008.

Lorsque les entreprises et les investisseurs ont emprunté beaucoup d’argent, ils sont contraints de vendre en cas de baisse des marchés. Avant 1929, 90 % des actions avaient été achetées avec de l’argent emprunté. Cela crée une « spirale de déflation par la dette » où les ventes entraînent de nouvelles baisses. Ensuite, il y a des vulnérabilités cachées qui font soudainement surface, comme la réglementation bancaire déficiente en 1929, le trading informatique en 1987 et les prêts hypothécaires toxiques en 2008. Ces risques créent une contagion, les problèmes se propageant dans tout le système. La confiance est le ciment des marchés financiers. Lorsqu’elle disparaît, les marchés peuvent s’effondrer. Ce phénomène est mesuré par l’indice VIX : en cas de krach, il dépasse 40.

Les risques en octobre 2025

Le S&P500 se négocie à des ratios C/B de 22-23, supérieurs à sa moyenne historique. Les valeurs technologiques se situent entre 25 et 35, les valeurs liées à l’IA entre 50 et 100 – ou alors, elles ne réalisent aucun bénéfice malgré des valorisations de plusieurs milliards de dollars. Cela rappelle la bulle Internet. D’autre part, l’écart entre le S&P 500 pondéré en fonction de la capitalisation boursière et le S&P 500 équipondéré est historiquement élevé.

La Fed vient d’entamer un cycle de réduction des taux ; l’abaissement de septembre, premier de l’année, devrait être suivi d’autres baisses dans les mois à venir. Ces abaissements répondent au principe de précaution, et non à une menace de récession. Toutefois, la dette publique américaine, qui a atteint son niveau le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale, suscite des inquiétudes. L’endettement des entreprises a également augmenté ces dernières années. D’autre part, les charges d’intérêt sur ces dettes restent faibles. En outre, toutes les inquiétudes concernant le remboursement de la dette nationale américaine sont injustifiées. Un pays qui possède sa propre monnaie peut toujours rembourser sa dette jusqu’au dernier centime.

En matière de risque, le marché est toujours mordu par le serpent invisible. Il s’agit souvent de stratégies qui ont connu une croissance rapide sur une courte période. C’est le cas notamment de l’investissement passif (qui représente aujourd’hui 40 % de tous les investissements en actions), de l’intégration des cryptomonnaies, de l’augmentation considérable du trading algorithmique (70 % des transactions) et, bien sûr, de la concentration dans les Big Tech. Ces facteurs pourraient amplifier les conséquences d’un prochain krach. Les risques géopolitiques sont également nombreux : citons les conflits entre les États-Unis et la Chine, en Ukraine, autour de Taïwan et la polarisation des États-Unis. Cependant, il s’agit principalement de risques pleinement reconnus, qui deviennent alors des opportunités et forment le mur de peur parfait qu’un marché haussier peut escalader.

Cette fois-ci, c’est différent

Depuis la crise financière mondiale, les banques centrales modernes disposent de plus d’outils pour faire face à une crise. La réglementation financière a été renforcée par des exigences plus strictes en matière de fonds propres et des tests de résistance. Les garde-fous technologiques tels que les coupe-circuits limitent la volatilité extrême.

Octobre 2025 présente certains facteurs de risque similaires aux krachs précédents : des valorisations plus élevées, des niveaux d’endettement extrêmes et des tensions géopolitiques. Cependant, les krachs ne sont pas inévitables – ils ne se produisent que lorsque plusieurs facteurs sont réunis. Souvent, un tel krach est précédé d’une période d’euphorie plus longue. À cet égard, la correction d’avril agit comme une sorte de vaccin contre un krach à court terme.

Les risques de krach ne sont donc pas très élevés. La diversification, la gestion des risques et l’évitement d’un effet de levier excessif sont les meilleurs moyens de défense. Un krach crée également des opportunités pour les investisseurs à long terme. Car comme le dit Warren Buffett : « Soyez craintif quand les autres sont avides. Soyez avide quand les autres sont craintifs ». Sauf en cas de krach, octobre est l’un des meilleurs mois de l’année.

Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.

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