
À l’approche du cap des 100 premiers jours du président Donald Trump à la Maison-Blanche, il est temps d’évaluer l’impact de son administration tant sur la politique que sur les marchés.
Sa promesse, faite en janvier, de réaliser « les 100 premiers jours les plus extraordinaires de toute l’histoire des États-Unis » a suscité de grandes attentes, dans la lignée de Franklin D. Roosevelt, qui, au cours de ses 100 premiers jours, avait fait adopter 15 lois majeures par le Congrès pour lutter contre la Grande Dépression.
Gouverner par décret présidentiel
Le second mandat de M. Trump se caractérise par des actions agressives. Depuis le 20 janvier 2025, à l’heure où nous écrivons ces lignes, il a signé 124 décrets présidentiels, 29 proclamations et 27 mémorandums, tandis que relativement peu de textes législatifs importants ont été adoptés en dehors de la loi Laken Riley et des mesures abrogeant les règlements Biden.
Cette approche de shock and awe a conduit à des changements politiques radicaux dans les domaines de l’immigration, du commerce international, des dépenses fédérales et des pouvoirs exécutifs. Parmi les principales initiatives, citons l’imposition de droits de douane importants sur les importations, la création du département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), la réduction des programmes de l’USAID, la déclaration d’une urgence nationale à la frontière sud, la remise en question de la citoyenneté de naissance, les tentatives d’expulsion des étudiants contestataires et l’élimination des programmes de promotion de la diversité au sein du gouvernement fédéral.
Les marchés dans la tourmente
Chaque correction est différente de la précédente, mais beaucoup de constantes demeurent. Une récession technique semble probable. La correction du mois dernier et la récente volatilité du marché présentent des similitudes frappantes avec les récessions techniques précédentes. Le récent recul des marchés boursiers semble largement lié à la politique, en particulier aux conflits commerciaux et aux incertitudes concernant les droits de douane.
Le récent sursis de 90 jours accordé à certains droits de douane appliqués à la Chine a apporté un soulagement temporaire, bien que le gouvernement n’ait pas abandonné sa stratégie douanière générale. Sur les marchés, la vague de cessions de la semaine dernière présentait les caractéristiques d’un pic de vente qui précède ou accompagne souvent les récessions techniques. Depuis 2010, nous avons connu plusieurs récessions techniques avec un comportement similaire des marchés :
La crise de la dette européenne de 2011
En 2011, les marchés mondiaux ont été frappés par la crise de la dette européenne. Les inquiétudes suscitées par la dette souveraine grecque se sont rapidement propagées à d’autres économies telles que l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Les craintes d’un effondrement complet de la zone euro ont fait reculer les places boursières d’environ 19 %. Toutefois, cette correction était en grande partie une réaction du marché à l’incertitude politique, et non à une faiblesse économique fondamentale aux États-Unis. Une fois que la Banque centrale européenne a promis de sauver l’euro « quoi qu’il en coûte », les marchés se sont redressés.
Le krach pétrolier de 2015
En 2015, nous avons assisté à une chute spectaculaire des prix du pétrole, le prix du baril passant de plus de 100 dollars à moins de 30 dollars. Ce choc des prix a provoqué une correction du marché d’environ 15 %, les actions du secteur de l’énergie ayant chuté et des inquiétudes ayant émergé quant à d’éventuels défauts de paiement de la dette dans le secteur de l’énergie. Malgré les problèmes rencontrés dans un secteur, l’économie américaine dans son ensemble a poursuivi sa croissance. La correction a finalement été temporaire, car les prix du pétrole se sont stabilisés et les marchés se sont adaptés à la nouvelle réalité de la baisse des prix de l’énergie.
La normalisation des taux d’intérêt en 2018
Fin 2018, le marché a chuté de près de 20 % alors que la Réserve fédérale poursuivait sa politique de normalisation des taux d’intérêt, malgré les signes de ralentissement économique. Les investisseurs craignaient que des hausses agressives des taux d’intérêt n’étouffent la croissance économique. Cette correction est un exemple classique de la réaction du marché à la politique monétaire, et non à une faiblesse économique fondamentale. Lorsque la Fed a adopté un ton plus modéré et indiqué qu’elle serait « patiente » pour les augmentations futures, les marchés se sont rapidement redressés en 2019.
Resserrement de la Fed en 2022
En 2022, nous avons assisté à une nouvelle correction du marché lorsque la Réserve fédérale a commencé à relever les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation apparue après la pandémie. L’indice S&P 500 a chuté d’environ 19 %, les investisseurs étant confrontés à la hausse des coûts d’emprunt et à son impact sur les bénéfices des entreprises. Malgré cette chute brutale, l’économie américaine est restée résiliente, avec un marché du travail solide et des dépenses de consommation saines. Une fois que le marché a accepté que les hausses de taux étaient nécessaires pour réduire les pressions inflationnistes, une reprise s’est amorcée.
La correction actuelle
Les conditions actuelles du marché présentent des similitudes frappantes avec ces modèles antérieurs, ce qui suggère que nous sommes à nouveau confrontés à une correction cyclique plutôt qu’à un effondrement économique fondamental. Comme lors des précédentes récessions techniques, la volatilité actuelle semble davantage motivée par l’incertitude politique (notamment en ce qui concerne les droits de douane et la politique commerciale) que par la faiblesse structurelle de l’économie.
Implications pour les investisseurs
Pour les investisseurs, il reste essentiel de ne pas vendre dans la panique. Contrairement aux problèmes économiques structurels, les perturbations du marché provoquées par les politiques peuvent être rapidement inversées par un changement d’approche. La volatilité actuelle, bien que préoccupante, correspond au profil des corrections techniques précédentes qui se sont révélées temporaires plutôt que systémiques. À l’approche de la date symbolique des 100 jours, le 30 avril, les investisseurs devraient être attentifs aux éventuels ajustements politiques qui pourraient indiquer un revirement, tout en gardant en perspective la résilience historique des marchés dans des périodes d’incertitude similaires.
Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.