La Chine a menacé le Japon de lourdes représailles économiques s’il restreignait davantage ses ventes d’équipements de semi‑conducteurs à la Chine. Le Japon craint que la Chine ne réagisse en lui interdisant l’accès à ses terres rares.
Ces métaux sont essentiels à la construction automobile ; ce sont donc les grandes entreprises automobiles japonaises qui s’en trouveraient affectées. Un tel boycott toucherait également les entreprises japonaises de semi‑conducteurs. L’an dernier, la Chine a déjà limité ses exportations de gallium, de germanium et de graphite. En 2010, elle avait temporairement suspendu ses exportations de terres rares vers le Japon suite à un conflit dans les eaux de la mer de Chine orientale, revendiquées par les deux parties.
Au Moyen-Orient, les tensions entre l’Iran et Israël connaissent une escalade rapide. Le Hezbollah est devenu, pour Israël, une plus grande menace que le Hamas, et le spectre d’un conflit régional dévastateur devient de plus en plus présent. Fin juin, l’Iran a mis en garde Israël contre une guerre destructrice si le pays lançait une attaque militaire à grande échelle contre le Liban. Israël a réagi en attaquant des positions du Hezbollah et en éliminant plusieurs de ses commandants par des bombardements de précision. Outre les derniers soubresauts du Hamas, les Houthis entravent toujours la libre navigation en mer Rouge et attaquent également Israël à l’aide de drones.
Une grande puissance nucléaire
Le mois dernier, l’Ukraine a envahi la Russie. C’est la première fois qu’une grande puissance nucléaire est envahie par un autre pays. Pendant de nombreuses décennies, les grandes puissances nucléaires se pensaient à l’abri de telles attaques grâce à l’effet dissuasif de l’armement atomique. Mais depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre et les conflits frontaliers opposant l’Inde et la Chine, cet effet dissuasif de l’arme nucléaire ne semble plus fonctionner.
Si les marchés financiers ont donc toutes les raisons de s’inquiéter, il semble toutefois que les conflits géopolitiques ne les intéressent pas le moins du monde. La raison en est que, neuf fois sur dix, les choses finissent par s’arranger et, lorsque quelque chose se passe tout de même mal, il s’agit généralement de phénomènes isolés. Même les dictateurs les plus dangereux se révèlent étonnamment raisonnables lorsque les choses se gâtent. Les marchés boursiers peuvent donc parfaitement vivre avec ces conflits.
Les cours boursiers reflètent les flux financiers futurs, et les événements ponctuels n’ont donc généralement que très peu d’influence. Un tel événement est, la plupart du temps, largement discuté par des personnes très portées sur l’analyse théorique, presque toujours, en fin de compte, sans solution claire, mais cela n’impacte pas les marchés financiers.
Le prix du pétrole
Lorsque la situation se dégrade, le prix du pétrole fait généralement office de mécanisme de transmission. Son cours augmente fortement si son approvisionnement est menacé et, étant donné que le monde entier, et donc l’économie, a besoin d’énergie, les prévisions s’en trouvent effectivement affectées. Ainsi, la guerre des Six Jours a été, à la fin des années 1960, à l’origine d’un triplement des cours du pétrole en peu de temps. La donne a radicalement changé. S’il est vrai que l’énergie pétrolière était alors bien plus importante qu’à présent pour l’économie mondiale, une forte augmentation du prix du pétrole pourrait, aujourd’hui encore, plonger l’économie dans une récession.
Dans le cas de l’Ukraine, il est possible que les marchés prennent les choses aussi à la légère parce que Donald Trump, s’il est élu, prévoit de mettre en 24 heures un terme à la guerre avec la Russie. L’Ukraine se verra certes proposer un accord moins favorable que ce qu’elle aurait pu espérer au début du conflit, mais bénéficiera sans doute de nombreux dons financiers de l’Europe, et pourra peut‑être même intégrer l’Union européenne et l’OTAN. L’attaque actuelle de l’Ukraine est ainsi essentiellement perçue comme une tentative de renforcer son pouvoir de négociation. Personne ne croit qu’elle poursuivra sa route jusqu’à Moscou. Après tout, les Allemands et les Français n’y étaient pas parvenus non plus.
Un conflit au Moyen-Orient est, en principe, toujours associé à une augmentation du prix du pétrole. En dépit de tous les bombardements et les menaces, le cours du pétrole n’est pas impacté par cette escalade. Peut-être est-ce dû au fait que les États-Unis extraient aujourd’hui une quantité record de pétrole, ce qui leur permet d’être de nouveau autosuffisants à cet égard. À cela devrait également s’ajouter prochainement, sous Donald Trump, le pipeline XL. Les évolutions au Moyen-Orient ont, par conséquent, moins d’importance pour les Américains.
En outre, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis disposent encore d’une capacité de réserve de millions de barils par jour grâce aux accords de l’OPEP. Par ailleurs, la production pétrolière se développe grâce à des gisements offshore en Namibie, au Brésil, en Colombie, au Venezuela et, naturellement, au Suriname. Enfin, tant que les Iraniens n’ont pas fermé le détroit d’Ormuz, le cours du pétrole semble plutôt évoluer latéralement.
Les semi-conducteurs
Dans le cas du conflit sino-japonais, qui constitue une exception, le mécanisme de transmission ne peut être le pétrole. Ce n’est pas que les deux pays soient de grands producteurs de pétrole, mais aucun d’entre eux ne lancera un conflit au Moyen-Orient pour le pétrole de l’autre. Pour la Chine, les importations de semi‑conducteurs sont nettement plus importantes que les importations de pétrole, et le Japon joue un rôle prépondérant à cet égard. Une grande part des usines du monde se situe en Chine, et ces usines ont constamment besoin de semi‑conducteurs. En outre, si le conflit opposant la Chine au Japon s’est enflammé, c’est parce que le Japon (à la demande des Américains) ne peut plus fournir autant de semi‑conducteurs (et de dispositifs) à la Chine qu’avant. C’est là également un important facteur du projet Made in China 2025. Pékin préfère fabriquer elle-même ses puces.
À présent qu’il est question de puces, les Pays-Bas sont subitement devenus le centre géopolitique du monde. Sans les machines d’ASML, en effet, aucun drone ou munition intelligente ne peut être produit. De ce point de vue, les Pays-Bas sont rapidement devenus, par le biais d’ASML, le plus grand fabricant d’armes au monde. Les machines d’ASML sont en outre idéales pour produire des puces pour les flottes de drones pilotées par l’intelligence artificielle, l’armement du futur, bien qu’il soit possible qu’elles se retrouvent rapidement classées parmi les armes controversées interdites.
Jusqu’à présent, les Pays-Bas suivent la ligne américaine, opposée à la Chine et la Russie, mais nous devons prendre conscience du fait que, lors de la précédente guerre froide, ce sont les pays neutres qui ont le plus bénéficié économiquement du conflit. Ainsi, l’économie et la Bourse néerlandaises pourraient également tirer profit du prochain conflit géopolitique, quelle que soit l’interprétation de l’Institut Clingendael.
Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.