Han Dieperink
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La semaine dernière, trois statistiques macroéconomiques américaines ont soudain ravivé la crainte d’une récession, alors que celle-ci avait atteint un nouveau creux le mois précédent. 

Le cocktail associant une demande d’allocations de chômage au plus haut depuis 11 mois, un indice des directeurs d’achat à 46,8, soit deux points en dessous des attentes, et un rapport sur l’emploi décevant, portant le taux de chômage à son plus haut niveau en près de trois ans, a suffi à faire renaître les craintes de récession. Bien qu’une récession ne soit pas encore le scénario de base, les investisseurs préfèrent bien sûr disposer d’un portefeuille capable de résister à tous les scénarios.

Au mois de juillet, les investisseurs ont justement délaissé les actions des grandes entreprises technologiques au profit d’actions présentant une sensibilité positive à l’économie : les petites capitalisations, les sociétés financières et les entreprises immobilières. Il s’agissait d’une fuite vers des titres déficitaires, de préférence combinés à un bilan médiocre, un abandon de la qualité. L’idée était que la baisse des taux d’intérêt aiderait ces entreprises. Cela peut sembler étrange, car il n’y a pas si longtemps, on affirmait qu’une baisse des taux d’intérêt profiterait principalement aux actions de croissance, y compris les grandes entreprises technologiques.

Cette rotation n’était pas vraiment soutenue par des développements fondamentaux. Au contraire, les résultats des grandes entreprises technologiques sont toujours meilleurs que prévu et, dans un scénario de récession, les valorisations de ces plus petites entreprises s’effondreraient. Par conséquent, la probabilité accrue d’une récession a été une grande surprise pour les investisseurs, expliquant en partie le chaos de la semaine dernière.

La probabilité d’une récession reste faible

Cependant, la probabilité d’une récession reste faible, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, nous sommes relativement tôt dans le cycle économique. Il n’y a pas encore eu suffisamment d’excès pour qu’une correction se produise dans le cadre d’une récession. Le point de départ d’une récession devrait être que l’augmentation du chômage affecte la consommation, mais la grande différence avec le passé est que, même à son niveau le plus élevé depuis près de trois ans, le chômage reste historiquement bas aux États-Unis. En revanche, une récession en Europe semble plus probable en raison des mauvaises performances de l’Allemagne et de la France. Cependant, tout comme les États-Unis, les investissements restent importants en Europe, ce qui impacte généralement le long terme. De plus, l’inflation est enfin retombée en dessous de la croissance salariale, ce qui augmente le revenu disponible pour de nombreux consommateurs.

Il n’en reste pas moins que prévoir une récession est un exercice délicat pour la plupart des économistes. Il y a deux ans, 85 % des économistes prédisaient une récession qui, jusqu’à présent, ne s’est pas matérialisée. Traditionnellement, les obligations d’État constituent la protection ultime contre une récession dans un portefeuille. En période de récession, les rendements des obligations d’État chutent rapidement de deux points de pourcentage, ce qui permet de bien amortir les pertes de cours sur les actions. Cependant, si les taux d’intérêt baissaient maintenant de deux points de pourcentage, nous reviendrions aux niveaux historiquement bas d’avant la pandémie de Covid-19, ce qui est peu probable. Cela signifie également que dans tous les autres scénarios, les investisseurs devraient probablement accepter à nouveau des pertes plus importantes sur les obligations. De nombreux investisseurs ne considèrent donc plus les obligations d’État comme une alternative sans risque aux actions. En effet, une correction de plus de 50 % des obligations à long terme est un souvenir que les investisseurs ne sont pas près d’oublier.

Il est aussi possible d’opter pour des obligations d’entreprises et des obligations à haut rendement. À long terme, ces dernières offrent un rendement plus élevé que les obligations d’État et, étant donné que l’endettement concerne principalement les États, cela pourra même être le cas pendant longtemps. Malheureusement, le taux d’intérêt de la plupart des obligations comportant un risque de crédit n’est pas suffisant pour compenser le risque de crédit moyen à long terme, alors que c’est précisément pendant et après une récession que ces pertes de crédit tendent à augmenter. Même les obligations à court terme ou l’épargne deviennent moins intéressantes si la banque centrale se met à réduire rapidement les taux d’intérêt.

La big tech, un refuge

Une récession affecte les bénéfices des entreprises, et cette récession des bénéfices est particulièrement ressentie par les actions des entreprises sensibles au cycle économique. Cependant, il existe aussi des entreprises défensives. De plus, ces dernières sont bon marché, car elles ont fortement sous-performé ces dernières années. Cela s’explique par l’émergence d’une nouvelle valeur refuge défensive : les grandes entreprises technologiques. 

Au lieu d’obligations d’État à long terme, les investisseurs ont préféré acheter des actions d’Apple et de Microsoft, sachant que ces entreprises resteraient solides à long terme. Les Sept Magnifiques comme nouvelle valeur refuge, voilà une situation inédite ! En outre, la première baisse de taux a très souvent été suivie d’une récession, généralement à relativement court terme. Cela s’explique par le fait que les banques centrales préfèrent lutter contre l’inflation plutôt que de stimuler l’économie, ce qui les amène souvent à réagir trop tard. Cependant, cela ne signifie pas que le début d’une récession est un mauvais moment pour investir en actions. Ce n’est que lorsque les taux d’intérêt ont baissé pour lutter contre la déflation (2007, 2001, 1937 et 1929) que les actions ont chuté après la première baisse des taux. Dans tous les autres cas, le marché boursier a augmenté après la première baisse des taux.

L’ironie de la situation est que ce sont précisément les actions des grandes entreprises technologiques vendues ces dernières semaines qui sont probablement les mieux immunisées contre une récession. Ces valeurs de la big tech ont souvent un caractère monopolistique, conséquence directe des innovations disruptives. Dans le cas contraire, il s’agit souvent d’oligopoles. Ces deux formes de marché disposent d’un important pouvoir de fixation des prix et peuvent se permettre de ne pas trop se préoccuper du développement économique. De plus, une récession aux États-Unis entraînerait probablement un affaiblissement du dollar et, alors que l’économie américaine est relativement fermée, ces grandes entreprises technologiques réalisent une part considérable de leurs bénéfices à l’étranger. En fin de compte, la croissance des bénéfices est le moteur des hausses de cours ; or c’est précisément cette croissance des bénéfices qui a souvent fait défaut hors du secteur technologique ces dernières années. Par exemple, les prévisions de croissance des bénéfices pour les petites capitalisations restent extrêmement faibles et ne s’améliorent pas en cas de récession. De même, les actions des banques sont généralement fortement impactées par une récession.

Peu onéreuses

L’avantage d’investir dans les actions des grandes entreprises technologiques est qu’elles devraient aussi relativement bien performer dans d’autres scénarios. En outre, il est apparu clairement la semaine dernière que les attentes concernant les performances de l’intelligence artificielle sont encore trop faibles. Cela n’est pas surprenant en soi, car ces attentes étaient également trop basses lors de l’arrivée du PC, d’internet et de l’iPhone. Cependant, cette fois-ci, la croissance exponentielle est beaucoup plus rapide, rendant difficile toute prévision chiffrée.

De plus, une baisse rapide des taux d’intérêt avant une récession permet de justifier plus facilement les valorisations plus élevées de ces entreprises. D’ailleurs, bon nombre de ces grandes entreprises technologiques ne sont pas si coûteuses, bien que cela dépende directement de leur croissance future. En période de récession, les bénéfices des entreprises diminuent également, et celles dont les bénéfices se maintiennent ou augmentent sont très rares. Celles-ci obtiennent souvent des valorisations plus élevées. Les actions de qualité sont bien positionnées pour résister à une récession, voire en tirer parti.

Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.
 

 

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