Du fait que la Chine a adopté un système financier (et sociétal) différent de celui des États-Unis, de nombreux investisseurs concluent à tort que les deux pays sont fondamentalement différents. Pourtant, la réalité est tout autre. Leurs moteurs économiques vacillants sont alimentés par le même carburant : la dette.
Le graphique ci-dessous, réalisé par James Eagle (basé sur celui de Goldman Sachs, mais plus esthétique), a largement circulé ces dernières semaines, aussi bien dans les médias traditionnels que sur les réseaux sociaux.
Ce graphique montre au premier coup d’œil que l’endettement des États-Unis a atteint des proportions vertigineuses. Alors qu’avant les années 70, chaque dollar de dette générait encore entre 4 et 8 dollars de croissance économique (PIB nominal), ce chiffre est désormais tombé à un dérisoire 58 cents.
En d’autres termes, pour chaque dollar de dette (publique) injecté dans l’économie américaine, on ne récupère plus qu’à peine la moitié en PIB. Il est dès lors facile de savoir si la dette continuera à exploser à l’avenir. À moins de renoncer à la croissance comme objectif, il faudra toujours plus de dette pour la soutenir.
Copier-coller
Cette conclusion, pleinement justifiable sur la base de données factuelles solides, mérite déjà une réflexion approfondie lorsqu’on examine la composition de son portefeuille d’investissement.
Mais il y a pire. Il ne fait aucun doute que les protagonistes de la dette mettront en avant le statut particulier des États-Unis, et plus précisément celui de la dette américaine, en tant qu’ultime forme de garantie. Très bien, dans ce cas, tournons-nous brièvement vers l’autre côté du Pacifique. Un graphique illustrant l’intensité de la dette n’est pas si complexe à réaliser. C’est pourquoi j’ai créé le graphique ci-dessous pour la Chine, en suivant exactement la même méthodologie que celle de Goldman Sachs. Et comme les données chinoises sont souvent exprimées en dollars, j’ai utilisé aussi bien des données en USD qu’en CNY.
Bien que le résultat ne soit pas surprenant, il demeure néanmoins spectaculaire. Sur la base des chiffres exprimés en USD (les chiffres en CNY pour 2023 n’étant pas encore disponibles), l’intensité de la dette de la Chine atteint 0,56, un niveau quasiment identique aux 0,58 des États-Unis. Et bien que je n’aie pas pu remonter jusqu’aux années 50 (les données chinoises étant limitées), la tendance est une copie conforme de celle observée aux États-Unis.
À méditer
La Chine, où la population active diminuera à un rythme vertigineux au cours des prochaines décennies, est tout aussi dépendante de la dette que la plupart des grandes économies mondiales.
Et cela a des conséquences majeures pour les investisseurs obligataires. La nécessité de maintenir des taux d’intérêt structurellement bas en Chine est évidente. En effet, il faudra inévitablement contracter plus de dettes pour continuer à alimenter la croissance. Pensez-vous vraiment que Xi Jinping renoncera un jour à cette quête incessante de croissance ? La probabilité est nulle, surtout maintenant que la Chine est en train d’éclipser l’Europe sur le plan économique, un processus auquel les vaniteux Européens contribuent d’ailleurs volontiers.
Des taux d’intérêt plus bas, des inquiétudes accrues quant à la viabilité de la dette, davantage d’interventions extravagantes de la part des banques centrales et une inflation plus élevée et imprévisible : voilà tout ce qu’un investisseur obligataire peut désirer.
Dans sa newsletter The Market Routine iJeroen Blokland analyse des graphiques actuels qui reflètent certains aspects frappants macro-économiques et des marchés financiers. Il gère également un fonds multi-actifs propres. Il était précédemment Head of Multi-assets chez Robeco.