C’est avec une certaine stupéfaction que je découvre, année après année, les prévisions annuelles des grandes maisons financières, en particulier les rendements attendus, en ligne avec la moyenne à long terme. Or ces prévisions, on peut être à peu près certain qu’ils ne se réaliseront pas.
Baser ses prévisions boursières sur le rendement moyen à long terme est une stratégie « boule de cristal » des plus médiocres. Le rendement moyen ne se réalise en effet quasiment jamais. Mieux vaut être un éternel optimiste, mais, même si l’on peut vous qualifier de « perma-bear », cela demeure toujours plus respectable que les prévisionnistes moyens.
Depuis 1927, le rendement annuel moyen (recalculé) de l’indice S&P 500 s’élève à 7,9 %. De ce point de vue, une prévision comprise, disons, entre 5 et 10 % ne semble pas si farfelue. Mais lorsqu’on s’intéresse un peu aux données sous-jacentes, on constate rapidement que ça l’est bel et bien.
Au cours des 96 années calendaires écoulées depuis 1927, le rendement de l’indice S&P 500 ne s’est retrouvé que six fois dans cette fourchette. Vous avez bien lu : six fois. Et cela n’est pas près de changer, le S&P 500 affichant, au moment de la rédaction de cet article, une hausse de plus de 25 %. Cela signifie donc que, si vous aviez été l’un de ces gourous qui avançaient cette prévision « ignorante » de 5 à 10 %, vous n’auriez eu raison que 6 % du temps. Pas extraordinaire.
Le choix des extrêmes
Une bien meilleure stratégie aurait consisté à prédire systématiquement, chaque année, que les actions grimperaient d’au moins 20 %. Dans ce cas, vous auriez eu raison 28 fois, soit un taux de réussite de 29 %. Eh oui, si vous aviez été suffisamment « fou » pour prédire chaque année un rendement de 20 % ou plus, vous seriez tombé juste près d’une fois sur trois, soit cinq fois plus souvent qu’avec une prévision de 5 à 10 %.
Même si vous aviez conservé chaque année une position de perma-bear, vous n’auriez pas fait moins bien que les aficionados de la moyenne. Depuis 1927, le Dow a perdu six fois 20 % ou plus. Faire chaque année une prévision aussi susceptible de limiter sa carrière est une belle preuve d’audace, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je considère les perma-bears comme de meilleurs prévisionnistes que ces aficionados.
Amnésie historique
Cette année n’est pas différente de toutes les autres. La prévision de rendement moyen des 24 gourous des plus grandes banques d’affaires est – comment pourrait-il en être autrement ? – de 7,4 %. C’est presque au-dessus de la moyenne à long terme. Onze de ces 24 prévisionnistes ont effectivement annoncé une prévision comprise entre 5 et 10 % : presque la moitié de tous les « participants ». Et ils ont donc 94 % (!) de chances d’avoir tort.
Au moins aussi grave : aucun de ces fameux gourous de la Bourse ne s’est risqué à prédire un rendement de plus de 20 %, alors que les chances que cela se produise sont, historiquement, de 29 %. On pourrait s’attendre à ce que quelques-uns au moins de ces 24 prévisionnistes aient jeté un œil à la distribution historique des rendements, mais apparemment non.
Cette année, tout de même, un prévisionniste a bel et bien misé sur un rendement négatif de 20 % ou plus. BCA pense que le S&P 500 va baisser de 25 % au moins en 2025. L’effet est clair : je cite nommément BCA dans mon article, tandis que je choisis d’ignorer le groupe insignifiant des autres prévisionnistes.
Je pense personnellement que nous avons plus de chance de connaître une nouvelle année de hausse de 20 % ou plus que d’assister à une telle baisse, mais tout mon respect à BCA d’avoir annoncé cette prévision. Il est choquant de constater que personne, en dépit de statistiques extrêmement convaincantes, ne mise sur un rendement de 20 % ou plus. Non seulement ces prévisions ne doivent pas être prises au sérieux, mais, à vrai dire, les grandes banques qui les émettent non plus.
Dans sa newsletter The Market Routine analyse des graphiques actuels qui reflètent certains aspects frappants macro-économiques et des marchés financiers. Il gère également le fonds Blokland Smart Multi-Asset, qui investit en actions, or et bitcoin.