
Que vous soyez persuadé que Donald Trump va rendre le monde « plus juste », que vous rêviez de réductions d’impôts et de déréglementation trumpiennes ou, au contraire, que vous frémissiez devant ses guerres commerciales et son extrême imprévisibilité, la conclusion implacable est que tout cela entraînera de toute façon plus de volatilité et moins de croissance.
Le Financial Times a publié le graphique suivant la semaine dernière. L’indice d’incertitude de la politique économique (EPU) de Baker, Bloom et Davis a atteint la stratosphère et se situe presque au double du niveau que nous avons connu pendant la crise de Covid. À cette époque, beaucoup de gens pensaient déjà que c’était la fin du monde.
Nous sommes donc confrontés à un niveau d’incertitude sans précédent. Il est pratiquement impossible de dire quoi que ce soit de significatif sur ce qui se passera sur le plan économique, sur les règles qui s’appliqueront demain et sur les politiques qui seront abandonnées la semaine prochaine. Cela aura un impact négatif sur les marchés financiers, les entreprises, les ménages et la société dans son ensemble. Un rapide coup d’œil aux chiffres d’ASML le confirme.
Les faits
Une analyse publiée par le promoteur d’indices FTSE Russell en octobre 2024 a montré que les augmentations particulièrement soudaines de l’EPU, appelées chocs d’incertitude, entraînent des vagues courtes mais violentes d’instabilité du marché. Cette fois-ci, cette instabilité survient au moment où les entreprises tentent d’élaborer une stratégie face à la politique américaine et la guerre commerciale. Cela montre bien qu’en plus d’une plus grande volatilité, le préjudice économique est évident.
Des chercheurs de la Réserve fédérale de Saint Louis ont calculé que le choc d’incertitude au premier trimestre 2025 était supérieur de 3,8 écarts types à la moyenne à long terme. À titre de comparaison : lors de la pandémie de Covid, il n’était « que » de 2,5 à 3. Selon leur modèle, un tel choc entraîne une contraction de plus de 1 % de la croissance économique et de l’emploi, répartie sur les six à huit trimestres suivants. L’inflation est également en baisse, non pas grâce au travail remarquable de la Réserve fédérale, mais simplement parce que plus personne n’ose faire quoi que ce soit.
Dans la zone euro, les chiffres ne sont guère plus réjouissants. La Commission européenne a conclu en novembre dernier que si l’incertitude liée aux politiques revenait aux niveaux d’avant la pandémie, le PIB de la zone euro progresserait 1,2 %. Il ne s’agit pas d’une différence d’arrondi, mais d’un grave préjudice économique.
Inimitable
Avec Donald Trump, vous ne savez tout simplement pas où vous en êtes. À mon avis, la même chose s’applique à ceux qui disent comprendre ou soutenir sa politique. Des mesures extrêmes sont annoncées, annulées ou réécrites à moitié, littéralement d’un trait de plume.
Ce qui est en jeu ici, c’est le concept d’option value of waiting. Cette dernière est actuellement très élevée, ce qui rend attrayant le fait de « ne rien faire » pour le moment. Qu’il s’agisse d’investir dans une usine (où peut-on bien l’implanter ?), de lancer un nouveau produit ou d’embaucher du personnel supplémentaire : tant qu’il n’y a pas de direction claire, il vaut mieux attendre et ne pas prendre de mauvaise décision.
Ainsi, compte tenu de la relation démontrable entre l’incertitude économique, d’une part, et la volatilité des marchés et le risque de récession, d’autre part, M. Trump joue avec le feu.
Les marchés financiers tentent en permanence d’établir le prix de tous les scénarios : les récessions, les banques centrales, l’inflation, le sentiment, etc. Mais l’incertitude due à des politiques économiques erratiques est presque intangible, difficile à mesurer et nuisible à la confiance.
Tout comme les esprits animaux peuvent conduire à un optimisme (irrationnel) et à la prise de risques, l’incertitude politique agit exactement dans le sens inverse. Elle crée un climat de peur et de réticence, dans lequel les investisseurs évitent les risques et reportent leurs dépenses et leurs investissements, ce qui peut conduire à une récession.
En d’autres termes, c’est la politique de la roulette.
Dans sa newsletter The Market Routine, Jeroen Blokland analyse des graphiques actuels qui reflètent certains aspects frappants macro-économiques et des marchés financiers. Il gère également le fonds Blokland Smart Multi-Asset, qui investit en actions, or et bitcoin.