Les solutions d’investissement fondées sur la nature peuvent devenir une classe d’actifs mature en l’espace de 10 à 15 ans. C’est cette conviction qui pousse Triodos Investment Management à développer deux nouveaux fonds privés afin de mobiliser plus de 250 millions d’euros de capitaux pour la restauration de la nature et la biodiversité.
« Le monde connaît un déclin spectaculaire de la biodiversité », déclare Karel Nierop, responsable des produits et solutions chez Triodos IM. « Vous pouvez attendre que tout soit parfaitement mesurable et commercialisable, ou commencer à construire l’infrastructure dès maintenant. »
Les marchés privés comme voie de croissance
Selon Triodos IM, les solutions basées sur la nature se situent au même niveau que l’éolien et le solaire en 2005 : jeunes, fragmentées et difficile à faire évoluer, mais avec des motivations sociales claires. Les marchés privés seraient ceux qui offrent le plus de possibilités d’innovation, de personnalisation et d’impact réel à ce stade précoce.
« Si vous examinez les entreprises qui ont un impact positif sur la nature et la biodiversité, vous constaterez que très peu d’entreprises cotées en Bourse le font de manière ciblée », déclare M. Nierop. « Si vous voulez vraiment avoir un impact positif, les solutions se trouvent principalement sur les marchés privés à l’heure actuelle. »
Le premier fonds de Triodos IM se concentre sur les terres agricoles et forestières en Europe et en Amérique du Nord et est mis en place en partenariat avec Fondaction, un fonds de pension canadien. Le second, prévu pour 2026, cible les écosystèmes des marchés émergents. Les deux fonds contribuent à l’objectif plus large de la banque mère Triodos de mobiliser au moins 500 millions d’euros de financement pour des solutions basées sur la nature d’ici 2030.
Triodos Investment Management gère actuellement une vingtaine de fonds présentant différents profils de risque et de rendement, notamment des fonds de dette privée à impact et des fonds d’actions investissant dans des actions et des obligations cotées en Bourse. Avec ces fonds, le groupe Triodos, y compris la banque privée, gérait au total environ 7,2 milliards d’euros à la fin de 2024. Sur ce montant, 5,6 milliards d’euros relèvent directement de Triodos IM.
Impact tangible
La stratégie du fonds basé sur la nature est explicitement axée sur l’impact tangible : l’agriculture régénératrice, le reboisement et la restauration des sols dégradés. Cela implique un nouveau vocabulaire du rendement. « Nous nous fixons des objectifs plus généraux en matière d’impact », déclare M. Nierop. « Il faut ensuite penser à l’objectif de convertir 100 % des terres acquises à ce que nous appelons l’agriculture régénératrice ou closer-to-nature dans le domaine de la sylviculture. Il faut également penser à certains objectifs de réduction ou de séquestration du CO2. »
Ces derniers objectifs font référence à la capture du CO2 dans les écosystèmes, tels que les sols et les forêts. Triodos IM travaille avec des partenaires spécialisés tels que Treevive en Amérique latine et Goodcarbon en Allemagne, qui fournissent des données d’impact, un suivi et une assurance qualité. En décembre 2024, Triodos aura séquestré 16 kilotonnes d’équivalent CO2. Cela représente quelque 656 000 arbres adultes, selon le rapport annuel.
Vers un marché mature
L’approche de Triodos s’inscrit dans une dynamique internationale plus large. Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le volume des investissements privés dans les projets liés à la nature a été multiplié par six depuis 2020, pour atteindre plus de 100 milliards de dollars. Parallèlement, le cabinet d’études Meticulous Research prévoit que le marché des crédits de biodiversité pourrait atteindre 37,5 milliards de dollars d’ici 2032, contre 6 milliards de dollars en 2024.
Une étude de Morningstar montre que 61 % des investisseurs institutionnels considèrent désormais l’ESG comme faisant partie de leur devoir fiduciaire, contre 53 % l’année précédente.
« L’évolution de la situation montre que ce sujet sera en réalité considéré comme tout aussi important que le changement climatique », déclare M. Nierop. « Ce thème est désormais intégré dans de nombreuses politiques et stratégies d’investissement. »
Selon Triodos, la professionnalisation sera la prochaine étape : un impact mesurable, des données crédibles et une solide réserve de projets sont les conditions préalables pour attirer les capitaux institutionnels. « C’est le marché qui décide des flux de capitaux », explique M. Nierop. « Ce flux s’oriente vers les entreprises qui proposent des solutions aux grands défis de notre temps. »
Le parc national de Conkouati-Douli au Congo est l’une des zones où Triodos IM investit dans la reforestation et la restauration de la biodiversité par l’intermédiaire de ses partenaires. Treevive y soutient le suivi local et le reporting d’impact.