Martine Solovieff, procureure générale du Luxembourg, exprime ses inquiétudes face aux difficultés persistantes du pays dans la lutte contre la criminalité financière, pointant comme obstacles majeurs la surcharge de dossiers et le manque de personnel.
Interrogée par Investment Officer Luxembourg, Martine Solovieff reconnaît la « situation catastrophique » qui fait obstacle depuis des années à la poursuite des infractions financières au Luxembourg, malgré les récentes tentatives de dégager davantage de ressources.
Selon Martine Solovieff, figure éminente dans l’industrie luxembourgeoise, 862 affaires étaient en cours au département de la criminalité financière au 12 juillet, dont 415 avaient été suspendues. Bien que le nombre d’affaires clôturées ait légèrement progressé, cet arriéré persiste, avec 376 affaires clôturées en 2023 et 476 nouvelles enquêtes ouvertes.
« Cette explication vise à clarifier, mais n’excuse en rien les retards excessifs. Je comprends parfaitement la frustration des investisseurs lésés. »
« Cela illustre la situation catastrophique qui perdure depuis des années, écrit-elle. « Cette explication vise à clarifier, mais n’excuse en rien les retards excessifs. Je comprends parfaitement la frustration des investisseurs lésés. »
En raison de son attractivité pour les gestionnaires de fonds internationaux, le Luxembourg attire non seulement des investissements légitimes, mais aussi une criminalité financière complexe, rendant les réformes judiciaires d’autant plus urgentes. Les remarques franches de la procureure devraient accroître la pression sur les décideurs politiques pour qu’ils s’attaquent aux insuffisances structurelles du système judiciaire.
Bien que la situation en termes de personnel se soit quelque peu améliorée, celle-ci reste, selon Martine Solovieff, un obstacle critique. Depuis 2018, le nombre de collaborateurs est passé de 57 à 91, avec un renforcement significatif dans la section anti-blanchiment, qui a vu ses effectifs passer de 11 enquêteurs en 2018 à 29 en 2024.
Mauvaise coopération internationale
Martine Solovieff a également souligné les dimensions internationales de nombreuses affaires de criminalité financière, qui comportent souvent des liens transfrontaliers complexes. « Il est essentiel de garder à l’esprit que ces affaires ont souvent des répercussions internationales dans plusieurs pays, ce qui complique le traçage des flux financiers, notamment parce que la coopération judiciaire avec certains États non européens ne fonctionne pas correctement. »
Ses propos interviennent alors que les critiques se multiplient quant à la capacité du Luxembourg à s’attaquer au réseau complexe de criminalité financière découlant de son statut de centre financier mondial. Bien que le pays ait pris des mesures pour améliorer son cadre de lutte contre le blanchiment d’argent, en modifiant la législation et en renforçant l’application des lois, l’ampleur du problème semble dépasser la capacité de la justice à traiter les affaires rapidement.
Conséquences inattendues
Au cours des dernières décennies, le Luxembourg s’est rapidement imposé comme un centre mondial pour les fonds d’investissement, avec 5619 milliards d’euros d’actifs sous gestion en juillet 2024, soit plus de 60 fois son PIB. Cette croissance, soutenue par un environnement réglementaire favorable et des solutions flexibles pour les fonds d’investissement alternatifs, a également entraîné des conséquences inattendues, avec une augmentation de la criminalité financière importée de l’étranger.
Martine Solovieff, nommée procureure générale en 2015, a récemment annoncé qu’elle prendra sa retraite en février 2025. Elle travaille dans le secteur judiciaire depuis près de quarante ans. Elle a débuté sa carrière au Parquet général du Luxembourg, où elle est restée affectée pendant 14 ans. Durant cette période, elle s’est occupée d’affaires de criminalité économique et financière ainsi que de coopération judiciaire internationale et a dirigé le service anti-blanchiment de 1996 à 1999.
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