Devons-nous chercher des actions dont la sous-évaluation est importante (valeur) ou des actions qui affichent une valeur de marché élevée par rapport à leur valeur comptable (croissance) et offrent de belles perspectives ?
Dès 1993, Eugene Fama – prix Nobel d’économie en 2013 – et French écrivaient déjà sur les meilleures prestations des actions de valeur. Leur thèse indiquait que « les actions qui affichent une valeur book-to-market supérieure se comportent en moyenne mieux que celles dont la valeur book-to-market est faible », high minus low.
En clair : la valeur de marché de certaines actions s’approche de leur valeur comptable et l’on considère que ces actions sont donc sous-valorisées. L’alternative se trouve dans une valeur de marché très élevée par rapport à la valeur comptable. Pensons à un réseau de chemin de fer (valeur) par rapport à une entreprise technologique (croissance).
L’explication souvent avancée est que (1) les actions sous-valorisées comportent un risque significativement plus élevé de faillite de l’entreprise, ce qui justifie la faiblesse de leur cours par rapport à leur valeur comptable. Cela reflète la confiance des investisseurs dans leurs chances de survie. Les investisseurs dans ce type d’action attendent une prime de risque (rendement supérieur) pour la détention d’actions de valeur. Ou (2) les actions meilleur marché (par rapport à leur valeur comptable) trahissent souvent un chiffre d’affaires moins stable et un taux d’endettement supérieur.
Cela se traduit dans un profil de risque plus élevé. Le rendement supérieur exigé par les investisseurs représente la traduction directe de ce risque. (3) Une dernière cause, liée à la première explication, se trouve dans le fait que les actions qui affichent une faible cotation par rapport à leur valeur comptable ont mangé leur pain noir sur la bourse. Les mauvaises prestations de ces actions les rendent (à nouveau) intéressantes aux yeux des investisseurs (reversal).
Deux groupes
Beaucoup d’encre a coulé sur ces deux groupes d’actions : valeur contre croissance. En 2015, plus de 20 ans après que Fama et French aient gagné la notoriété grâce à leurs constats, les deux académiciens ont écrit que le débat n’était peut-être plus d’actualité : les actions de valeur ne surperforment plus face aux actions de croissance. Trois événements peuvent le justifier : (1) les lois économiques qui ont présidé aux constats initiaux peuvent avoir changé, (2) les investisseurs ont investi sur la base de ces constats et la différence a disparu, ou (3) les constats sont le fruit d’un pur hasard (data mining).
Une façon d’aborder cette problématique consiste à se pencher sur l’histoire. Trois chercheurs de Robeco ont rassemblé des informations sur les actions américaines entre 1866 et 1926 afin de déterminer si les actions de valeur, notamment, avaient fait mieux que les actions de croissance. En quoi cela est-il pertinent ? Parce qu’à l’époque, on ne connaissait pas les stratégies d’investissement. Si l’on retrouve les constats actuels dans cette période, il y a de fortes chances qu’il s’agisse d’une loi économique à l’origine du phénomène.
Qu’en est-il ressorti ? Les investisseurs qui ont acquis des actions de valeur ont obtenu une prime significative. Cela ressort nettement de l’illustration 1 (Dividend). Les investisseurs ont obtenu un rendement annuel de près de 8 pour cent supérieur au risque couru (comme le risque de marché). De toutes les stratégies disponibles pour les investisseurs, il s’agit d’une des meilleures ; il faut juste laisser de côté Momentum (achat d’actions qui ont bien évolué et vente d’actions qui ont très mal évolué) et BETA (achat d’actions qui suivent davantage l’évolution du marché et vente d’actions qui la suivent moins).
L’histoire va-t-elle se répéter ? Une question toujours difficile. Ce que nous retenons surtout de l’histoire, c’est comment (et pourquoi) les investisseurs ont réagi à une information déterminée. Si les forces économiques sous-jacentes ne changent pas, il n’y a pas de raison de croire que les investisseurs vont changer. Nous constatons que les investisseurs réagissent à certaines informations et que, pour cette raison, l’importance du phénomène (investissement en valeur) s’est réduite au cours du temps, mais cela indique bien que les investissements en valeur reposent sur des fondements économiques.
Gertjan Verdickt est professeur au KU Leuven.
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