Les banques européennes abordent l’année 2026 avec des bilans solides mais une marge d’erreur réduite. Après un cycle de crédit exceptionnellement long, les risques s’accumulent au moment même où l’environnement économique devient plus incertain, selon l’European Bank Outlook 2026 de l’agence de notation Scope Ratings.
Selon Marco Troiano, responsable des notations des institutions financières chez Scope, le secteur se trouve dans « la phase finale d’un cycle exceptionnellement long ». La résilience reste élevée, mais les banques ont « très peu de marge de manœuvre pour absorber les chocs s’ils se produisent », prévient-il, alors que les risques politiques et de marché continuent d’augmenter.
Les prix de l’immobilier, des actions et des investissements alternatifs restent élevés. Une correction éroderait la valeur des garanties, ralentirait les prêts et nuirait à la confiance, selon Scope, une société basée à Berlin. L’incertitude politique est un facteur de risque supplémentaire. L’élection présidentielle française de 2027 en est un bon exemple, avec des implications potentielles pour la politique budgétaire et les rendements des obligations d’État. La dépendance à l’égard du financement en dollars américains rend également les banques européennes vulnérables, en particulier si les liquidités mondiales deviennent plus ténues.
Phase suivante du cycle
Malgré ces risques, les banques abordent la prochaine phase du cycle dans une position solide. Les notations de Scope placent fermement les grandes banques européennes, et notamment BNP Paribas, Crédit Agricole, ING et Santander, dans la catégorie investment grade.
D’autres agences de notation de crédit partagent cette analyse. Moody’s, S&P Global Ratings et Fitch pointent des positions de capital fortes, une rentabilité solide et une qualité de crédit favorable pour le moment. Dans le même temps, elles anticipent un ralentissement de la croissance des bénéfices à mesure que les taux d’intérêt se normalisent.
À l’horizon 2026, les agences de notation ne se focalisent plus sur la croissance des revenus, mais sur les risques de dégradation, tels que la baisse de la qualité du crédit des entreprises, les pressions sur le refinancement et l’incertitude politique. Selon les agences de notation, les banques sont désormais moins préoccupées par la solvabilité que par leur capacité à naviguer dans un environnement plus instable, où l’accès au financement et la flexibilité du capital deviennent des atouts essentiels.
Scope prévoit toutefois une certaine détérioration à mesure que la croissance économique ralentit et que la pression sur les bilans des entreprises augmente. « Nous prévoyons une augmentation modérée des défauts de paiement, mais cela n’affectera pas matériellement la qualité du crédit », a indiqué M. Troiano dans une note la semaine dernière. Les réserves de capitaux devraient permettre de faire face aux vents contraires.
Titres synthétiques de transfert de risques
Dans le même temps, Scope signale un changement structurel dans la gestion du bilan des banques. Le recours aux titres synthétiques de transfert de risques (SRT) augmente, en particulier dans les grandes institutions telles que Santander, UniCredit, BBVA, BNP Paribas et ING.
Les SRT permettent aux banques de conserver des prêts dans leur bilan tout en transférant le risque de crédit à des investisseurs externes, généralement par le biais de produits dérivés ou structurés. Une fois le risque économique transféré, les autorités réglementaires autorisent la réduction des actifs pondérés en fonction des risques. Cela permet de libérer du capital et d’étayer les ratios de fonds propres.
Ce ne sont pas les conditions actuelles du marché qui posent problème, mais le fonctionnement de ces structures en situation de tensions. Les transactions SRT doivent être renouvelées périodiquement, ce qui rend les banques dépendantes de la volonté des investisseurs. En période de ralentissement économique, cette volonté peut diminuer, rendant le refinancement plus difficile ou plus coûteux.
Les régulateurs suivent cela de près. « Notre travail consiste à assurer la résilience. Tôt ou tard, il y aura une récession. Nous devons nous assurer que ces structures soient résilientes face à cela », a récemment déclaré Jean-François Carpantier, responsable des risques à la division macroprudentielle de l’autorité de régulation luxembourgeoise CSSF, lors d’une conférence, en faisant référence aux risques liés aux SRT.
Tendance à la consolidation
La consolidation devrait rester un thème central en 2026. Scope cite les banques disposant d’une marge de manœuvre financière suffisante pour procéder à des acquisitions. Il s’agit notamment de BNP Paribas, Crédit Agricole, Intesa Sanpaolo, Unicredit, ING, DNB et Nordea. D’autres institutions, comme ABN Amro, Caixabank, Société Générale et Commerzbank, ont moins de marge de manœuvre.
Les fusions transfrontalières restent délicates. En raison des cadres de supervision nationaux, des considérations politiques et des différences dans les règles d’insolvabilité et les systèmes de garantie des dépôts, les banques privilégient les transactions nationales ou régionales, a indiqué Scope. L’agence de notation prévoit que la plupart des opérations se concentreront sur des acquisitions de moindre envergure visant à renforcer les activités principales, la technologie ou les revenus de commissions, plutôt que sur des fusions transformatrices de grande ampleur.