La Commission européenne a confirmé mardi que la réglementation concernant les fonds européens d’investissement à long terme (ELTIF) révisés était en bonne voie. Le secteur européen des investissements alternatifs peut ainsi s’attaquer aux défis opérationnels.
La finalisation de cette réglementation marque un tournant important pour les sociétés de fonds et les investisseurs, notamment les particuliers fortunés et les investisseurs de détail, qui bénéficient désormais de nouvelles possibilités de diversification de leurs portefeuilles avec des investissements alternatifs à long terme. Malgré ces opportunités, les experts mettent en garde : il reste encore de lourds obstacles opérationnels à surmonter.
« C’est une réelle avancée dans l’accessibilité des marchés privés à un plus large éventail d’investisseurs », a déclaré Salvatore Sberna (Azimut Investments), lors d’un webinaire de l’EFAMA. « Nous opérons une transition de la démocratisation des marchés privés à leur neutralisation, permettant aux investisseurs institutionnels et particuliers d’y prendre part côte à côte », explique le directeur des investissements alternatifs d’Azimut Investments.
Les fonds semi-liquides désormais autorisés
La proposition modifiée de la Commission européenne, déposée le 22 juillet, définissait de nouveaux critères de liquidité pour les fonds semi-liquides, pierre angulaire d’ELTIF 2.0. Les anciennes règles autorisaient uniquement les fonds fermés ; les investissements devaient donc être détenus jusqu’à l’échéance du fonds.
Le Conseil européen et le Parlement n’ont pas formulé d’objection dans les trois mois prévus à cet effet : le règlement peut donc à présent être mis en œuvre, comme l’a confirmé Ivan Kuznetsov, chargé de mission à la DG FISMA de la Commission européenne, lors du webinaire de l’EFAMA.
Le cadre révisé a été conçu pour attirer un plus grand nombre d’investisseurs, notamment non professionnels. Le marché privé européen représente 930 milliards d’euros en fonds d’investissement alternatifs. Ivan Kuznetsov a néanmoins souligné que seule une rigoureuse préparation opérationnelle permettrait la réussite de ces nouvelles règles. Les sociétés de fonds doivent se préparer à la complexité de ces fonds afin que les ELTIF puissent véritablement devenir un moteur de croissance économique, explique-t-il.
« Passeport turbo »
Les gestionnaires d’actifs ont réagi avec enthousiasme à l’introduction d’ELTIF 2.0. Martin Parkes, codirecteur du bureau européen de BlackRock à Bruxelles, a qualifié le nouveau cadre de « passeport turbo » pour les fonds alternatifs, ajoutant que le secteur était déjà en plein développement de nouveaux produits ELTIF. Martin Parkes a cependant averti que les défis opérationnels restants nécessiteraient des solutions innovantes, pour prévenir l’apparition de nouveaux problèmes.
ELTIF 2.0 propose des structures semi-liquides et evergreen, offrant plus de flexibilité que les fonds fermés qui caractérisaient le marché jusqu’à présent. Le cadre initial n’a pas vraiment été un succès, avec seulement 81 fonds lancés jusqu’en 2022, pour un montant total de 7,4 milliards d’euros. Des règles strictes en matière de diversification, d’effet de levier et d’accès des investisseurs tempéraient l’attrait de la structure d’origine pour les investisseurs institutionnels comme pour les particuliers fortunés.
La suppression du seuil d’investissement minimum de 10 000 euros pour les investisseurs particuliers sous ELTIF 2.0 devrait à présent attirer un plus large groupe d’investisseurs.
Liquidité et flexibilité
L’introduction de structures semi-liquides et evergreen au sein d’ELTIF 2.0 permet aux investisseurs d’accéder à des actifs à long terme qui conservent néanmoins une certaine liquidité. Si cela peut être intéressant pour les particuliers fortunés, les investisseurs retail et les family offices, la liquidité reste difficile à gérer, surtout en cette période de turbulences sur les marchés.
La nouvelle réglementation offre peut-être davantage de flexibilité, mais cela implique aussi une plus grande complexité opérationnelle. Les sociétés de fonds doivent trouver le bon équilibre entre actifs liquides et illiquides, effectuer des tests de résistance et garantir une liquidité suffisante pour répondre aux demandes de rachat.
« Il existe un compromis clair entre liquidité et rendement, et nous devons faire preuve de transparence à cet égard auprès des investisseurs », affirme Stéphane Blanchoz, directeur des solutions alternatives chez BNP Paribas Asset Management. « Si la nouvelle réglementation offre des outils de gestion de la liquidité, il est essentiel que les sociétés de fonds s’en servent de façon responsable. »
Prévisions de croissance
Sur les 132 fonds ELTIF lancés depuis août 2024, près des deux tiers l’ont été au Luxembourg. Les actifs sous gestion des ELTIF devraient atteindre les 100 milliards d’euros d’ici 2028, bien que certains demeurent sceptiques quant à ces prévisions de croissance.
Chez Neuberger Berman, Chrystelle Charles-Barral note que les co-investissements et les mécanismes de passeport posent encore certains défis du fait des différents régimes fiscaux coexistant en UE. Elle souligne l’importance d’harmoniser le traitement fiscal et de remédier à la complexité des stratégies de niche, surtout alors que s’éveille l’intérêt de pays tiers.