Keyrock CEO Kevin de Patoul (left) speaking at the Real World Asset Summit in Brooklyn last week.
Keyrock CEO Kevin de Patoul (left) speaking at the Real World Asset Summit in Brooklyn last week.

Les fonds émis en jetons numériques (fonds dits « tokenisés ») dépasseront les structures traditionnelles d’ici cinq ans, a déclaré Kevin de Patoul, CEO du teneur de marché numérique Keyrock, basé à Bruxelles. 

S’exprimant lors du Real World Asset Summit 2025 à Brooklyn la semaine dernière, Kevin de Patoul a expliqué que les fonds tokenisés peuvent résoudre de nombreuses inefficacités dans la gestion d’actifs conventionnelle. Les véhicules d’investissement sur la blockchain sont moins chers et plus efficaces pour les gestionnaires de fonds, a-t-il déclaré dans un entretien accordé par la suite à Investment Officer. « Pour l’investisseur, cela offre transparence et liquidité. Le jeton lui-même peut être utilisé comme garantie ou échangé. »


Fonds programmables

La technologie blockchain permet aux investisseurs d’enregistrer leur participation dans un fonds comme une preuve numérique de propriété. Cela permet d’effectuer des transactions secondaires et de faciliter le rééquilibrage. M. de Patoul fait la comparaison avec le passage des titres papier aux fonds négociés en Bourse, ajoutant que la logique de la programmabilité rend un produit supérieur, quelle que soit la stratégie sous-jacente.

M. de Patoul n’est pas le seul à constater ces avantages : des poids lourds de l’investissement tels que Franklin Templeton, Blackrock, Fidelity et Janus Henderson adoptent un ton optimiste à l’égard de la tokenisation.

La semaine dernière, Bloomberg a rapporté que Blackrock, la plus grande société de fonds au monde, se prépare à lancer une offensive de 2000 milliards de dollars dans les actifs réels, via des ETF émis sur la blockchain (ETF tokenisés). La société a déjà l’expérience du Blackrock USD Institutional Digital Liquidity Fund (BUIDL), qui est adossé à des obligations d’État américaines à court terme, des mises en pension et à des liquidités. Ce fonds est devenu le plus grand fonds de trésorerie tokenisé au monde, avec près de 2,2 milliards de dollars d’actifs sous gestion. 

Franklin Templeton a lancé des tranches tokenisées de fonds du marché monétaire, tandis que le CEO de Blackrock, Larry Fink, a déclaré dans sa lettre annuelle aux investisseurs que la tokenisation pourrait « transformer » les marchés financiers.

Les États-Unis prennent les devants

Pourtant, la plupart des géants financiers traditionnels ne s’emballent pas encore, surtout en Europe. M. de Patoul souligne trois obstacles majeurs : l’absence de réglementation claire, l’aversion pour le risque des institutions et une infrastructure incomplète. « La première étape consiste à connaître les règles du jeu afin que les institutions puissent participer en toute sécurité », explique-t-il.

Le contraste entre les États-Unis et l’Europe est principalement politique, selon le dirigeant. « En janvier, Donald Trump a déclaré que les États-Unis deviendraient le centre mondial des cryptomonnaies. Quelles que soient ses motivations, cela a donné au secteur une orientation claire. » Le Genius Act américain sur les monnaies numériques, signé en juillet, exige que les stablecoins soient entièrement couverts par des réserves et les soumet à des rapports de transparence réguliers.

« Comparez cela à l’Europe, où il a fallu des années pour élaborer une législation sur les cryptomonnaies (MiCA), législation qui présente d’ailleurs encore des lacunes. La différence de mentalité est énorme », constate M. de Patoul. « Aux États-Unis, un gestionnaire de fonds peut dire : cette technologie peut réduire mes coûts de 40 %, et je sais que la réglementation ne mettra pas en péril mon activité. En Europe, des dirigeants comme Christine Lagarde continuent de qualifier les cryptomonnaies de ridicules. »
Pour M. de Patoul, c’est un problème de perception. « Lorsque les institutions européennes entendent le mot « crypto », elles pensent encore à la volatilité du bitcoin ou aux NFT surévalués. Ce tapage attire l’attention, mais détourne le regard des avantages sous-jacents de la technologie. »

Stratégies actives tokenisées

Alors que l’attention se porte principalement sur la tokenisation des actifs traditionnels, Kevin de Patoul souligne ce qu’il considère comme le développement le plus révolutionnaire : un essor des stratégies gérées activement qui fonctionnent entièrement sur la blockchain.

« La croissance des stratégies de gestion active entièrement axée sur la blockchain a été extraordinaire : elles ont en effet gagné plus de 800 % l’année dernière. Plus de la moitié des portefeuilles numériques concernés appartiennent à de grands investisseurs et plus de 95 % de la valeur déposée vient des investisseurs institutionnels. Cela prouve qu’il ne s’agit pas d’une simple expérience menée auprès de particuliers, mais d’un changement structurel. »

La semaine dernière, Keyrock a d’ailleurs acquis Turing Capital Management, un gestionnaire de fonds d’investissement alternatif basé au Luxembourg qui agit en tant qu’investisseur providentiel pour les start-ups du secteur des cryptomonnaies. L’opération devrait ouvrir la voie à une solide expansion dans le domaine de la gestion de patrimoine et d’actifs. La nouvelle division sera dirigée par Jorge Schnura, cofondateur de Turing, qui rejoint le comité exécutif de Keyrock en tant que président de l’unité.

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