Gertjan Verdickt
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Le vin constitue un complément intéressant à un portefeuille classique. Cependant, des connaissances sont nécessaires. Pour le dire avec une boutade : ‘there is no such thing as a free lunch, but you can add wine to it.’

Ces dernières années, les investisseurs institutionnels se sont massivement mis en quête de rendement, ou ‘reach for yield’. À cet égard, les investissements alternatifs constituaient une solution très attrayante. Cette catégorie comprend ce qu’on appelle les actifs réels, tels que l’immobilier, l’art, le vin, etc. Il s’agit d’investissements pour lesquels on achète un produit réel et tangible, par opposition aux actifs financiers (par exemple, les actions et les obligations) qui sont la preuve de propriété d’une partie d’une entreprise (ou d’un flux de trésorerie de cette entreprise). Mais comment les investissements alternatifs se sont-ils comportés ?

Dans cet article, nous nous concentrons sur le vin. À mon avis, le vin constitue un investissement très intéressant. En effet, c’est le seul de tous les actifs réels qui peut s’améliorer après la production. Les bijoux, les montres et les sacs à main, par exemple, perdent peu à peu de la valeur à mesure qu’ils s’abîment. Le vin est également un actif présentant des caractéristiques de produits financiers, comme les obligations :

  • Il a une échéance (ou fenêtre de consommation).
  • Il reçoit une note (bien qu’il ne s’agisse pas d’une notation de crédit, mais de qualité).
  • Il est négocié sur des marchés secondaires (ventes aux enchères).
  • Il existe un marché primaire (Bordeaux en primeur).
  • Il est également très illiquide.
  • Un domaine viticole a plusieurs vins, tout comme une entreprise a plusieurs obligations.
  • La production est fixe, tout comme l’émission : une fois que la société a émis l’obligation, l’émission est terminée.
  • Il existe un risque de faillite, tout comme un risque que le vin se détériore.
  • Certains investisseurs adoptent une stratégie de buy-and-hold pour les obligations, ce qui est également possible avec le vin.

Bien sûr, il y a aussi des différences importantes. Une obligation donne une valeur de principe à l’échéance, tandis que le vin donne un bien de consommation à l’échéance. De plus, le vin peut également être vendu après l’échéance. Ainsi, le vin est un produit à échéance fixe (comme une obligation) qui devient un produit sans échéance (comme une action). Il opère donc la transition entre bien de consommation et bien de collection. Un autre point est que les obligations versent un dividende nominal, tandis que le vin offre, comme on le dit joliment, un dividende émotionnel. Il n’est pas nécessaire de stocker des obligations à la bonne température ou de les assurer, alors que c’est évidemment nécessaire pour le vin. Il existe donc de nombreuses similitudes, mais aussi d’importantes différences.

Show me the money

Comment le vin s’est-il comporté ? La figure 1 montre que le rendement était en fait plutôt bon, surtout par rapport aux actions (S&P500) et aux obligations (VBMFX). Avec 8,93 %, le rendement moyen du vin se situe juste en dessous de celui des actions. Même pondéré en fonction du risque, le vin ne s’en sort pas vraiment mal par rapport aux deux alternatives. En effet, le ratio de Sharpe est de 0,15 sur l’ensemble de la période. Dans l’ensemble, le vin a donc connu un parcours très positif.

Figure 1 : Rendements du vin (en noir), des actions (en bleu) et des obligations (en rouge) entre 2003 et 2022

De quel vin s’agit-il ici ? Robbe Van Tillo et moi-même avons recueilli plus de trois millions d’observations provenant de 41 ventes aux enchères, à partir desquelles nous avons ensuite calculé le rendement. Pour vous donner une idée, il s’agit de vins dont le prix moyen est de 600 dollars la bouteille et dont la note moyenne est de 94 sur 100. En résumé, il ne s’agit pas de vins de consommation courante.

Mais les apparences sont trompeuses

Quels sont les autres aspects importants pour le vin ? Comment et quand il est négocié. Il n’y a qu’une seule vente aux enchères par mois. De plus, une bouteille n’est pas systématiquement proposée lors de chaque vente. Et même lorsque c’est le cas, elle n’est pas nécessairement vendue. En effet, l’offre doit être supérieure au prix de réserve. Si ce prix n’est pas atteint, il n’y a pas de vente. La non-atteinte de ce prix constitue donc une information importante.

Le vin, comme tout autre investissement alternatif, présente un biais de sélection : seuls les vins à succès sont vendus et le rendement est donc en réalité trop élevé (biais à la hausse). Lorsqu’on corrige ce biais, la situation est différente. Nous l’appelons ‘MCMC’ et le comparons au rendement standard (RS).

La figure 2 montre que lorsqu’on tient compte d’une probabilité de vente, le rendement du vin est de -0,03 % par an. Si l’on impose davantage de restrictions, par exemple que le vin doit être vendu au moins 5, 10, 20 ou 30 fois, la ligne pointillée (MCMC) est beaucoup plus proche du rendement réel (RS). Cela ne signifie qu’une chose : les apparences sont trompeuses. Le rendement du vin est intéressant, mais :

  • Tous les vins n’ont pas le même rendement, il est indispensable d’avoir des connaissances pour investir.
  • Il y a beaucoup de frais, ce qui pèse sur le rendement.
  • Cependant, les opportunités sont importantes : c’est un marché efficace, mais moins que les actions.

Figure 2 : Le rendement du vin sans tenir compte du biais de sélection (lignes en gras) et en tenant compte du biais de sélection (ligne en pointillé). Les couleurs représentent le nombre minimum de transactions qui doivent avoir eu lieu sur l’ensemble de la période.

 

 

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