Skyline banks Frankfurt. Photo by Matthias Münning on Unsplash
Skyline banks Frankfurt. Photo by Matthias Münning on Unsplash

Les bilans solides et la rentabilité élevée des banques constituent une base solide pour les obligations bancaires fortement subordonnées. Elles offrent des rendements élevés pour un risque faible.

Les obligations dites AT1, ou CoCo, constituent une exception attrayante sur les marchés financiers. Les rendements effectifs relativement élevés sont particulièrement intéressants, explique Erik Schmahl, Senior investment strategist de Rabobank, lors d’un entretien avec Investment Officer. « Alors que le rendement des obligations d’entreprises européennes est aujourd’hui inférieur à 3 %, il est supérieur à 5 % pour les CoCo – alors qu’il s’agit d’obligations liquides, de courte duration et de bonne solvabilité. »

Selon M. Schmahl, les investisseurs restent néanmoins sceptiques, car les CoCo ne font pas partie d’un indice obligataire et sont encore parfois assimilés à des actions. « C’est absurde, car les CoCo sont tout à fait comparables aux obligations bancaires subordonnées ordinaires qui sont également affectées au moment où un renflouement a lieu ou lorsqu’un régulateur exige que la banque déprécie ses actifs. » 

Confiance

Le feuilleton Credit Suisse en 2023 a gravement nui à la confiance dans les CoCo lorsqu’il est apparu que le rachat par UBS signifierait que quelque 16 milliards de francs suisses de dette AT1 seraient réduits à néant sur ordre du régulateur. Les détenteurs d’AT1, dont faisait partie Rabobank, ont dû passer par pertes et profits la totalité de leur investissement. 

« Le fait que nous ayons également été affectés à l’époque ne me pose pas de problème, car c’est le risque, dit M. Schmahl. Mais la colère des investisseurs d’AT1 était justifiée, car les actionnaires recevaient encore quelque chose. Il aurait été préférable que nous recevions nous aussi des actions du Credit Suisse. »

La reprise s’est produite lorsque le régulateur britannique et la Banque centrale européenne ont signalé que les mesures prises par le régulateur suisse à l’égard du Credit Suisse ne devaient pas être suivies. « C’est ce qui a sauvé la classe d’actifs, dit M. Schmahl. Les primes de risque sont également revenues à leur niveau d’avant l’affaire Crédit Suisse. »

Peu d’acheteurs

D’un point de vue technique, le stratège continue de penser que le marché est étrange. « Les CoCo sont absents des indices de référence parce que les investisseurs institutionnels ne veulent pas toujours investir dans des obligations profondément subordonnées. Cependant, les banques sont obligées de les émettre et cela leur coûte très cher. Elles doivent montrer aux régulateurs qu’elles peuvent lever ce type de capital tampon auprès des investisseurs. Il y a donc peu d’acheteurs naturels pour les CoCo. Pour nous, il s’agit donc d’une classe d’actifs attrayante avec des rendements élevés. »

Marc Stacey, spécialiste des obligations chez RBC BlueBay, ajoute que l’absence de CoCo dans les indices obligataires signifie qu’elles constituent un investissement actif pour la plupart des investisseurs obligataires. « Cela explique en partie la décote à laquelle les CoCo sont vendus. »

Peu coûteux et sûr

Au cours des 12 derniers mois, les CoCo ont rapporté plus de 10 %. Les actions des banques européennes ont fait encore mieux, avec un rendement de plus de 60 %. « Les banques ont été à la traîne du marché boursier pendant des années, mais elles se portent bien aujourd’hui grâce à l’amélioration de leurs bénéfices et de leur bilan, explique M. Schmahl. Des réserves très importantes garantissent que la probabilité que les banques aient à déprécier les CoCo ou à suspendre les paiements d’intérêts est extrêmement faible. » 

M. Stacey souligne également la solidité des bilans et la rentabilité des banques qui, selon lui, « constituent un bon argument en faveur de l’investissement dans les obligations bancaires. […] En fait, les CoCo n’ont jamais été aussi sûrs qu’aujourd’hui. » 

Le spécialiste de RBC BlueBay attribue la hausse de la rentabilité des banques européennes à la hausse des taux d’intérêt. « Leurs bénéfices opérationnels ont augmenté d’environ 70 % depuis 2020, la marge d’intérêt représente environ 60 % des bénéfices et reste suffisamment élevée avec le taux directeur actuel de 2 % dans la zone euro. »
Si l’on ajoute à cela les « bons ratios de capital et de liquidité », les CoCo sont « résolument bon marché », selon M. Stacey.

Bien que les primes de risque aient diminué, M. Schmahl estime que ces titres restent intéressants. « Actuellement, les spreads des CoCo sont 2,3 fois plus élevés que ceux des obligations bancaires subordonnées normales, ce qui reste considérable, compte tenu des risques modérés. Nous prévoyons donc que ce ratio descendra au moins à 2, voire moins. Des spreads plus élevés sont possibles sur le marché à haut rendement et la dette émergente, mais cela comporte alors des risques de crédit ou politiques plus importants. Selon nous, le risque des CoCo est suffisamment clair et cet instrument s’intègre bien dans les portefeuilles obligataires. »

Risques

Les AT1 n’ont pas souffert de la hausse des taux d’intérêt à long terme, selon M. Schmahl. Bien qu’ils soient perpétuels, ils peuvent être remboursés après cinq ans. « La plupart des banques le font. Si aucun remboursement anticipé n’a lieu, le coupon est réinitialisé sur la base du taux de swap à cinq ans avec une prime. De ce point de vue, les risques sont limités. » 

Selon M. Stacey, « le ratio de capital CET1 des banques européennes s’élève en moyenne à 16 %, ce qui permet aux détenteurs d’obligations de disposer d’une marge de sécurité considérable pour faire face aux pertes potentielles. En effet, les actionnaires sont les premiers à subir les conséquences. En outre, les banques européennes devraient générer environ 400 milliards d’euros de bénéfices hors provisions l’année prochaine, alors qu’auparavant elles étaient à peine rentables en raison des taux d’intérêt très bas, voire négatifs. 

Il estime que le profil risque-rendement des CoCo se distingue positivement dans l’environnement actuel. « Les investissements à risque sont presque parfaitement évalués et les spreads sur les obligations d’entreprises sont faibles. Dans ce contexte, les obligations AT1 offrent un rendement élevé, mais aussi sûr et efficace », explique M. Stacey. C’est pourquoi le fonds BlueBay Financial Capital Bond investit principalement dans des CoCo, en plus d’autres obligations bancaires. Le fonds cible les champions nationaux investment grade « comme ING, ABN Amro et Rabobank aux Pays-Bas, qui sont essentielles à l’économie et au système financier », conclut M. Stacey.
 

Author(s)
Categories
Access
Members
Article type
Article
FD Article
No