
Le régulateur européen des pensions tente de donner un nouveau souffle au produit de pension européen (PEPP), qui a échoué. Les critiques voient dans le produit rebaptisé « EuroPension » une répétition de manœuvres connues. Il est trop complexe pour concurrencer les ETF à bas prix, trop faible par rapport aux régimes nationaux et trop axé sur le marché des capitaux au détriment de la pension de base.
Depuis Francfort, le régulateur européen AEAPP a présenté la semaine dernière le plan d’EuroPension. Ce plan intervient après le lancement raté du PEPP en 2022 : à la fin de l’année 2024, seuls quelques prestataires étaient actifs et le compteur s’élevait à 12 millions d’euros d’actifs sous gestion. Selon l’AEAPP, cette situation est due à une conception rigide, à l’absence d’incitations fiscales et au manque de sensibilisation du public.
Le système européen des pensions repose sur trois piliers. Le pilier I est la pension légale de l’État, financée par les impôts et les cotisations, qui sert de base à la prévoyance vieillesse. Le pilier II comprend les pensions professionnelles, souvent obligatoires et réglementées collectivement. Le pilier III concerne les régimes volontaires et personnels mis en place par les banques, les assureurs ou les gestionnaires d’actifs. Le PEPP, qui deviendra bientôt l’EuroPension, appartient au pilier III, bien que l’AEAPP souhaite également utiliser le produit comme un régime d’entreprise, ce qui le ferait passer au pilier II.
L’élément central de la proposition est d’avoir un label à l’échelle de l’UE. Seuls les produits qui répondent à des exigences strictes en matière de simplicité, de transparence et de protection des consommateurs sont autorisés à s’appeler EuroPension. L’AEAPP souhaite remplacer le plafond des coûts fixes de 1 % par un test de value-for-money plus flexible, remplacer les investissements standard par des fonds de cycle de vie et supprimer le système coûteux de sous-comptes distincts par État membre. Les employeurs peuvent également utiliser l’EuroPension pour la participation automatique des salariés.
Critique du Luxembourg
Pourtant, le scepticisme prévaut. « Une énorme déception », déclare Sebastiaan Hooghiemstra, avocat chez Loyens & Loeff au Luxembourg qui était impliqué dans la première version du PEPP. L’« EuroPension ne peut pas rivaliser avec les ETF bon marché ou les solutions d’épargne simples. »
M. Hooghiemstra considère les comptes de pension américains comme un meilleur exemple. Aux États-Unis, les salariés qui bénéficient d’un plan 401(k) choisissent leurs propres investissements – actions, ETF ou obligations – et paient des impôts au moment de la distribution. Avec un Roth IRA, au contraire, l’impôt s’applique lors du dépôt et les retraits sont ensuite exonérés d’impôt. « Pourquoi l’Europe ne propose-t-elle pas quelque chose de similaire ? » se demande-t-il.
Selon M. Hooghiemstra, le lien au pilier II ne fait que compliquer les choses. « Commencez par le pilier facultatif, gagnez de l’expérience, puis améliorez la proposition. Aujourd’hui, cela devient trop complexe. »
Alerte
Les organisations de la société civile ont également exprimé des réserves. Julia Symon, de Finance Watch, souligne que les réformes ne doivent pas se faire au détriment du pilier I, qui constitue le fondement du système européen de pensions. Elle craint que la volonté politique d’envoyer l’épargne sur le marché des capitaux ne néglige l’accessibilité financière et la responsabilité à long terme.
Better Finance salue le label d’EuroPension, mais juge le produit trop complexe. Selon le groupe d’intérêt, seule une simplification drastique peut conduire à un système abordable et largement accessible. Sans allègements fiscaux, les États membres et les prestataires ne montreront que peu d’empressement.
Obstacle fiscal
Sebastiaan Hooghiemstra y voit une véritable faiblesse. En 2017, les pays de l’UE ont accepté d’appliquer leurs avantages fiscaux nationaux au PEPP. Les Pays-Bas n’ont pas participé et, sous la pression du puissant lobby des pensions, ont gardé la porte fermée. Les épargnants néerlandais n’ont donc pas pu bénéficier d’un produit transfrontalier.
L’un des points problématiques de la conception initiale était que les prestataires devaient ouvrir des sous-comptes dans chaque pays. Cette disposition, censée garantir la portabilité, est en fait devenue un obstacle. L’AEAPP propose maintenant que tout Européen puisse souscrire une EuroPension, sans structure complexe, partout dans l’UE. Avec un tel passeport européen, le produit de pension ressemblerait davantage à un UCITS ou à un ELTIF, qui sont négociables dans toute l’UE avec une licence unique.
Au Luxembourg, qui s’est spécialisé dans les fonds transfrontaliers depuis des décennies, les experts voient des opportunités. Des recherches antérieures menées par l’Institut Liser ont mis en évidence une demande latente pour une pension réellement transférable : les salariés de la Großregion (Luxembourg, France, Allemagne et Belgique) semblent prêts à sacrifier une partie de leur rendement pour conserver leur contrat de pension lorsqu’ils déménagent ou changent d’employeur.